Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 13/03/2019, 407732, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 23 octobre 2013 par laquelle la directrice de l'établissement public de santé Maison Blanche (EPSMB) l'a radié des cadres pour limite d'âge et l'a admis à faire valoir ses droits à pension de retraite à compter du 4 décembre 2013, la décision du 6 décembre 2013 rejetant sa demande tendant à l'abrogation de la décision du 23 octobre 2013 et à l'obtention d'une mesure de prolongation d'activité, la décision du 6 décembre 2013 par laquelle l'EPSMB a refusé de mettre en paiement sa pension de retraite, la décision implicite de rejet de sa demande d'attribution d'une pension d'invalidité imputable au service, la décision implicite de la commission de réforme refusant sa demande d'avis sur l'attribution d'une pension de retraite pour invalidité imputable au service et la décision implicite de rejet de l'EPSMB de sa demande d'attribution d'une rente viagère d'invalidité et, d'autre part, de condamner l'EPSMB à lui verser une somme de 60 000 euros en réparation des préjudices subis.
Par un jugement n° 1403276 du 2 février 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 15PA02873, 15PA04222 du 6 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête d'appel formée par M. A... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 février et 9 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'établissement public de santé Maison Blanche une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christian Fournier, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. A...et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Hôpital Maison Blanche ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., qui exerçait au sein de l'établissement public de santé Maison Blanche (EPSMB) les fonctions d'infirmier de secteur psychiatrique, a contracté dans le cadre de son activité professionnelle une hépatite C, qui a été déclarée imputable au service, et a été placé en congé de maladie du 10 août 2011 jusqu'au 4 décembre 2013. Par une décision et un arrêté du 23 octobre 2013, l'EPSMB a informé M. A... de sa mise à la retraite pour limite d'âge à compter du 4 décembre 2013 et de sa radiation des cadres à la même date. Par des courriers des 23 octobre, 20 novembre et 30 novembre 2013, M. A... a demandé à l'EPSMB d'abroger ces décisions et arrêté et, d'une part, de lui accorder une prolongation d'activité et une allocation temporaire d'invalidité, mais aussi, d'autre part, de lui attribuer une pension d'invalidité imputable au service. Par un courrier du 6 novembre 2013, resté sans réponse, il a saisi la commission de réforme d'une demande d'avis sur sa demande de pension d'invalidité imputable au service. Par un courrier du 6 décembre 2013, l'EPSMB a refusé de faire droit à sa demande de prolongation d'activité et d'abrogation de la décision et de l'arrêté du 23 octobre 2013, et lui a indiqué qu'il refusait de mettre en paiement sa pension de retraite en l'absence de signature du document portant demande de liquidation d'une pension normale.
2. Par un jugement du 2 février 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. A... tendant, d'une part, à l'annulation des décisions et arrêté des 23 octobre et 6 décembre 2013, des décisions implicites de l'EPSMB rejetant ses demande d'attribution d'une pension d'invalidité imputable au service assortie d'une rente viagère d'invalidité ainsi que de la décision implicite par laquelle la commission de réforme a refusé de faire droit à sa demande d'avis et, d'autre part, à la condamnation de l'EPSMB à lui verser la somme de 60 000 euros en réparation des préjudices qu'il a subis. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 décembre 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'il a formé contre ce jugement.
Sur le bien-fondé de l'arrêt en ce qui concerne la pension d'invalidité :
3. Aux termes de l'article 36 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui a été mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, soit en service, (...) peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office, à l'expiration des délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 et a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° de l'article 7 et au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite ".
4. Si M. A... a demandé le 23 octobre 2013 à bénéficier d'une pension d'invalidité imputable au service, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment du certificat médical établi le 27 novembre 2013 fixant la consolidation de son état de santé à cette même date et le déclarant apte à une reprise de ses fonctions dès le 4 décembre 2013, que les examens médicaux réalisés avant la radiation des cadres de l'intéressé ne permettaient pas de conclure à une impossibilité permanente d'exercer ses fonctions. Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en déduisant de ce constat que M. A...ne remplissait pas, que ce soit à raison de la seule hépatite C dont l'imputabilité avait été reconnue au service ou à raison de l'ensemble des affections dont il se prévalait, les conditions prévues à l'article 36 du décret du 26 décembre 2003, et qu'il n'était, par conséquent, pas fondé à soutenir que l'EPSMB l'aurait privé du droit à une pension d'invalidité tel que prévu par ces dispositions.
