CAA de VERSAILLES, 6ème chambre, 05/06/2020, 17VE02057, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision05 juin 2020
Num17VE02057
JuridictionVersailles
Formation6ème chambre
PresidentMme BESSON-LEDEY
RapporteurM. Fabrice MET
CommissaireM. ERRERA
AvocatsQUILLARDET

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2016 de la rectrice de l'académie de Créteil le radiant des cadres de la fonction publique, et d'enjoindre à cette autorité de procéder à sa réintégration avec reconstitution de carrière et de mettre en oeuvre la procédure d'aménagement de poste ou de reclassement prévue par la loi.

Par un jugement n° 1610196 du 26 avril 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juin 2017, M. C..., représenté par Me Quillardet, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement et l'arrêté du 7 juillet 2016 de la rectrice de l'académie de Créteil ;

2° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il remplissait les conditions pour l'octroi d'un congé de longue maladie ;
- en transformant la demande de congé de longue maladie en déclaration d'inaptitude à toutes fonctions, le comité médical et la rectrice ont privé de base légale la décision attaquée ;
- la procédure de déclaration d'inaptitude est entachée d'un vice de procédure ;
- il est apte à occuper un poste administratif.

............................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Errera, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. M. C..., professeur certifié de classe normale, a sollicité son placement en congé de longue maladie, ce qui lui a été refusé par arrêté du 25 mars 2015 de la rectrice de l'académie de Créteil, pris après avis défavorable, en date du 10 mars 2015, du comité médical départemental de la Seine-Saint-Denis, lequel a également émis un avis favorable à l'inaptitude totale et définitive à toutes fonctions du requérant à compter du même jour. Par arrêté de la rectrice du 7 juillet 2016, il a été, sur sa demande, radié des cadres et admis à faire valoir ses droits à une pension de retraite pour invalidité à compter du 22 mars 2015. Suite à cet arrêté, il a sollicité le réexamen de son dossier médical par le comité médical départemental qui a émis le 20 septembre 2016 un avis d'inaptitude définitive à toutes fonctions. M. C... relève appel du jugement du 26 avril 2017 du Tribunal administratif de Montreuil rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2016 de la rectrice de l'académie de Créteil.

2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie A... l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) ". Aux termes de l'article 63 de cette loi : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes (...) ". L'article 1er du décret du 30 novembre 1984 pris en application de l'article précité énonce que : " Lorsqu'un fonctionnaire n'est plus en mesure d'exercer ses fonctions, de façon temporaire ou permanente, et si les nécessités du service ne permettent pas un aménagement des conditions de travail, l'administration, après avis du médecin de prévention, dans l'hypothèse où l'état de ce fonctionnaire n'a pas rendu nécessaire l'octroi d'un congé de maladie, ou du comité médical si un tel congé a été accordé, peut affecter ce fonctionnaire dans un emploi de son grade, dans lequel les conditions de service sont de nature à permettre à l'intéressé d'assurer les fonctions correspondantes ". Enfin, aux termes de l'article 7 du décret du 14 mars 1986 susvisé : " Les comités médicaux sont chargés de donner à l'autorité compétente, dans les conditions fixées par le présent décret, un avis sur les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos de l'admission des candidats aux emplois publics, de l'octroi et du renouvellement des congés de maladie et de la réintégration à l'issue de ces congés. Ils sont consultés obligatoirement en ce qui concerne : / (...) 2. L'octroi des congés de longue maladie et de longue durée (...) ".

3. Aux termes de l'article 24 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " La cessation définitive de fonctions qui entraîne radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire résulte : 1° De l'admission à la retraite (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi nº 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ". Aux termes de l'article L. 31 du même code : " La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciées par une commission de réforme selon des modalités qui sont fixées par un décret en Conseil d'Etat. / Le pouvoir de décision appartient, dans tous les cas, au ministre dont relève l'agent et au ministre des finances. / Nonobstant toutes dispositions contraires, et notamment celles relatives au secret professionnel, tous renseignements médicaux ou pièces médicales dont la production est indispensable pour l'examen des droits définis par le présent chapitre pourront être communiqués sur leur demande aux services administratifs placés sous l'autorité des ministres auxquels appartient le pouvoir de décision et dont les agents sont eux-mêmes tenus au secret professionnel ". L'article 13 du décret du 14 mars 1986 susvisé dispose que : " La commission de réforme est consultée notamment sur : / (...) 6. L'application des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite (...) ".

4. En premier lieu, M. C... soutient que la procédure d'édiction de l'arrêté contesté est viciée, dès lors que la seconde expertise médicale diligentée à la demande de la commission de réforme a été menée par le même praticien qui avait réalisé la première expertise versée au dossier soumis à la commission. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que cette première expertise a été réalisée par le seul Dr Grunberg le 3 juillet 2015, tandis que la seconde l'a été par le Dr Aoustin, le 27 novembre suivant. Par suite, le moyen, qui manque en fait, ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des expertises diligentées par la commission de réforme, que M. C... souffre, outre notamment d'une insuffisance rénale sévère et d'une rétinopathie hypertensive, d'une leucopathie et d'un dysfonctionnement fronto-cortical dont les manifestations physiques sont des acouphènes et des vertiges, ainsi que des troubles de l'écriture, du langage et de la mémoire. Il ressort également des pièces du dossier, en particulier du questionnaire médical du 18 juin 2015, que les troubles neurologiques centraux, cognitifs et de mémoire dont souffre le requérant sont apparus postérieurement à la date de sa titularisation. Ainsi qu'il en ressort de l'avis de la commission de réforme mais également du certificat médical du 10 mars 2015 qu'avait produit M. C... devant le comité médical départemental, eu égard à leur caractère invalidant, ces pathologies sont incompatibles avec l'exercice de toutes fonctions, y compris, en dépit de ce qu'allègue le requérant, celles d'informaticien ou d'employé de bureau dans les services du ministère de l'éducation nationale. Par suite, en ne procédant pas à son reclassement dans un autre emploi, la rectrice n'a pas commis d'erreur de droit. Pour le même motif, en constatant, conformément à l'avis de la commission de réforme, que le requérant était définitivement inapte à toutes fonctions, la rectrice n'a pas entaché sa décision prononçant sa radiation des cadres d'erreur manifeste d'appréciation.

6. En troisième lieu, M. C... soutient que, suivant en cela l'avis du comité médical départemental, la rectrice a requalifié sa demande de placement en congé de longue maladie en déclaration d'inaptitude définitive à toutes fonctions, sans qu'aucun texte ne l'y autorise. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que cette autorité, qui a statué sur la demande d'octroi d'un congé de longue maladie du requérant, s'est limitée à informer ce dernier de l'avis rendu par le comité médical départemental sur son inaptitude totale et définitive à toutes fonctions, et des suites qu'il lui appartenait d'y donner, tout en indiquant qu'il lui était loisible de demander un réexamen de sa situation par le même comité. C'est pourquoi, le moyen tiré du détournement de procédure ne peut qu'être écarté.

7. En dernier lieu, si M. C... soutient qu'il remplissait les conditions de placement en congé de longue maladie, une telle circonstance est sans incidence sur la légalité de l'arrêté de radiation des cadres et d'admission à la retraite attaqué.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par le ministre, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par conséquent, sa requête, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peut qu'être rejetée.


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
2
N° 17VE02057