CAA de VERSAILLES, 4ème chambre, 07/05/2019, 16VE01951, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision07 mai 2019
Num16VE01951
JuridictionVersailles
Formation4ème chambre
PresidentMme BESSON-LEDEY
RapporteurMme Laurence BESSON-LEDEY
CommissaireMme BRUNO-SALEL
AvocatsAAARPI LOURENCO - COLAS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler la décision du 25 février 2013 par laquelle le ministre de la défense a rejeté son recours administratif préalable obligatoire formé contre l'arrêté du 9 octobre 2012 le radiant des contrôles d'office pour réforme définitive et, d'autre part, de lui allouer une rente viagère d'invalidité et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 110 000 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 1303743 du 10 mai 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 juin 2016 et 28 mai 2018, M. A..., représenté par Me Colas, avocat, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1° d'annuler ce jugement, la décision du 25 février 2013 du ministre de la défense et son arrêté du 9 octobre 2012 ;

2° de lui allouer une rente viagère d'invalidité et de désigner un expert judiciaire afin d'en fixer le montant ;

3° de lui allouer rétroactivement l'ensemble de ses droits liés à sa situation ;

4° de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 110 000 euros en réparation des préjudices subis à raison d'un accident de service dont il a été victime le 15 septembre 2010 ;

5° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

M. A...soutient que :
- son recours est recevable et le contentieux a été préalablement lié ;
- la décision est entachée de défaut de visa et est intervenue au terme d'une procédure irrégulière en méconnaissance des droits de la défense ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que son état de santé est consécutif à un accident survenu en service et qu'il est en conséquence atteint d'une maladie professionnelle imputable au service ;
- ayant été victime d'un accident de service, il est fondé à demander l'octroi d'une rente viagère d'invalidité en application des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires ;
- l'administration ayant commis une faute, il est fondé à demander des indemnités complémentaires en réparation de ses préjudices physiques et psychologiques ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il bénéficie d'une pension militaire d'invalidité ;
- ses préjudices doivent être indemnisés comme suit :
- 30 000 euros au titre du préjudice psychologique ;
- 80 000 euros au titre du préjudice physique.

...........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de la défense ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- l'instruction n° 812/DEF/RH-AT/PRH/LEG relative aux normes médicales d'aptitude applicables au personnel militaire de l'armée de terre du 26 juin 2013 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Besson-Ledey,
- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,


Considérant ce qui suit :

1. M. B...A..., titulaire d'un contrat d'engagement dans l'armée de terre à compter du 3 août 2010 au 503ème régiment du train pour une durée de cinq ans, a été placé en arrêt maladie le 16 février 2011 jusqu'au 17 août 2011, puis en congés de longue maladie jusqu'au 16 août 2012. Il a été déclaré, par un avis médical en date du 31 juillet 2012, inapte à la poursuite de son engagement. Le 26 septembre 2012, la commission de réforme des militaires a conclu à l'inaptitude physique de l'intéressé à l'exercice effectif des fonctions afférentes aux emplois de son grade. Par arrêté du 9 octobre 2012, M. A...a été radié des contrôles d'office pour réforme définitive. L'intéressé a alors exercé un recours administratif préalable obligatoire contre cet arrêté, rejeté par une décision du ministre de la défense du 25 février 2013, prise après avis de la commission de réforme. Par un jugement du 10 mai 2016, dont M. A...relève appel, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 25 février 2013, à l'octroi d'une rente viagère d'invalidité et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 110 000 euros en réparation de ses préjudices.

2. Si M. A...a présenté des conclusions dirigées contre l'arrêté du 9 octobre 2012 du directeur des ressources humaines de l'armée de terre le radiant des contrôles d'office pour réforme définitive, il ressort de ses propres écritures qu'il n'entend solliciter que la seule annulation de la décision du 25 février 2013 rejetant son recours contre l'arrêté du 9 octobre 2012.


Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 25 février 2013 rejetant le recours administratif préalable obligatoire formé par M. A...contre l'arrêté du 9 octobre 2012 le radiant des contrôles d'office pour réforme définitive :

En ce qui concerne la légalité externe :
3. Le requérant doit énoncer, dans le délai d'appel, la ou les causes juridiques sur lesquelles il entend fonder sa requête. Il suit de là que, postérieurement à l'expiration de ce délai et hors le cas où il se prévaudrait d'un moyen d'ordre public, l'appelant n'est recevable à invoquer un moyen nouveau que pour autant que celui-ci repose sur la même cause juridique qu'un moyen ayant été présenté dans le délai d'introduction de l'appel.

