CAA de PARIS, 6ème chambre, 11/06/2019, 17PA21047, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision11 juin 2019
Num17PA21047
JuridictionParis
Formation6ème chambre
PresidentMme FUCHS TAUGOURDEAU
RapporteurM. Jean-Christophe NIOLLET
CommissaireM. BAFFRAY
AvocatsCABINET GOUTAL ALIBERT & ASSOCIES

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E...a demandé au Tribunal administratif de la Guadeloupe :

1°) de condamner la commune de Basse-Terre, d'une part, au versement de son plein traitement et au remboursement de ses soins de santé, au titre de la législation sur les accidents de service pour la période du 7 septembre 2009 au 1er juillet 2011, d'autre part, au versement d'une allocation temporaire d'invalidité, et, enfin, au versement de la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices résultant des accidents de service dont il aurait été victime le 4 juin et le 7 septembre 2009, ces sommes devant être assorties des intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2011 ;

2°) d'enjoindre au maire de la commune de Basse-Terre de régulariser sa situation administrative, sous astreinte.

Par un jugement n° 150200 du 31 janvier 2017, le Tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné la commune de Basse-Terre à verser à M. E...la somme de 1 600 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er août 2011, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M.E....
Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mars 2017, au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux, régularisée le 20 avril 2017, M.E..., représenté par MeI..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de la Guadeloupe du 31 janvier 2017 en ce qu'il a pour partie rejeté sa demande ;

2°) de condamner la commune de Basse-Terre, au versement de son plein traitement et au remboursement de ses frais médicaux pour la période du 7 septembre 2009 au 1er juillet 2011, au versement d'une allocation temporaire d'invalidité et au versement d'une indemnité complémentaire de 50 000 euros ;

3°) d'assortir ces sommes des intérêts moratoires à compter du 1er juillet 2011 ;

4°) d'enjoindre au maire de la commune de Basse-Terre de lui verser ces mêmes sommes, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Basse-Terre le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa rechute à compter du 25 septembre 2010 est imputable au service notamment à l'accident de travail survenu le 4 juin 2009 ;
- la décision du 1er juin 2011 par laquelle la commune de Basse-Terre a refusé la prise en charge de ses congés au titre de la législation des accidents de services au-delà du 15 décembre 2010 a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, compte tenu de l'irrégularité de l'avis rendu par la commission de réforme le 24 mai 2011, alors qu'il n'avait pas été convoqué régulièrement, n'avait pas été informé de ses droits, et n'avait pu présenter valablement ses observations et se faire assister d'un médecin de son choix ;
- cette décision est également entachée d'un vice de procédure, en l'absence de saisine du comité médical supérieur ;
- il est fondé à demander, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, le versement de son plein traitement pour la période du 7 septembre 2009 au 1er juillet 2011, et par suite le versement de sommes correspondant aux demi-traitements mensuels dont il a été privé d'avril 2010 à juin 2011 ;
- la décision du 1er juin 2011 est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne le montant des traitements restant dus ;
- il est fondé à demander en application des mêmes dispositions le remboursement des frais médicaux résultant de sa rechute le 7 septembre 2009 ;
- il est également fondé à demander le versement d'une allocation temporaire d'invalidité ;
- il est enfin fondé à demander le versement d'une indemnité complémentaire d'un montant de 50 000 euros.


Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2018, la commune de Basse-Terre, représentée par son maire et par MeF..., conclut au rejet de la requête, et à ce que le versement d'une somme de 3 000 euros soit mis à la charge de M. E...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable faute de comporter des moyens susceptibles de justifier l'annulation ou la réformation du jugement du tribunal administratif ;
- les moyens soulevés par M. E...ne sont pas fondés.


Par une ordonnance du 25 septembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 octobre 2018.


Par une ordonnance du 1er mars 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la Cour la requête présentée par M.E....


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de MeG..., pour la commune de Basse-Terre.


Considérant ce qui suit :

1. M.E..., adjoint technique de deuxième classe, employé par la commune de Basse-Terre, a été victime d'un accident imputable au service le 4 juin 2009 lui ayant causé une entorse au genou droit, puis d'une rechute le 7 septembre 2009. Il a été placé en arrêt de travail jusqu'au 1er juillet 2011, date à laquelle il a repris son poste. A la suite des avis rendus par la commission de réforme le 24 mai 2011 et le 24 janvier 2012, le maire de la commune de Basse-Terre a, par une décision du 1er juin 2011, puis par un arrêté du 9 février 2012, placé M. E...en congé de maladie à plein traitement imputable au service du 7 septembre 2009 au 15 décembre 2010 en retenant cette date comme celle de la consolidation sans séquelle des accidents de service en cause, et l'a placé en congé de maladie ordinaire, à plein traitement du 16 décembre 2010 au 15 mars 2011, puis à mi-traitement du 16 mars au 30 juin 2011. A la suite de la remise du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de la Guadeloupe à sa demande, M. E...a demandé à ce tribunal de condamner la commune de Basse-Terre au versement de son plein traitement et au remboursement de ses frais médicaux pour la période du 15 décembre 2010 au 1er juillet 2011, au versement d'une allocation temporaire d'invalidité et au versement d'une indemnité complémentaire de 50 000 euros.

2. Par un jugement du 31 janvier 2017, le tribunal administratif a condamné la commune de Basse-Terre à verser à M. E...la somme de 1 600 euros, assortie des intérêts au taux légal, et a rejeté le surplus des conclusions de M.E.... M. E...fait appel de ce jugement en ce qu'il a pour partie rejeté ses demandes.
3. Compte tenu de l'intervention du nouvel avis de la commission de réforme du 24 janvier 2012 et du nouvel arrêté du maire de la commune de Basse-Terre du 9 février 2012, les moyens soulevés par M. E...et tirés de l'irrégularité de l'avis rendu par la commission le 24 mai 2011 et de l'illégalité de la décision du maire du 1er juin 2011 sont sans incidence sur le bien fondé de ses demandes indemnitaires.