Sur le bien-fondé de l'arrêt en ce qui concerne la rente viagère d'invalidité :
5. Aux termes de l'article 37 du même décret : " I. - Les fonctionnaires qui ont été mis à la retraite dans les conditions prévues à l'article 36 ci-dessus bénéficient d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services prévus à l'article précédent. / Le bénéfice de cette rente viagère d'invalidité est attribuable si la radiation des cadres ou le décès en activité interviennent avant que le fonctionnaire ait atteint la limite d'âge sous réserve de l'application des articles 1er-1 à 1er-3 de la loi du 13 septembre 1984 susvisée et sont imputables à des blessures ou des maladies survenues dans l'exercice des fonctions ou à l'occasion de l'exercice des fonctions, ou résultant de l'une des autres circonstances énumérées à l'article 36 ci-dessus. / Le droit à cette rente est également ouvert à l'ancien fonctionnaire qui est atteint d'une maladie professionnelle dont l'imputabilité au service est reconnue par la commission de réforme postérieurement à la date de la radiation des cadres, dans les conditions définies à l'article 31. Dans ce cas, la mise en paiement de la rente prend effet à la date du dépôt de la demande de l'intéressé, sans pouvoir être antérieure à la date de publication du décret du 17 octobre 2000 susvisé (...) ".
6. Il résulte des dispositions combinées de l'article 36 du décret du 26 décembre 2003 citées au point 3 et de l'article 37 du même décret citées au point 5, et notamment du troisième alinéa de ce dernier, que si le bénéfice d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services est attribuable aux fonctionnaires se trouvant dans l'impossibilité permanente de continuer leurs fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en service à la condition que leur mise à la retraite par anticipation intervienne avant qu'ils n'aient atteint la limite d'âge, il est également ouvert aux anciens fonctionnaires qui sont atteints d'une maladie professionnelle dont l'imputabilité au service est reconnue par la commission de réforme postérieurement à la date de leur radiation des cadres, dans les conditions définies à l'article 31 du même décret.
7. Par suite, en se bornant à relever, pour juger que M. A... n'était pas fondé à soutenir que l'EPSMB avait commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en rejetant implicitement sa demande d'attribution de rente viagère d'invalidité, que celui-ci avait été radié des cadres pour limite d'âge à compter du 4 décembre 2013 et n'avait pas été mis à la retraite par anticipation, sans rechercher s'il pouvait, ainsi qu'il le soutenait, bénéficier d'une rente viagère d'invalidité après sa radiation des cadres en application du troisième alinéa de l'article 37 du décret du 26 décembre 2003, la cour a commis une erreur de droit. M. A...est fondé à demander, dans cette mesure, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi relatif au droit à une rente viagère d'invalidité, l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
Sur le bien-fondé de l'arrêt en ce qui concerne la pension de retraite :
8. M. A... soutient que la cour ne s'est pas prononcée sur sa demande d'annulation de la décision du 6 décembre 2013 par laquelle l'EPSMB aurait refusé de mettre en paiement sa pension de retraite ni sur sa demande de réparation des préjudices causés par cette décision. Mais, d'une part, en l'absence de tout moyen soulevé au soutien de la demande d'annulation de la décision du 6 décembre 2013, la cour a pu estimer, sans se méprendre sur la portée des écritures du requérant, qu'elle n'était en réalité pas saisie par M. A... de conclusions tendant à cette annulation. C'est, par suite, sans irrégularité qu'elle a statué sur l'appel de M. A... sans se prononcer sur les conclusions en cause. D'autre part, en jugeant que l'EPSMB n'avait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de M. A..., la cour a nécessairement écarté les conclusions indemnitaires de ce dernier.
Sur le bien-fondé de l'arrêt en ce qui concerne les affections de M. A... :
9. D'une part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les mycoses plantaires et la surdité survenue en août 2010 n'ont pas été reconnues imputables au service par la commission de réforme dans ses avis des 28 mai et 24 septembre 2013. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les autres pathologies, à savoir une affection stomato-dentaire survenue en septembre 2010, une tachycardie détectée en 2011, un syndrome dépressif traité par antidépresseurs depuis 2013 et une dystonie de l'écriture détectée en juin 2013, étaient directement liées soit à son activité professionnelle, soit à l'hépatite C reconnue imputable au service, soit encore au traitement contre cette maladie qui avait été dispensé, au demeurant, après l'apparition de plusieurs de ces autres pathologies. Par suite, la cour n'a commis aucune erreur de qualification des faits en jugeant qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que les affections dont souffrait M. A..., autres que l'hépatite C, seraient directement liées soit à son activité professionnelle, soit à l'hépatite C reconnue imputable au service, soit au traitement prescrit contre cette maladie.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant seulement qu'il statue sur son droit à bénéficier d'une rente viagère d'invalidité.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EPSMB le versement d'une somme de 3 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise au même titre à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 6 décembre 2016 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision lui refusant le bénéfice d'une rente viagère d'invalidité.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'établissement public de santé Maison Blanche versera à M. A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A...et les conclusions de l'établissement public de santé Maison Blanche présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5: La présente décision sera notifiée à M. B... A...et à l'établissement public de santé Maison Blanche.