CAA de NANCY, 3ème chambre, 09/07/2020, 18NC03349, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision09 juillet 2020
Num18NC03349
JuridictionNancy
Formation3ème chambre
PresidentM. WURTZ
RapporteurM. Stéphane BARTEAUX
CommissaireMme SEIBT
AvocatsBOCHER-ALLANET

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Besançon à l'indemniser de l'intégralité de ses préjudices en raison de la faute qu'il a commise à l'origine de l'accident de service dont elle a été victime le 5 novembre 2012 ou à tout le moins, sur le fondement du risque, d'annuler la décision du centre hospitalier régional universitaire de Besançon du 4 janvier 2017 en ce qu'elle porte refus de l'indemniser de l'intégralité de ses préjudices et de prendre en charge les frais qu'elle a exposés, d'ordonner une expertise médicale et d'enjoindre au centre hospitalier régional universitaire de Besançon de prendre en charge, sur le fondement de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, les frais qu'elle a exposés.

Par un jugement n° 1700395 du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 décembre 2018 et le 10 avril 2020, Mme C... D..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 18 octobre 2018 ;

2°) de dire et juger que le centre hospitalier régional universitaire de Besançon a commis une faute à l'origine de l'accident de service dont elle a été victime le 5 novembre 2012 et qu'elle n'a commis aucune imprudence ;

3°) à titre subsidiaire, en tant que de besoin, d'ordonner une expertise pour déterminer si les procédures et mesures de protection au sein du laboratoire de préparation de la pharmacie étaient adaptées et suffisantes et si elle a respecté ces mesures et procédures ou commis une imprudence qui a concouru à la réalisation de l'accident de service ;

4°) de dire et juger que la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire de Besançon est engagée sur le fondement de la faute et, à tout le moins, du risque et qu'il doit l'indemniser de l'intégralité de ses préjudices résultant de l'accident du 5 novembre 2012 ;

5°) d'annuler la décision du centre hospitalier régional universitaire de Besançon du 4 janvier 2017 en ce qu'elle porte refus de l'indemniser de l'intégralité de ses préjudices ;

6°) avant dire droit, ordonner une expertise médicale ;

7°) d'annuler la décision implicite du centre hospitalier régional universitaire de Besançon refusant de prendre en charge les frais qu'elle a exposés à la suite de l'accident du 5 novembre 2012 ;

8°) d'enjoindre au centre hospitalier régional universitaire de Besançon de prendre en charge les frais qu'elle a exposés à la suite de l'accident du 5 novembre 2012 sur le fondement de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 ;

9°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Besançon une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- elle est fondée à demander l'annulation de la décision refusant implicitement de prendre en charge les frais directement liés à l'accident de service le 5 novembre 2012 sur le fondement de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 ; la décision du centre hospitalier universitaire de Besançon du 4 janvier 2017 ne répond pas à sa demande présentée à ce titre ;
- le CHRU de Besançon a accepté de lui accorder la somme de 500 euros à déduire de l'indemnité qui lui sera allouée ;
- la responsabilité du CHRU de Besançon est engagée pour faute ou à tout le moins pour risque ; elle n'a commis aucune faute ;
- sur le fondement du risque, elle peut prétendre à la réparation des préjudices extrapatrimoniaux et patrimoniaux ne revêtant pas un caractère professionnel (aménagement de son véhicule, équipement de son logement, aide-ménagère) ;
- le CHRU de Besançon a commis une faute en manquant à son obligation de garantir et prévenir les risques professionnels ; les conditions de travail au sein du laboratoire de pharmacie étaient également inadaptées aux garanties et à la prévention des risques ;
- elle n'a pas commis de faute d'imprudence en répondant au téléphone et en ne restant pas sous la hotte aspirante ;
- une nouvelle expertise doit être ordonnée pour établir la faute du CHRU de Besançon dès lors que les conclusions du rapport d'expertise du Dr Fischer ne sont pas fondées et manquent d'impartialité ; l'expertise est également utile pour chiffrer ses préjudices.

Par un mémoire, enregistré le 5 juin 2019, le centre hospitalier régional universitaire de Besançon, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme D... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- il n'a pas commis de faute ;
- Mme D... a commis une faute d'imprudence à l'origine de l'accident ;
- la demande indemnitaire est irrecevable en l'absence de chiffrage ; en outre ils n'ont pas un caractère certain.
- les mesures d'expertise ne présentent aucune utilité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code du travail ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,
- et les observations de Me F... pour Mme D... et de Me A... pour le CHRU de Besançon.

