CAA de PARIS, 6ème chambre, 24/04/2019, 17PA01583, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 5 avril 2016 par laquelle la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre ne lui a pas reconnu la qualité de combattant.
Par une ordonnance n° 1612406 du 22 mars 2017 le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 mai et 24 octobre 2017, M.A..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du Tribunal administratif de Paris du 22 mars 2017 ;
2°) Statuant par la voie de l'évocation, d'annuler la décision de la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONAC) du 5 avril 2016 mentionnée ci-dessus ;
3°) d'enjoindre à l'ONAC en application des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative de lui accorder le bénéfice du statut de combattant dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à venir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que celui-ci s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'ordonnance du Tribunal administratif de Paris est insuffisamment motivée ;
- le tribunal ne pouvait sans irrégularité rejeter sa demande par ordonnance prise sur le fondement du 7° de l'article R.222-2 du code de justice administrative alors que cette demande qui était accompagnée de son extrait de service était assortie de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il a servi pendant plus de quatre mois en Algérie entre le 1er mars 1957 et le 16 juillet 1959 et satisfaisait donc aux conditions posées par l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre pour se voir délivrer la carte de combattant.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 février 2019, l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre conclut au rejet de cette requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 20 février 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 mars 2019.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 12 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Labetoulle,
- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...A...a sollicité auprès de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre l'attribution de la carte de combattant. Par décision du 5 avril 2016, la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre a rejeté sa demande. M. A...a alors saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cette décision, mais par ordonnance du 22 mars 2017, dont M. A... interjette l'appel, le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...), le vice-président du Tribunal administratif de Paris (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ". Or, devant le Tribunal administratif de Paris, M. A...a notamment rappelé sa situation militaire, et a fait valoir qu'il avait servi en tant qu'appelé durant la guerre d'Algérie du 1er mars 1957 au 16 juillet 1959 et il a par ailleurs produit un extrait de services à l'appui de ses allégations. Ainsi, cette demande était assortie de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé et, dès lors, seule une formation collégiale pouvait régulièrement y statuer. Par suite, l'ordonnance du 22 mars 2017 doit être annulée.
3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M.A....
4. La décision attaquée rejetant la demande de M. A...vise notamment le code de la défense et le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, en précisant pour ce dernier les articles utiles en l'espèce, puis elle retient que M. A...n'a pas effectué de services pendant les périodes de guerre ou assimilées sur les territoires où se déroulaient des combats, telles que définies par les textes en vigueur. Cette décision contenant ainsi l'énoncé des motifs de droit et de fait sur lesquels elle se fonde, le moyen tiré de son insuffisance de motivation manque, en tout état de cause, en fait.
5. Aux termes de l'article L. 253 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre alors en vigueur : " Il est créé une carte de combattant qui est attribuée dans les conditions fixées aux articles R. 223 à R. 235 ". Aux termes de l'article R. 223 de ce code : " La carte du combattant prévue à l'article L. 253 est attribuée à toutes les personnes qui justifient de la qualité de combattant dans les conditions déterminées par les articles R. 224 à R. 229 ". Aux termes de l'article R. 224 du même code alors en vigueur : " Sont considérés comme combattants : (...) D- Pour les opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 inclus...c) En Algérie, à compter du 31 octobre 1954. I. -Sont considérés comme des combattants les militaires des armées françaises et les membres des forces supplétives françaises : 1° Qui ont appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, à une unité combattante ou à une formation entrant dans l'une des catégories énumérées par l'arrêté interministériel prévu au troisième alinéa de l'article L. 253 bis et assimilée à une unité combattante ; Pour le calcul de la durée d'appartenance, les services accomplis au titre d'opérations antérieures se cumulent entre eux et avec ceux des opérations d'Afrique du Nord ; Des bonifications afférentes à des situations personnelles résultant du contrat d'engagement sont accordées pour une durée ne pouvant excéder dix jours, suivant les modalités d'application fixées par arrêtés des ministres intéressés ; 2° Qui ont appartenu à une unité ayant connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat ; 3° Qui ont pris part à cinq actions de feu ou de combat ; 4° Qui ont été évacués pour blessure reçue ou maladie contractée en service, alors qu'ils appartenaient à une unité combattante ou à une formation assimilée sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ; 5° Qui ont reçu une blessure assimilée à une blessure de guerre quelle que soit l'unité ou la formation à laquelle ils ont appartenu, sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ; 6° Qui ont été détenus par l'adversaire et privés de la protection des conventions de Genève. II.