Conseil d'État, 2ème chambre, 31/12/2018, 416891, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision31 décembre 2018
Num416891
Juridiction
Formation2ème chambre
RapporteurMme Louise Bréhier
CommissaireMme Sophie Roussel
AvocatsSCP GADIOU, CHEVALLIER

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal des pensions de Nanterre d'annuler la décision du 9 janvier 2012 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension et de lui reconnaître droit à pension pour des infirmités d'acouphènes gauches permanents, d'hypoacousie de perception gauche et de perte auditive moyenne de l'oreille gauche.

Par un jugement n° 12/00016 du 8 juillet 2016, le tribunal des pensions lui a accordé une pension au taux de 20 % pour acouphènes gauches permanents à compter du 7 septembre 2009.

Par un arrêt n° 16/04153 du 24 octobre 2017, la cour régionale des pensions de Versailles a rejeté l'appel formé par le ministre de la défense contre ce jugement.

Par un pourvoi, enregistré le 27 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la défense demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) statuant au fond, de faire droit à son appel.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Louise Bréhier, auditrice,

- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de M. A...;





1. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans leur rédaction applicable au litige, que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque ; que cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle ;

2. Considérant que, pour reconnaître l'imputabilité à un fait précis de service de l'infirmité dite " acouphènes gauches permanents " dont souffre M.A..., la cour régionale des pensions s'est uniquement fondée sur les termes d'un rapport établi le 19 mars 2004 faisant état du survol à très basse altitude d'un avion de combat lors d'une mission à Djibouti " le 13 juin 2002 " ; que si la cour a estimé que ce document ne se bornait pas à reprendre les propos de l'intéressé, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'il a été établi longtemps après le fait indiqué sans qu'aucune pièce versée au dossier ne fasse état d'une enquête qui aurait été effectuée à ce propos ; que la cour a relevé que la date du 13 juin 2002 indiquée par le rapport procédait d'une erreur manifeste, cette date correspondant au début de la mission de l'intéressé à Djibouti, sans retenir aucune autre date pour la survenance du fait en cause ; que, dans ces conditions, en jugeant que M. A...rapportait la preuve, qui lui incombe, de l'existence d'un fait précis de service à l'origine de l'affection qu'il invoque, pour l'application de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, la cour régionale des pensions a dénaturé les faits de l'espèce ; que, par suite, la ministre des armées est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

4. Considérant que si M. A...soutient, pour rattacher au service l'affection dont il souffre, que, lors d'une mission à Djibouti entre le 13 juin au 29 octobre 2002, il a été surpris par le survol d'un avion de combat à très basse altitude, il n'indique pas la date de cet incident ; que les mentions portées au livret médical le 21 janvier 2003 se bornent à transcrire les déclarations de l'intéressé ; que le rapport établi le 19 mars 2004 ne peut être regardé, en raison de ses imprécisions et de la date à laquelle il a été établi, comme rapportant la preuve de l'existence d'un fait précis de service à l'origine de l'affection en cause ; que, dans ces conditions, la preuve de l'imputabilité de l'affection pour laquelle a été formée la demande de pension à un fait précis ou à des circonstances particulières de service, comme l'exige l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, n'est pas rapportée ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Nanterre a accordé à M. A...une pension au taux de 20 % pour des " acouphènes gauches permanents " ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 24 octobre 2017 de la cour régionale des pensions de Versailles et le jugement du 8 juillet 2016 du tribunal des pensions de Nanterre sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal des pensions de Nanterre est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre des armées et à M. B...A....


ECLI:FR:CECHS:2018:416891.20181231