CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 06/07/2020, 18BX03084, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a, par deux requêtes distinctes, demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler, d'une part, l'arrêté du 27 avril 2017 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Landes a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail entre le 4 mars 2015 et le 30 avril 2017 et, d'autre part, l'arrêté du 27 juin 2017 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Landes l'a placé en disponibilité d'office pour raisons de santé.
Par un jugement commun n° 1701325, 1701832 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 août 2018 et le 26 juin 2019, M. A... D..., représenté par Me I..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 29 juin 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés des 27 avril et 27 juin 2017 du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Landes;
3°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours des Landes la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- tant le psychiatre qui le suit que le psychiatre en charge de l'expertise médicale qu'un autre psychiatre ont conclut au lien entre sa pathologie et les situations à incidence auxquelles l'a exposé son activité professionnelle. La preuve du lien direct entre sa pathologie et le service est ainsi rapportée. Ces avis ne peuvent être sérieusement contredits par l'avis du médecin mandaté par le service départemental d'incendie et de secours qui ne l'a reçu que pendant quelques minutes ;
- en outre, contrairement à ce qu'a estimé la commission de réforme départementale, la maladie dont il souffre figure au tableau, la dépression nerveuse figurant dans la liste des pathologies en vertu des articles 1 et 2 de l'arrêté du 14 mars 1986. Un recours est d'ailleurs pendant devant le comité médical supérieur ;
- le service départemental d'incendie et de secours n'a pas motivé son refus de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ;
- il aurait dû être placé en congé de longue maladie ou de longue durée ;
- sa mise en disponibilité d'office a été prononcée de façon rétroactive.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 10 octobre 2018 et le 22 août 2019, le service départemental d'incendie et de secours des Landes, représenté par Me G..., conclut, dans le dernier état de ses écritures :
- au rejet de la requête ;
- à ce que soit mise à la charge de M. D... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 22 août 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 octobre 2019 à midi.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- l'arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. H... B...,
- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant M. D..., et de Me G..., représentant le SDIS des Landes.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., sapeur-pompier professionnel depuis le 1er décembre 1985, est affecté au service départemental d'incendie et de secours des Landes. Après avoir été en arrêt de travail du 4 mars 2015 au 4 mars 2016 dans le cadre d'un congé de maladie ordinaire, M. D... a sollicité sa réintégration à temps partiel thérapeutique. Conformément à l'avis favorable émis par le comité médical, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Landes a, par un arrêté du 17 mai 2016, réintégré le 4 mars 2016 M. D... à temps partiel thérapeutique pour une durée de trois mois. Toutefois ayant de nouveau été en arrêt de travail à compter du 12 mai 2016, M. D... a adressé le 21 septembre 2016 au président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Landes une demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle. Suivant l'avis défavorable émis par la commission de réforme départementale, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Landes a, par un arrêté du 27 avril 2017, refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont souffre M. D... et a en conséquence qualifié de congé de maladie ordinaire les arrêts de travail prescrits du 4 mars 2015 au 30 avril 2017. M. D... ayant épuisé ses droits à congé de maladie ordinaire, le service départemental d'incendie et de secours des Landes a saisi le comité médical départemental qui a estimé que seul un congé de maladie ordinaire est justifié à compter du 12 novembre 2016 et que M. D... présente une inaptitude absolue et définitive à toute fonction. En conséquence, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Landes a, par un arrêté du 27 juin 2017, placé M. D... en disponibilité d'office pour raisons de santé à compter du 12 mai 2017 dans l'attente de l'instruction de son dossier pour un départ en retraite pour invalidité non imputable au service. M. D... a sollicité devant le tribunal administratif de Pau, par deux requêtes distinctes, l'annulation des arrêtés des 27 avril et 27 juin 2017. M. D... relève appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 29 juin 2018 rejetant l'ensemble de ses demandes.
Sur la légalité de l'arrêté du 27 avril 2017 :
2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans sa rédaction alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...). / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...). Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.
A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ".