- Les listes des unités combattantes des armées de terre, de mer et de l'air, de la gendarmerie et des services communs et des formations des forces supplétives françaises assimilées sont établies par le ministre de la défense sur les bases suivantes : Sont classées, pour une durée d'un mois, comme unités combattantes ou formations assimilées, les unités et formations impliquées dans au moins trois actions de feu ou de combat distinctes au cours d'une période de trente jours consécutifs. Les éléments détachés auprès d'une unité reconnue comme combattante suivent le sort de cette unité. Des bonifications afférentes à des opérations de combat limitativement désignées peuvent être accordées. La liste de ces opérations et bonifications est fixée par un arrêté conjoint du ministre de la défense et du secrétaire d'Etat aux anciens combattants ". Aux termes de l'article L. 253 bis du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Ont vocation à la qualité de combattant et à l'attribution de la carte du combattant, selon les principes retenus pour l'application du présent titre et des textes réglementaires qui le complètent, sous la seule réserve des adaptations qui pourraient être rendues nécessaires par le caractère spécifique de la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie et au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 : Les militaires des armées françaises, les membres des forces supplétives françaises, les personnes civiles qui, en vertu des décisions des autorités françaises, ont participé aux opérations au sein d'unités françaises, qui ont pris part à des actions de feu ou de combat au cours de ces opérations. Le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre ou le directeur général de l'organisme mentionné à l'article L. 517 qu'il a habilité détermine les modalités selon lesquelles la qualité de combattant peut, en outre, être reconnue, par dérogation aux principes visés à l'alinéa précédent, aux personnes ayant pris part à cinq actions de feu ou de combat ou dont l'unité aura connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat. Les adaptations visées au premier alinéa ci-dessus ainsi que les modalités d'application du présent article, et notamment les périodes à prendre en considération pour les différents théâtres d'opérations, seront fixées par décret en Conseil d'Etat ; un arrêté interministériel énumérera les catégories de formations constituant les forces supplétives françaises. Une durée des services d'au moins quatre mois dans l'un ou l'autre ou dans plusieurs des pays mentionnés au premier alinéa est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat exigée au cinquième alinéa, y compris lorsque ces services se sont poursuivis au-delà du 2 juillet 1962 dès lors qu'ils n'ont connu aucune interruption ".
6. Il résulte de ces dispositions, d'une part que sont considérés comme combattants, pour les opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 inclus, notamment les personnes ayant appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, à une unité combattante ou à une formation assimilée à une unité combattante ou satisfaisant à une autre des conditions posées par l'article R. 224 D cité au point 5 et, d'autre part, que pour une personne ayant servi en Algérie, en Tunisie ou au Maroc une durée de quatre mois de services dans l'un de ces pays est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat requises par ailleurs.
7. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'extrait de service produit par l'intéressé lui-même que si ce document mentionne des " services comptant du 1er mars 1957 " M. A...n'a été appelé à l'activité que le 9 juillet 1957, date à laquelle il a rejoint le centre de rassemblement de Soissons, où il est resté jusqu'au 11 juillet 1957 avant d'être affecté au 22ème régiment de tirailleurs algériens à Lunéville du 12 juillet 1957 au 15 août 1957, puis au 2ème régiment du génie à Metz du 16 août 1957 au 21 octobre 1957. Il a ensuite intégré l'école militaire des sous-officiers de Strasbourg le 2 octobre 1957 et y est resté jusqu'au 2 juillet 1959 avant de faire l'objet d'une permission libérable en Algérie du 4 au 15 juillet 1959. Ainsi il ne justifie pas des quatre mois de service en Algérie requis par l'article L. 253 bis précité du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre pour se voir délivrer la carte de combattant. Par ailleurs son temps de service en France métropolitaine ne peut être pris en compte pour l'octroi de cette carte, dès lors qu'il était ainsi affecté sur un territoire hors conflit, et ne justifie d'aucun jour de service en unité combattante au sens des dispositions précitées de l'article R. 224 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Enfin, il ne satisfait à aucune autre des conditions posées par cet article pour se voir délivrer la carte de combattant.
8. Il résulte ainsi de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 5 avril 2016, par laquelle la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre ne lui a pas reconnu la qualité de combattant. Sa demande de première instance ainsi que ses conclusions à fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant la Cour administrative d'appel, ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1612406 du vice-président du Tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : La demande de première instance de M. A...et le surplus de ses conclusions présentées en appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et à l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre.
Délibéré après l'audience du 9 avril 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 avril 2019.
Le rapporteur,
M-I. LABETOULLELe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre des Armées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01583