4. Les moyens de légalité externe invoqués par M. A...dans un mémoire enregistré le 28 mai 2018, hors délai d'appel, à l'encontre de la décision litigieuse relatifs au défaut de visa de l'avis de la commission des recours des militaires, au défaut de respect de la procédure contradictoire devant cette commission et à la méconnaissance des droits de la défense, ne se rattachent pas à la même cause juridique que le moyen de légalité interne, seul invoqué dans le délai d'appel par M.A..., tiré de l'erreur manifeste d'appréciation. Ainsi, le requérant n'est pas recevable à soulever ces moyens de légalité externe après l'expiration du délai d'appel.

En ce qui concerne la légalité interne :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 4132-1 du code de la défense : " Nul ne peut être militaire : (...) 3° S'il ne présente les aptitudes exigées pour l'exercice de la fonction ; ". Aux termes de l'article L. 4139-12 du même code : " L'état militaire cesse, pour le militaire de carrière, lorsque l'intéressé est radié des cadres, pour le militaire servant en vertu d'un contrat, lorsque l'intéressé est rayé des contrôles. ". Selon l'article L. 4139-14 du même code : " La cessation de l'état militaire intervient d'office dans les cas suivants : (...) 4° Pour réforme définitive, après avis d'une commission de réforme dont les modalités d'organisation et de fonctionnement sont fixées par décret en Conseil d'Etat ; (...) ". Aux termes de son article R. 4139-55 : " La commission de réforme des militaires est compétente pour émettre un avis médical portant : / 1° Sur l'inaptitude définitive au service d'un militaire, quels que soient son statut et son lien au service ; (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 4139-60 du même code : " Le ministre de la défense, ou le ministre de l'intérieur pour les militaires de la gendarmerie nationale, prend, par arrêté, une décision conforme à l'avis de la commission de réforme des militaires. ".

6. D'autre part, aux termes du paragraphe 1-1 de l'instruction n° 812/DEF/RH-AT/PRH/LEG relative aux normes médicales d'aptitude applicables au personnel militaire de l'armée de terre du 26 juin 2013 dans sa version en vigueur au moment de l'édiction de la décision contestée : " Les données recueillies au cours d'un examen médical effectué dans l'optique de l'appréciation ou de la détermination d'une aptitude médicale sont exprimées par la formule dite du profil médical (SIGYCOP) dont la définition fait l'objet du point 2 ". Aux termes du paragraphe 1-2 de la même instruction : " La présentation d'un profil médical minimal est requise de tout militaire de l'armée de terre pour : - être recruté et servir au sein de l'armée de terre ; - être affecté dans un emploi dont l'exécution des missions requiert une aptitude médicale particulière ; - être employé dans un milieu ou un environnement particulier ; - exercer certaines activités particulière ". Son paragraphe 2-1 précise que : " Le profil médical est défini par sept sigles auxquels peut être attribué un certain nombre de coefficients. L'éventail de ces coefficients couvre les différents degrés allant de la normalité, qui traduit l'aptitude sans restriction, jusqu'à l'affection grave ou l'impotence fonctionnelle majeure, qui commande l'inaptitude totale. ". Aux termes du paragraphe 2-2 de la même instruction, après une visite médicale, le médecin militaire attribue un score chiffré de 1 à 6 sauf P de 0 à 5 à chacune des sept composantes du SIGYCOP S, ceinture scapulaire et membres supérieurs ; I, ceinture pelvienne et membres inférieurs ; G, état général ; Y, yeux et vision ; C , sens chromatique ; O, oreille et audition et P, psychisme. Enfin, aux termes du paragraphe 3-3 de l'instruction susvisée, le SIGYCOP minimal d'un engagé dans l'armée de terre est le suivant : S=3, I=2, G=3, Y=5, C=4 ; O=3 ; P=3.

