CAA de MARSEILLE, 8ème chambre - formation à 3, 21/05/2019, 17MA01284, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision21 mai 2019
Num17MA01284
JuridictionMarseille
Formation8ème chambre - formation à 3
PresidentMme HELMLINGER
RapporteurM. Julien JORDA
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsBACHA

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. C... D...a, par une requête enregistrée sous le n° 1403031, demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Nîmes à lui verser la somme totale de 109 600 euros en réparation de préjudices subis résultant de fautes commises dans la gestion de sa carrière.

M. D... a, par une requête enregistrée sous le n° 1502371, demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du maire de Nîmes en date du 19 juin 2015 portant refus de reconnaissance d'imputabilité au service de sa pathologie.

Par un jugement rendu dans les deux instances n° 1403031 et 1502371 du 20 janvier 2017, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du maire de Nîmes en date du 19 juin 2015 portant refus de reconnaissance d'imputabilité au service de la pathologie de M. D... et rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 24 mars 2017, le 11 novembre 2018 et le 7 janvier 2019, M. D..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 janvier 2017 en tant qu'il a rejeté sa demande de condamnation de la commune de Nîmes à lui verser une somme en réparation des préjudices subis ;

2°) à titre principal, d'enjoindre au maire de Nîmes de lui verser le plein traitement auquel il avait droit du 3 septembre 2009 au 2 novembre 2015 et de procéder à la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux et à pension ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de Nîmes à lui verser la somme de 60 000 euros en réparation du préjudice matériel résultant de la perte de revenus du 3 septembre 2009 au 2 novembre 2015 ;

4°) de condamner la commune de Nîmes à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation d'un préjudice matériel et moral de carrière ;

5°) de condamner la commune de Nîmes à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;

6°) de mettre à la charge de la commune de Nîmes la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
* le comportement fautif de la commune est de nature à engager sa responsabilité ;
* la collectivité a commis des erreurs de fait ;
* elle a gravement manqué à ses obligations en matière d'affectation et de reclassement des agents titulaires ;
* en dépit d'un lien direct de causalité, elle a illégalement refusé d'imputer sa pathologie au service, en l'absence d'antécédent ;
* le manque de diligence de la commune et ses carences ont porté atteinte à ses droits statutaires ;
* il justifie de divers préjudices indemnisables résultant directement des fautes commises.


Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2018, la commune de Nîmes, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. D... de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
* à titre principal, les moyens développés par M. D... ne sont pas fondés ;
* la demande indemnitaire fondée sur l'existence d'une faute supposée dans l'affectation de l'agent reçue le 26 mai 2014 est prescrite depuis le 1er janvier 2013 ;
* à titre subsidiaire, cette demande indemnitaire doit être ramenée à de plus justes proportions.


Par une ordonnance du 12 mars 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 mars 2019 à 12 heures.









Par un courrier du 1er avril 2019, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'injonction présentées à titre principal, ainsi que des conclusions indemnitaires présentées en appel tendant à la condamnation de l'État à payer une somme au-delà de 109 600 euros.


Par une ordonnance du 27 mars 2019, la clôture de l'instruction a été reportée au
30 avril 2019 à 12 heures.


Par un mémoire en réponse, enregistré le 15 avril 2019, M. D..., représenté par Me A..., maintient ses écritures et conclut à la mise à la charge de la commune de Nîmes de la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient en particulier que :
* la mention de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'injonction présentées à titre principal est imprécise ;
* le jugement est irrégulier, faute de mise en cause de sa caisse d'assurance maladie ;
* ses demandes sont recevables à titre principal dans le cadre de l'évocation.


Vu les autres pièces du dossier.


Vu :
* le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
* le code de la sécurité sociale ;
* la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
* la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
* la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
* le décret n° 1988-547 du 6 mai 1988 ;
* le décret n° 2006-1692 du 22 décembre 2006 ;
* le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
* le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
* le rapport de M. Jorda,
* les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
* et les observations de Me A..., représentant M. D....