4. L'arrêt contesté mentionne les textes dont il fait application, notamment la loi du 26 janvier 1984, ainsi que les considérations sur lesquelles il se fonde en mentionnant la teneur de l'avis émis par la commission de réforme départementale du 21 avril 2017, l'absence d'éléments matériels attestant d'un lien de causalité entre la pathologie déclarée et l'existence de faits ou de fautes imputables à l'administration, l'absence d'éléments objectifs déclencheurs de la pathologie dont souffre M. D..., l'absence de preuve médicale que cette maladie aurait été occasionnée de façon directe et certaine par son activité professionnelle pour en conclure à l'absence de relation de cause à effet entre l'affection dont souffre M. D... et une maladie professionnelle ou à caractère professionnel imputable au service. En outre, la contestation du bien-fondé des motifs est sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté en litige doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 : " Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau (...) Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. "
6. M. D... soutient que l'avis de la commission de réforme départementale fondant l'arrêté en litige dès lors qu'il mentionne que la pathologie dont il souffre est une " maladie professionnelle hors tableau " alors qu'elle fait partie des maladies mentales mentionnées à l'article 2 de l'arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie. Toutefois, il résulte des dispositions précitées du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, que l'allusion au tableau ne renvoie pas à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie mais aux tableaux des maladies professionnelles mentionnées aux articles L. 461-1 et suivant du code de la sécurité sociale. Dès lors, la circonstance que l'état dépressif dont souffre M. D... relève de l'article 2 de l'arrêté du 14 mars 1986 est sans incidence sur le bien-fondé de l'avis émis par le comité de réforme départementale.
7. En troisième lieu, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. D... souffre depuis le début de l'année 2015 d'un état dépressif sévère. Si le psychiatre qui suit M. D... depuis 2015, le psychiatre chargé de réaliser l'expertise médicale du 7 décembre 2016 sollicitée par le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Landes et un psychiatre consulté par M. D... en septembre 2017 concluent à un état de stress post traumatique en lien avec des évènements traumatisants survenus dans l'exercice de son activité professionnelle, le psychiatre ayant réalisé l'expertise du 10 janvier 2017, sur laquelle s'est fondée la commission de réforme départementale, précise dans les motifs pour lesquels il estime que l'existence d'un lien direct et certain avec l'activité professionnelle n'est pas établie, que les éléments déclencheurs de la pathologie ne sont pas clairement identifiés. Or s'il est précisé dans les expertises médicales produites par M. D... que sa pathologie trouve son origine dans des évènements traumatisants précis, ces derniers ne sont nullement mentionnés ni dans ces expertises médicales ni dans les écritures de M. D.... Si l'attestation du 19 septembre 2016 du psychiatre qui le suit fait allusion à un accident de train survenu au début des années 2000, cet accident, nonobstant les stratégies d'évitement cognitif évoquées par le psychiatre, est manifestement trop antérieur à l'apparition de la pathologie pour être regardée comme étant son facteur déclenchant. Par ailleurs, si dans le rapport d'expertise du 7 octobre 2015, il est fait mention de difficultés relationnelles avec son supérieur hiérarchique, cet élément n'est pas repris dans les autres expertises médicales. Dès lors, les pièces du dossier ne permettant pas d'identifier précisément l'origine de la pathologie de M. D..., elles ne permettent pas d'établir que l'état dépressif sévère dont souffre M. D... serait directement lié à l'exercice de ses fonctions ou à ses conditions de travail.
Sur la légalité de l'arrêté du 27 juin 2017 :
9. Aux termes de l'article 72 de la loi du 26 janvier 1984: " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. / La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 57. (...) ".
10. En premier lieu, si M. D... soutient que le service départemental d'incendie et de secours aurait du, au lieu de le placer en disponibilité d'office, lui accorder un congé de longue maladie ou de longue durée eu égard à la durée de ses arrêts de travail successifs et à son état de santé, il n'invoque la méconnaissance d'aucun texte et n'assorti donc pas son moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
11. En second lieu, les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. S'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires ou des militaires, l'administration ne peut déroger à cette règle générale en leur conférant une portée rétroactive que dans la mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation.
12. Si M. D... soutient que l'arrêté du 27 juin 2017 est rétroactif dès lors qu'il le place en disponibilité d'office pour raisons de santé à compter du 12 mai 2017, il n'est toutefois pas contesté qu'à cette date M. D... a épuisé ses droits à congé de maladie ordinaire et qu'ainsi l'arrêté en litige a eu pour objet de placer l'intéressé dans une position régulière au terme de ses congés de maladie ordinaire. Dès lors, le moyen tiré de l'illégalité de la rétroactivité de l'arrêté doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 27 avril et 27 juin 2017 du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Landes.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du service départemental d'incendie et de secours des Landes, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme demandée par le service départemental d'incendie et de secours des Landes au même titre.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du service départemental d'incendie et de secours des Landes présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au service départemental d'incendie et de secours des Landes.
Délibéré après l'audience du 22 juin 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme E... C..., présidente-assesseure,
M. H... B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 juillet 2020.
Le président,
Pierre Larroumec
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX03084