Considérant ce qui suit :

1. Le 5 novembre 2012, Mme D..., préparatrice en pharmacie au centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Besançon, a été victime d'un accident lors de la préparation d'une solution composée de phénol, dont l'écoulement a provoqué une brûlure de son avant-bras et de sa main gauches. Cet accident a été reconnu imputable au service par une décision du CHRU de Besançon du 4 décembre 2012. Par une ordonnance du 16 juillet 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a ordonné une expertise. L'expert a rendu un rapport le 13 mai 2015 concluant à l'absence de faute du CHRU de Besançon et à une imprudence de la part de Mme D.... Par une ordonnance du 20 août 2015, le juge des référés de ce tribunal a condamné le CHRU de Besançon à verser à Mme D... une provision de 2 300 euros. Par un courrier du 2 novembre 2016, Mme D... a demandé au CHRU de Besançon de l'indemniser de l'ensemble des préjudices qu'elle a subis du fait de l'accident de service du 5 novembre 2012 et des frais directement causés par cet accident sur le fondement de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986. Par un courrier du 4 janvier 2017, le directeur du centre hospitalier a accepté que soit menée une expertise amiable afin de chiffrer les préjudices extra-patrimoniaux de Mme D... et le taux d'incapacité permanente partielle pour l'attribution d'une allocation temporaire d'invalidité, mais il a refusé de faire droit à ses demandes tendant à la reconnaissance de la responsabilité de l'hôpital au titre des frais divers et de ses préjudices patrimoniaux, en l'absence de faute imputable à l'établissement. Mme D... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler cette décision du 4 janvier 2017 et de condamner l'établissement hospitalier à l'indemniser de l'ensemble des préjudices qu'elle a subis en raison de son accident de service sur le fondement de la faute et subsidiairement de la responsabilité sans faute. Par un jugement du 18 octobre 2018, dont Mme D... fait appel, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Si le jugement attaqué a écarté la responsabilité pour faute du CHRU de Besançon au motif que l'accident dont a été victime Mme D... ne résultait pas de l'insuffisance des procédures et des mesures de protection mais d'une imprudence de l'intéressée, il ne s'est pas prononcé sur le fondement de la responsabilité sans faute également invoquée par l'intéressée. Par suite, Mme D... est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'une irrégularité et doit, dans cette mesure, être annulé.

3. Il y a lieu, pour la cour, de se prononcer sur les conclusions indemnitaires de Mme D... présentées sur le fondement de la responsabilité sans faute par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

4. La circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions auxquelles les dispositions de l'article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, auxquelles renvoie, pour les fonctionnaires hospitaliers, l'article 80 de la loi du 9 janvier 1986, subordonnent l'obtention de l'allocation temporaire d'invalidité, fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques encourus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle. En revanche, elle ne saurait le priver de la possibilité d'obtenir de cette collectivité la réparation de préjudices d'une autre nature, dès lors qu'ils sont directement liés à l'accident ou à la maladie. Elles ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.


S'agissant de la responsabilité pour faute :

5. En vertu de l'article L. 4111-1 du code du travail dans sa version applicable à la date de l'accident, les dispositions de la partie de ce code relative à " la santé et sécurité au travail " sont applicables aux établissements de santé, sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.

6. Aux termes de l'article L. 4121-1 de ce code, dans sa version applicable à la date de l'accident : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; / 2° Des actions d'information et de formation ; / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ". L'article L. 4121-2 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : (...) / 4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; (...)/9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs ". L'article L. 4121-3 dudit code, dans sa version applicable au litige, dispose que : " L'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail./ A la suite de cette évaluation, l'employeur met en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. (...) ". Enfin l'article L. 4122-1 du code du travail dispose que : " Conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d'en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail. / Les instructions de l'employeur précisent, en particulier lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d'utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature des tâches à accomplir. / Les dispositions du premier alinéa sont sans incidence sur le principe de la responsabilité de l'employeur ".