Considérant ce qui suit :

1. M. D..., agent de maîtrise territorial principal exerçant les fonctions de technicien " typo-offset " au sein de l'atelier d'impression de l'école supérieure des Beaux-arts de Nîmes, a été affecté à compter du 31 mars 2008 sur un poste d'agent du patrimoine au sein du service chargé de l'accueil des musées et monuments. À compter du 3 septembre 2009, il a été placé en congé de maladie en raison de troubles dépressifs, puis à compter du 3 septembre 2010 en disponibilité d'office. Par une décision du 8 novembre 2012, le maire de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie. Par un jugement n° 1300653 du 18 décembre 2014, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 8 novembre 2012 en tant qu'elle se prononce sur le caractère professionnel de sa pathologie pour un vice de procédure tiré de l'absence de saisine du médecin de prévention, et a enjoint au maire de Nîmes de se prononcer à nouveau sur le cas de l'intéressé. Par une décision du 19 juin 2015, prise conformément à l'avis de la commission de réforme du 5 mai 2015, le maire de Nîmes a, de nouveau, refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie. M. D...a déféré cette décision devant le tribunal administratif de Nîmes. Par ailleurs, le maire ayant refusé de faire droit à sa demande tendant à la réparation des préjudices qu'il avait subis résultant de fautes commises dans la gestion de sa carrière, M. D... a également saisi le juge administratif d'une action indemnitaire. Par le jugement attaqué du 20 janvier 2017, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 19 juin 2015, pour vice de procédure, du fait de l'absence d'un médecin spécialiste des troubles psychiatriques au sein de la commission de réforme, et a rejeté le surplus de ses demandes. M. D... fait appel de ce jugement en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires. Il demande ainsi à la cour, outre de prononcer diverses injonctions, de condamner la commune de Nîmes à lui verser une somme totale de 120 000 euros, soit 60 000 euros correspondant à la perte de revenus qu'il estime avoir subie du 3 septembre 2009 au 2 novembre 2015, 10 000 euros en réparation d'un " préjudice matériel et moral de carrière " et 50 000 euros en réparation de son préjudice moral.


Sur la recevabilité des conclusions d'appel :

2. En premier lieu, M. D... n'ayant relevé appel du jugement du tribunal administratif de Nîmes qu'en tant que ses conclusions indemnitaires ont été rejetées, il n'est pas recevable à demander à la Cour, à titre principal, d'ordonner au maire de Nîmes de lui verser le plein traitement auquel il aurait, selon lui, eu droit du 3 septembre 2009 au 2 novembre 2015, si sa maladie avait été reconnue imputable au service, et de procéder à la reconstitution corrélative de sa carrière et de ses droits sociaux et à pension, de telles conclusions ayant été présentées, en première instance, à titre accessoire aux conclusions à fin d'annulation de la décision du 19 juin 2015 portant refus de reconnaissance de l'imputabilité au service du syndrome dépressif dont il a été atteint.











3. En deuxième lieu, l'action indemnitaire formée par M. D... en tant qu'elle tend au versement d'une indemnité représentant le plein traitement qui aurait dû lui être versé du 3 septembre 2009 au 2 novembre 2015, si sa maladie avait été reconnue imputable au service, ainsi qu'à la réparation du préjudice de carrière et de la perte de ses droits sociaux et à pension qui en sont corrélatifs, n'a apparemment pas d'autre objet que les conclusions pécuniaires qui sont attachées à l'action qu'il poursuit tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie. Ainsi, M. D... a formé un recours contre la troisième décision par laquelle le maire de Nîmes a, à la suite de l'annulation prononcée par le jugement du 20 janvier 2017, de nouveau, refusé de reconnaître cette imputabilité, qui est, à ce jour, pendant devant le tribunal administratif de Nîmes. Cette voie de recours parallèle est, en conséquence, de nature à rendre irrecevables les conclusions indemnitaires présentées dans le cadre de la présente instance.

4. Toutefois, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties doivent être mises en mesure de présenter leurs observations sur une telle fin de non recevoir qui serait soulevée d'office par la cour. Par suite, il y a lieu de surseoir à statuer sur l'ensemble des conclusions de M. D... tendant à la réparation de son préjudice matériel, en l'attente de l'expiration du délai donné aux parties pour présenter ainsi leurs observations.