S'agissant des conclusions tendant au versement du plein traitement de M. E...et à la prise en charge de ses frais médicaux :

4. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 visée ci-dessus : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". Aux termes de l'article 16 du décret du 30 juillet 1987 visé ci-dessus : " Sous réserve du deuxième alinéa du présent article, la commission de réforme prévue par le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 susvisé est obligatoirement consultée dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 57 (2°, 2ème alinéa) de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. Le dossier qui lui est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin du service de médecine professionnelle et préventive compétent à l'égard du fonctionnaire concerné. / Lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, elle peut, en tant que de besoin, consulter un médecin expert agréé (...) ".

5. En premier lieu, pour rejeter les conclusions de M. E...tendant au versement de son plein traitement et à la prise en charge de ses frais médicaux au-delà du 15 décembre 2010, le tribunal administratif s'est référé au rapport rédigé par le Docteur C...le 15 décembre 2010, à l'avis de la commission de réforme du 24 janvier 2012, à un courrier en date du 30 mai 2010 du DocteurD..., rhumatologue, et à un courrier en date du 19 avril 2011 du docteurB..., médecin orthopédiste au centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre, dont il résulte que l'état arthrosique de M. E...au-delà du 15 décembre 2010 préexistait aux accidents du 4 juin et du 7 septembre 2009 et est indépendant du service. Le tribunal a estimé que, si le rapport du DocteurH..., expert désigné à la demande de M.E..., retient la date du 19 avril 2011 comme date de consolidation des conséquences des accidents du 4 juin et du 7 septembre 2009, ce rapport n'est pas étayé de précisions suffisantes sur ce point, se fonde sur les seuls arrêts de travail établis par le médecin traitant de l'intéressé et n'est pas corroboré par les autres pièces médicales du dossier. Il en a déduit que la commune de Basse-Terre avait à juste titre placé M. E... en congé de maladie ordinaire à plein traitement à compter du 16 décembre 2010 puis à mi-traitement du 15 mars 2010 au 1er juillet 2011 et que celui-ci n'est pas fondé à prétendre, postérieurement au 15 décembre 2010, à la prise en charge de frais médicaux. En se référant de nouveau au rapport du DocteurH..., M. E...ne fait état d'aucun élément nouveau de nature à remettre en cause le bien fondé de ces motifs.

6. En second lieu, il résulte de l'instruction, notamment du tableau relatif à la régularisation de la situation de M. E...et des bulletins de paie, produits par la commune de Basse-Terre, que celle-ci a, contrairement à ce que soutient M.E..., procédé au reversement des manques à gagner qu'il avait subis entre le mois d'avril 2010 et le 15 mars 2011 du fait de son placement en congé de maladie ordinaire à mi-traitement à compter du mois d'avril 2010 compte tenu du premier avis émis le 26 février 2010 par la commission de réforme.
S'agissant des conclusions tendant au versement d'une allocation temporaire d'invalidité :

7. Pour rejeter les conclusions de M. E...tendant au versement d'une allocation temporaire d'invalidité, le tribunal administratif s'est fondé sur les dispositions de l'article 2 du décret du 2 mai 2005 visé ci-dessus, et a relevé que les accidents du 4 juin et du 7 septembre 2009 ont été consolidés sans séquelles et que l'incapacité temporaire d'invalidité dont M. E...est atteint doit être évaluée au taux de 5 % et résulte d'un état arthrosique non imputable au service. M. E...ne fait état d'aucun élément nouveau de nature à remettre en cause le bien fondé de ces motifs.

S'agissant des conclusions tendant au versement d'une indemnité complémentaire de 50 000 euros :

8. Pour limiter à 1 600 euros le montant de l'indemnité complémentaire qu'il a accordée à M.E..., le tribunal administratif s'est fondé sur les douleurs qu'il avait subies à la suite des accidents de service, évaluées à 2 sur une échelle de 1 à 7, et sur le préjudice esthétique temporaire évalué à 1 sur la même échelle, et a estimé que M. E...ne justifiait pas avoir eu recours à l'assistance d'une tierce personne et n'établissait pas la réalité de troubles dans ses conditions d'existence et de la nécessité d'un suivi médical particulier. M. E...ne produit en appel aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause cette évaluation de ses douleurs et de son préjudice esthétique temporaire ou d'établir la réalité des troubles dans ses conditions d'existence et du suivi médical dont il fait état. Par ailleurs, s'il soutient qu'il a été contraint de s'endetter, il n'établit pas, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'accident de service dont il a été victime et la conclusion de l'emprunt qu'il soutient avoir souscrit pour un montant de 6 000 euros le 16 avril 2010.

S'agissant des intérêts :

9. Pour décider d'assortir la condamnation mentionnée ci-dessus des intérêts au taux légal à compter du 1er août 2011, le tribunal administratif s'est référé à la date de réception de la demande préalable d'indemnisation de M.E.... M. E...ne produit aucune pièce permettant d'établir qu'il pourrait prétendre au versement de ces intérêts à compter du 1er juillet 2011 comme il le demande.

10. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Basse-Terre, M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Guadeloupe a pour partie rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Basse-Terre qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. E...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de la commune, présentées sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :


Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Basse-Terre, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E...et à la commune de Basse-Terre.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.


Lu en audience publique, le 11 juin 2019.

Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 17PA21047