7. Il est constant que le 5 novembre 2012, Mme D... a été victime d'un accident alors qu'elle préparait une solution à base de phénol à 88%, substance hautement corrosive pour les organismes vivants. Si, dans son rapport d'expertise, le Dr Fischer a mentionné que les procédures et mesures de protection au sein du laboratoire de préparation de la pharmacie du CHRU de Besançon étaient, à la date de l'accident, adaptées et suffisantes et que l'accident avait pour origine une imprudence de Mme D..., il résulte toutefois de l'instruction qu'à la suite d'une enquête, la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) a relevé, dans un courrier du 30 avril 2013, que plusieurs méthodes de travail étaient appliquées au sein du laboratoire, dont certaines exposant les préparateurs à plus de risques que d'autres et que les fiches de données de sécurité des produits utilisés n'étaient pas exploitées. Elle a, en outre, préconisé diverses mesures, notamment l'évaluation des risques chimiques et la mise en place de modes opératoires pour limiter les risques ainsi identifiés. Le compte rendu du comité de retour d'expérience a également souligné l'absence de procédure formalisée pour les préparations magistrales et la nécessité de formaliser le processus de réalisation de toutes les préparations présentant, comme celle en cause, des risques pour les manipulateurs. L'instruction du 2 octobre 2009, rédigée par Mme D... en collaboration avec un autre agent, se borne à définir les précautions vestimentaires et hygiéniques imposées à toute personne travaillant au laboratoire, sans préciser, à la différence de la nouvelle instruction édictée à la suite de cet accident, que les préparations doivent impérativement être réalisées sous la hotte aspirante. De plus, en dépit de la variété des modes opératoires selon les préparateurs, il n'est aucunement établi que le CHRU de Besançon aurait veillé au respect des procédures par les agents. En outre, il résulte de l'instruction que l'équipement, consistant dans une charlotte, un masque, des gants d'examens, surmontés de gants en caoutchouc, et une sur-blouse, que Mme D... a déclaré de manière constante avoir porté le jour de l'accident, n'assurait pas la protection intégrale du corps dès lors que l'avant-bras n'était pas intégralement recouvert. Si la mise à disposition de sur-gants en caoutchouc, déconseillés au demeurant pour la manipulation comme en l'espèce du phénol, en raison de leur faible résistance à l'oxydation, n'est pas la cause de l'accident, il résulte de l'instruction que ni les gants d'examens, ni les sur-gants, dont il n'existait que deux tailles trop grandes pour Mme D..., n'étaient à même de faire obstacle à l'écoulement de substances liquides sur les mains. Les essais réalisés à la suite de l'accident ont mis en évidence que le phénol était immédiatement absorbé par la sur-blouse mise à la disposition du personnel. Ces manquements sont à l'origine de l'accident dont a été victime Mme D.... Dans ces conditions, celle-ci est fondée à soutenir que le CHRU de Besançon a commis des fautes en ne définissant pas clairement les procédures à suivre pour les préparations magistrales comportant un risque chimique et en ne mettant pas à la disposition du personnel des équipements de protection individuelle adaptés à ce risque.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon, a rejeté ses conclusions indemnitaires présentées sur le fondement de la responsabilité pour faute.

S'agissant de la faute d'imprudence de Mme D... :

9. S'il résulte de l'instruction que le jour de l'accident, Mme D... s'est rendue, dans un souci d'optimisation du temps, dans la salle de préparation des liquides pour achever la préparation avec un mélangeur mécanique, il résulte de ce qui a été indiqué au point 7 qu'aucune procédure formalisée n'imposait de préparer l'intégralité des solutions sous la hotte aspirante. Ainsi, Mme D... n'a pas commis de faute, contrairement à ce qu'a estimé l'expert, en ne travaillant pas sous la hotte aspirante durant toute la préparation de la solution. En revanche, il résulte des déclarations de Mme D... du 23 janvier 2015 que, parallèlement à l'accomplissement de cette activité, elle a utilisé le téléphone en plaçant l'appareil entre son épaule et son cou. Si la requérante fait valoir qu'elle était tenue de répondre au téléphone, sous peine de remontrances de son supérieur, il résulte de l'instruction, notamment de ses propres déclarations, que le téléphone avait sonné à plusieurs reprises, sans qu'elle y réponde, au début de la préparation et qu'elle n'a décidé de répondre qu'en raison de son agacement face aux sonneries. Quand bien même la requérante était seule dans le laboratoire et qu'aucun autre agent ne pouvait répondre aux appels, elle doit être regardée, eu égard notamment à son expérience, comme ayant commis, dans les circonstances de l'espèce, une faute d'imprudence de nature à exonérer le CHRU de Besançon à concurrence de 30 %.
S'agissant de la demande d'expertise sollicitée par Mme D... pour déterminer l'étendue des préjudices :

10. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment, du rapport d'expertise du Dr Fischer et des attestations du centre de rééducation et de réadaptation fonctionnelle de Brégille que, si Mme D... ne présente aucune trace visible de brûlures au phénol, elle fait abstraction de son membre supérieur gauche. Il ressort des rapports des médecins agréés que l'état de santé psychique et physique de l'intéressée est consolidé respectivement depuis le 12 novembre 2016 et le 7 juillet 2017 avec un déficit fonctionnel global évalué à 64 %. Par ailleurs, il résulte du rapport d'expertise du 12 octobre 2017 que l'intéressée conservera des séquelles définitives de cet accident et qu'une aide-ménagère est justifiée, même si l'expert n'a pas déterminé la nature des séquelles et le volume horaire de cette aide. Ainsi, contrairement à ce que soutient le CHRU de Besançon, Mme D... présente des préjudices qui sont d'ores et déjà certains dans leur principe.

11. Toutefois, l'état de l'instruction ne permettant pas de déterminer exactement la nature et l'étendue de ces préjudices, la mesure d'expertise médicale sollicitée par Mme D... présente un caractère utile. Il y a lieu par suite d'ordonner une expertise aux fins et dans les conditions précisées dans le dispositif du présent arrêt.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

12. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie (...) si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ".

13. Il résulte des dispositions précitées de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 que le fonctionnaire, victime d'un accident de service, peut prétendre au remboursement des frais directement entrainés par cet accident, indépendamment d'une éventuelle faute de la collectivité qui employait le fonctionnaire à la date de l'accident.

14. Il ressort des pièces du dossier que par une demande du 2 novembre 2016, Mme D... a demandé au CHRU de Besançon, d'une part, de l'indemniser des préjudices qu'elle a subis du fait de l'accident de service du 5 novembre 2012 sur le fondement de la responsabilité pour faute ou à défaut sur celui de la responsabilité sans faute et, d'autre part, de prendre en charge tous les frais divers en lien avec cet accident en application de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986. La décision du 4 janvier 2017 par laquelle le CHRU de Besançon a refusé de prendre en charge ces frais divers et d'indemniser les préjudices extra-patrimoniaux de l'intéressée, au motif qu'aucune faute ne lui était imputable dans la survenue de l'accident, doit ainsi être regardée comme ayant rejeté cette demande de prise en charge des frais en lien avec l'accident de service.

15. Toutefois, s'il ressort des pièces du dossier, notamment des rapports des médecins agréés, que l'impotence fonctionnelle du membre supérieur gauche dont souffre Mme D... est en lien avec l'accident dont elle a été victime le 5 novembre 2012, les pièces du dossier, notamment le rapport de l'ergothérapeute du 20 novembre 2014, ne permettent pas d'apprécier l'étendue et la réalité exactes des frais directement entraînés par l'accident de service et, par conséquent, d'apprécier la légalité du refus opposé par le CHRU de Besançon à la demande de Mme D.... Il y a donc lieu de réserver ces conclusions jusqu'au dépôt du rapport d'expertise.


D E C I D E :


Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 18 octobre 2018 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur le fondement de la responsabilité sans faute.

Article 2 : Il sera procédé à une expertise médicale contradictoire entre les parties en vue de déterminer l'étendue des préjudices de Mme D..., avec mission pour l'expert :

1°) de se faire communiquer les documents médicaux utiles à sa mission, d'examiner Mme D... et de décrire son état actuel ;

2°) de déterminer et d'évaluer, compte tenu des dates de consolidation de l'état de santé de Mme D... fixées aux plans psychique et physique respectivement au 12 novembre 2016 et au 7 juillet 2017, les différents préjudices qui résultent directement de l'accident qu'elle a subi le 5 novembre 2012, et notamment les préjudices patrimoniaux, y compris la nécessité d'acquérir des ustensiles adaptés, d'aménager un véhicule et de bénéficier de l'assistance d'une tierce-personne, et les préjudices extra-patrimoniaux, en distinguant les préjudices temporaires et permanents.

3°) de fournir, plus généralement, tous éléments susceptibles de permettre d'éclairer la cour.

Article 4 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la cour. L'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par le président de la cour dans sa décision le désignant.

Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 18 octobre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au centre hospitalier régional universitaire de Besançon.

N° 18NC03349 2