Sur la régularité de la procédure suivie devant le tribunal administratif de Nîmes :

5. Aux termes de son action indemnitaire, M. D...met en cause la responsabilité de son employeur pour une succession de fautes que celui-ci aurait commises à son égard du fait, d'une part, de son affectation sur un emploi d'agent du patrimoine ne correspondant pas à son grade, d'autre part, du refus de reconnaissance de l'imputabilité au service du syndrome dépressif dont il a été victime et, enfin, de carences et de retards dans la gestion de sa situation. Eu égard aux faits ainsi allégués et aux chefs de préjudice dont il se prévaut, énumérés au point 1, l'action indemnitaire de M. D...ne peut être regardée comme ayant pour objet d'obtenir de son employeur la réparation intégrale de l'ensemble des dommages provoqués par la maladie dont il a été atteint entre 2009 et 2014. Seule une telle action aurait pu impliquer la mise en cause de sa caisse d'assurance maladie afin que celle-ci soit mise en mesure de faire valoir, le cas échéant, les débours qu'elle aurait engagés au titre de cette maladie. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière, faute de mise en cause de sa caisse d'assurance maladie.


Sur l'exception de prescription quadriennale :

6. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis " ;






7. Pour l'application de ces dispositions, le délai de prescription de la créance dont se prévaut un agent du fait du retard mis par l'administration à le placer dans une situation statutaire régulière court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle est intervenu l'acte ayant régularisé sa situation.

8. Il en résulte que le délai de prescription de la créance liée au préjudice moral engendré par l'affectation irrégulière dont se prévaut M. D... et qui s'est poursuivie jusqu'en octobre 2015 n'avait pas commencé à courir à la date de réception de sa demande indemnitaire le 21 mai 2014, faute de régularisation de sa situation à cette date. L'exception de prescription quadriennale opposée par la commune s'agissant de la demande indemnitaire liée à l'irrégularité fautive de l'affectation de l'agent en qualité de surveillant du patrimoine comme gardien du musée d'histoire naturelle de Nîmes à compter de 2008 ne saurait ainsi être accueillie.


Sur la responsabilité de la commune :

9. D'une part, aux termes de l'article 12 de la loi statutaire du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le grade est distinct de l'emploi. Le grade est le titre qui confère à son titulaire vocation à occuper l'un des emplois qui lui correspondent (...) En cas de suppression d'emploi, le fonctionnaire est affecté dans un nouvel emploi dans les conditions prévues par les dispositions statutaires régissant la fonction publique à laquelle il appartient. ". L'article 97 de la loi du 24 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version en vigueur au 31 mars 2008 prévoit, en cas de suppression d'un emploi : " Si la collectivité ou l'établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade, le fonctionnaire est maintenu en surnombre pendant un an. Pendant cette période, tout emploi créé ou vacant correspondant à son grade dans la collectivité ou l'établissement lui est proposé en priorité ; la collectivité ou l'établissement, la délégation régionale ou interdépartementale du Centre national de la fonction publique territoriale et le centre de gestion examinent, chacun pour ce qui le concerne, les possibilités de reclassement. Est également étudiée la possibilité de détachement du fonctionnaire sur un emploi équivalent d'un autre cadre d'emplois au sein de la même collectivité ou de l'établissement. ".

10. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 6 mai 1988 portant statut particulier du cadre d'emplois des agents de maîtrise territoriaux, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les agents de maîtrise constituent un cadre d'emplois technique de catégorie C (...) / Ce cadre d'emplois comprend les grades d'agent de maîtrise et d'agent de maîtrise principal. (...) ". Aux termes de l'article 3 de ce décret : " Les agents de maîtrise principaux sont chargés de missions et de travaux techniques nécessitant une expérience professionnelle confirmée et comportant notamment : (...) / 3° La direction des activités d'un atelier, d'un ou de plusieurs chantiers et la réalisation de l'exécution de travaux qui nécessitent une pratique et une dextérité toutes particulières. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints territoriaux du patrimoine, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les adjoints territoriaux du patrimoine constituent un cadre d'emplois culturel de catégorie C (...). ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " Le présent cadre d'emplois comprend les grades d'adjoint territorial du patrimoine, d'adjoint territorial du patrimoine principal de 2e classe et d'adjoint territorial du patrimoine principal de 1re classe. ". Aux termes de l'article 3 du décret : " I. - Les adjoints territoriaux du patrimoine de 2e classe peuvent occuper un emploi : (...) / 3° Soit de surveillant de musées et de monuments historiques (...) / Dans les établissements où ils sont affectés, ils sont chargés de la surveillance. Ils veillent à la sécurité et à la protection des personnes, des biens meubles et immeubles et des locaux en utilisant tous les moyens techniques mis à leur disposition. Ils assurent la surveillance des collections et le classement des ouvrages. Ils assurent les travaux administratifs courants (...). / II. - Les adjoints territoriaux du patrimoine de 1re classe assurent l'encadrement des adjoints du patrimoine de 2e classe placés sous leur autorité. Des missions particulières peuvent leur être confiées. Ils peuvent être chargés de tâches qui nécessitent une pratique et une dextérité particulières. (...). / III. - Les adjoints territoriaux du patrimoine principaux de 2e classe assurent le contrôle hiérarchique et technique des adjoints territoriaux du patrimoine de 2e classe et de 1re classe. Des missions particulières peuvent leur être confiées. Ils peuvent être chargés de tâches d'une haute technicité. / IV. - Les adjoints territoriaux du patrimoine principaux de 1re classe assurent le contrôle hiérarchique et technique des adjoints territoriaux principaux du patrimoine de 2e classe et des adjoints territoriaux du patrimoine de 2e et 1re classe. Des missions particulières peuvent leur être confiées. Ils peuvent être chargés de tâches d'une haute technicité. ".

11. En l'espèce, si la commune de Nîmes persiste à soutenir qu'elle a adressé à M. D..., agent de maîtrise principal de la filière technique depuis 2004, plusieurs propositions de reclassement que celui-ci aurait refusées à la suite de la suppression en 2008 du poste qu'il occupait, il résulte de l'instruction que l'intéressé n'a été destinataire d'aucune proposition de reclassement dans un emploi correspondant à son grade, alors même qu'il s'est spontanément porté candidat, en vain, sur les postes dont il avait eu connaissance de la vacance. Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu en défense, d'une part, l'emploi de " technicien typo-offset " qu'occupait M. D... et celui d'agent de surveillance du patrimoine en qualité de gardien du musée d'histoire naturelle de Nîmes sur lequel il a été ensuite affecté ne relèvent pas du même cadre d'emploi et, d'autre part, les missions comme les compétences exigées pour ces deux types d'emplois relevant de filières distinctes diffèrent, l'accomplissement de tâches techniques n'étant qu'une modalité possible d'exercice des emplois dans la filière culturelle. Dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que le maire a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune en ne respectant pas les dispositions précitées pour assurer son reclassement, à la suite de la suppression de son emploi.

12. Par ailleurs, M. D... se plaint de carences dans la gestion de sa situation et de retards imputables à son employeur à compter de l'avis émis le 9 décembre 2010 par le comité médical jusqu'à son affectation sur un emploi d'assistant de prévention le 2 novembre 2015. Il résulte du courrier de M. D... au maire de Nîmes en date du 19 février 2011 que l'intéressé a contesté l'avis du comité médical départemental émis à l'issue de la séance du 9 décembre 2010 en vue de sa mise à la retraite pour invalidité et sollicité à cette occasion la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie. Par un courrier du 5 juillet 2012, le directeur des ressources humaines de la collectivité a informé l'intéressé que le comité médical supérieur avait été saisi mais qu'il n'avait pas examiné son dossier dans la mesure où était invoquée l'existence d'une maladie professionnelle, et lui a demandé de préciser l'objet de sa demande afin de déterminer s'il y avait lieu de saisir la commission de réforme ou de confirmer l'examen de sa situation par le comité médical supérieur. Par un courrier du 7 août 2012, M. D... a indiqué au directeur qu'il ne maintenait pas sa demande tendant à la saisine du comité médical supérieur et confirmait sa demande de reconnaissance du caractère professionnel de sa pathologie.






13. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la saisine du comité médical supérieur soit intervenue dès le 18 mars 2011 comme la commune l'a prétendu. Il ne résulte pas, en outre, de la formulation de la demande de M. D... que celle-ci présentait des difficultés de nature à justifier dix-huit mois d'instruction par ce comité. Il résulte, en revanche, de l'instruction qu'en laissant entendre à l'intéressé qu'il devait abandonner l'une de ces deux demandes, alors que celles-ci n'étaient pas exclusives l'une de l'autre, la commune de Nîmes a induit en erreur M. D... en le privant de l'examen par le comité médical supérieur de sa demande tendant au bénéfice d'un congé de longue maladie. En toute hypothèse, l'intéressé avait dûment formulé une demande de reconnaissance d'imputabilité de sa pathologie au service dès son courrier du 19 février 2011, qui a été reçu le 4 mars 2011 suivant. M. D..., qui a transmis les pièces pertinentes requises, est ainsi fondé à faire grief à l'administration du délai avec lequel la commission de réforme n'a émis un avis, défavorable, sur cette demande que lors de sa séance du 23 octobre 2012, soit dix-huit mois après sa demande initiale, le maire de la commune n'arrêtant lui-même sa décision que le 8 novembre 2012. En outre, il résulte de l'instruction que la convocation de la commission de réforme pour statuer sur la mise à la retraite pour invalidité de l'agent date du 29 janvier 2013 et qu'un délai de dix-huit mois s'est encore écoulé entre l'avis de la commission de réforme favorable à une telle mise à la retraite et la saisine de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) d'une demande d'avis conforme le 21 juillet 2014, la décision finalement défavorable à la mise à la retraite d'office de M. D... n'ayant été prise que le 2 décembre 2014 à la suite du rapport du médecin expert du 25 novembre 2014 concluant à l'absence d'incapacité absolue et définitive de l'agent, compte tenu de la " cohérence de la problématique de vécu du préjudice en rapport avec les modifications intervenues dans le poste de travail ". Il résulte ainsi de ce qui vient d'être dit que M. D... est également fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté la responsabilité de la commune en raison d'une faute tirée de carences dans la gestion de sa situation.


Sur le préjudice moral :

14. M. D..., né en 1952, démontre que le sentiment de rétrogradation professionnelle à l'approche de la retraite après plus de vingt-cinq ans d'activité et la persistance de cette situation à raison de la durée déraisonnable du traitement de son dossier administratif en vue de le rétablir dans une affectation régulière sont la cause d'un préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence liés notamment à l'incertitude créée sur son devenir alors qu'il avait encore un enfant à charge. Il y a lieu de réparer ces préjudices en allouant à M. D... la somme globale de 8 000 euros.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses conclusions indemnitaires en réparation de son préjudice moral à concurrence de la somme de 8 000 euros.


D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de M. D... tendant à la réparation de son préjudice moral.
Article 2 : La commune de Nîmes est condamnée à verser à M. D... la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.
Article 3 : Les conclusions de la requête de M. D... tendant, d'une part, au prononcé d'injonction et, d'autre part, à la réparation du surplus de son préjudice moral sont rejetées.
Article 4 : Il est sursis à statuer sur les conclusions de la requête d'appel de M. D... tendant à la réparation de son préjudice matériel ainsi que sur les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les parties disposent d'un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt pour présenter leurs observations sur le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions de M. D...tendant à la réparation de son préjudice matériel, pour les raisons exposées au point 4, que la Cour est susceptible de soulever d'office.
Article 6 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et à la commune de Nîmes.
Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie du Gard.


Délibéré après l'audience du 7 mai 2019, où siégeaient :

* Mme Helmlinger, présidente,
* M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
* M. Jorda, premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 mai 2019.
N° 17MA01284 2