7. Il ressort des pièces du dossier que placé en arrêt maladie le 16 février 2011 jusqu'au 17 août 2011 puis en congé de longue maladie jusqu'au 16 août 2012, M. A...s'est vu attribuer le coefficient 5 au sigle G et a été déclaré inapte à la poursuite de son engagement par un avis médical du 31 juillet 2012 du médecin chef adjoint de l'hôpital d'instruction des armées Laveran à Marseille. Le 26 septembre 2012, la commission de réforme des militaires a alors conclu à l'inaptitude physique de l'intéressé à l'exercice effectif des fonctions afférentes aux emplois de son grade. Si M. A...soutient que le ministre de la défense a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors que son état de santé est imputable à un accident de service survenu le 15 septembre 2010, cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse qui met fin à son engagement en raison de son inaptitude à poursuivre son service. Dans ces conditions, et alors que le requérant ne conteste pas le coefficient qu'il s'est vu attribuer lors de sa visite médicale ni n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il serait apte à l'exercice de ses fonctions, le ministre de la défense n'a pas commis d'erreur d'appréciation en rejetant le recours de M. A...formé contre l'arrêté du 9 octobre 2012 le radiant des contrôles d'office pour réforme définitive. M. A...n'est, dès lors, pas fondé à demander l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'octroi d'une rente viagère d'invalidité :

8. En premier lieu, si M. A...soutient qu'il doit bénéficier d'une rente viagère d'invalidité sur le fondement des dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, il ressort des termes mêmes de ces dispositions qu'elles sont applicables aux seuls fonctionnaires civils. Pour les militaires, seules sont applicables les dispositions prévues aux articles L. 34 à L. 37 de ce code.

9. En second lieu, aux termes de l'article L. 34 du même code : " Les militaires qui ont été atteints en service d'infirmités susceptibles d'ouvrir droit à pension au titre du code des pensions militaires d'invalidité reçoivent la pension dudit code afférente à leur grade... ". Aux termes de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dans sa rédaction applicable avant son abrogation par l'ordonnance du 28 décembre 2015 : " La pension prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. ".

10. A supposer que M. A...sollicite l'octroi de la pension militaire d'invalidité prévue par les dispositions précitées du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, il ressort de ses propres écritures qu'il est déjà bénéficiaire d'une telle pension.

Sur les conclusions indemnitaires tendant à la réparation des préjudices subis en raison de l'accident de service dont M. A...aurait été victime le 15 septembre 2010 dans le cadre d'une opération de maintien de la condition opérationnelle des militaires :

11. Aux termes de l'article R. 4125-1 du code de la défense, dans sa version alors en vigueur : " I.-Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense. / La saisine de la commission est seule de nature à conserver le délai de recours contentieux jusqu'à l'intervention de la décision prévue à l'article R. 4125-10. / II.-Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux recours contentieux formés à l'encontre d'actes ou de décisions : / 1° Concernant le recrutement du militaire ou l'exercice du pouvoir disciplinaire ; / 2° Pris en application du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et du code des pensions civiles et militaires de retraite ainsi que ceux qui relèvent de la procédure organisée par les articles 112 à 124 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. ".

12. Il résulte de l'ensemble des dispositions précitées qu'à l'exception des matières qu'elles ont entendu écarter expressément de la procédure du recours préalable obligatoire, la saisine de la commission des recours des militaires instituée par le code de la défense s'impose à peine d'irrecevabilité d'un recours contentieux, formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle, que ce recours tende à l'annulation d'une décision ou à l'octroi d'une indemnité à la suite d'une décision préalable ayant lié le contentieux. Il appartient, dès lors, au militaire, s'agissant d'actes relatifs à sa situation personnelle, de saisir au préalable son administration d'une demande indemnitaire puis, en cas de refus explicite ou implicite de faire droit à sa demande, de saisir la commission des recours des militaires.

13. Il résulte de l'instruction que suite à la réunion de la commission de réforme des militaires du 26 septembre 2012 déclarant l'inaptitude physique de M. A...à l'exercice effectif de ses fonctions, celui-ci a, par lettre du 27 septembre 2012, saisi la commission des recours des militaires. Ce courrier ne comportait aucune demande indemnitaire en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait d'un accident de service. Par suite, les conclusions indemnitaires de M. A..., qui n'ont pas été précédées du recours administratif préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires, sont irrecevables. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges les ont rejetées pour ce motif.

14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de
non-recevoir opposée par la ministre des armées, ni d'ordonner une expertise, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées, ainsi qu'en tout état de cause ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat aux entiers dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
N° 16VE01951 6