CAA de DOUAI, 3ème chambre, 25/06/2020, 18DA01246, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision25 juin 2020
Num18DA01246
JuridictionDouai
Formation3ème chambre
PresidentM. Albertini
RapporteurM. Jean-Jacques Gauthé
CommissaireM. Cassara
AvocatsBOUKHELOUA

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'ordonner une expertise afin de déterminer si son arrêt de travail s'inscrit dans la suite de l'accident du 31 octobre 2014 reconnu comme imputable au service, de fixer la date de consolidation ainsi que son taux d'incapacité global actuel, d'autre part, d'annuler les arrêtés du 5 octobre 2015 par lesquels le président du conseil départemental de l'Oise a modifié l'arrêté du 17 mars 2015 la plaçant en congé pour accident de service du 10 au 22 mars 2015, a retiré les arrêtés des 31 mars 2015, 18 mai 2015, 5 juin 2015 et 1er juillet 2015 la plaçant en congé pour accident de service du 30 mars 2015 au 30 juillet 2015, l'a placée en position de congé maladie ordinaire à compter du 23 mars 2015, l'a placée en position de congé maladie ordinaire du 30 mars 2015 au 15 novembre 2015, et enfin, d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2015 par lequel le président du conseil départemental de l'Oise a déclaré son état de santé consolidé à compter du 22 mars 2015, de dire et juger qu'elle est toujours placée en arrêt de service pour accident imputable au service depuis le 31 octobre 2014 et de mettre à la charge du département de l'Oise les frais d'expertise.

Par un jugement n° 1600642 du 17 avril 2018, le tribunal administratif d'Amiens a annulé les arrêtés du président du conseil départemental de l'Oise des 5 octobre 2015 modifiant l'arrêté du 17 mars 2015 et fixant la date de fin de congé de maladie ordinaire imputable au service au 22 mars 2015, plaçant Mme B... en congé de maladie ordinaire le 23 mars 2015, retirant les arrêtés des 31 mars 2015, 18 mai 2015, 5 juin 2015 et 1er juillet 2015, et plaçant Mme B... en congé pour maladie ordinaire sans imputabilité au service en ce qui concerne la période du 30 mars 2015 au 3 novembre 2015, ainsi que l'arrêté du 14 octobre 2015, a mis à la charge définitive du département de l'Oise les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 300 euros par une ordonnance en date du 9 janvier 2017 et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.


Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 juin 2018, Mme B..., représentée par Me C... E..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 4 du jugement du 17 avril 2018 du tribunal administratif d'Amiens ayant rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) de mettre à la charge du département de l'Oise la somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- l'ordonnance n° 305-2020 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Hervé Cassara rapporteur public.



Considérant ce qui suit :

1. Mme D... B..., qui est née le 31 octobre 1953, est adjoint technique de 1èreclasse et employée comme agent d'entretien par le département de l'Oise. Le 31 octobre 2014, alors qu'elle travaillait et qu'elle était accroupie, elle s'est bloquée le genou droit en voulant se relever et a ressenti une vive douleur. L'accident a été reconnu comme imputable au service par arrêté du 8 décembre 2014. Par un arrêté du 17 mars 2015 du président du conseil départemental de l'Oise, Mme B... a été placée en congé pour accident de travail du 10 mars 2015 au 23 mars 2015 avec perception de l'intégralité de son traitement. Mme B... a repris son travail le 24 mars 2015 mais a dû s'interrompre dès le 30 mars 2015 du fait des douleurs au genou. Des arrêtés du 5 juin 2015 et du 1er juillet 2015 du président du conseil départemental de l'Oise l'ont alors placée en congé pour accident de service du 31 mai 2015 au 30 juin 2015 puis du 1er juillet 2015 au 30 juillet 2015 inclus et l'intégralité de son traitement lui a été servie durant ces périodes.

2. Suivant l'avis rendu le 10 septembre 2015 par la commission départementale de réforme, un arrêté du 14 octobre 2015 du président du conseil départemental de l'Oise a fixé la date de consolidation de l'état de santé de Mme B... au 22 mars 2015, sans invalidité permanente partielle, sans soins post consolidation et sans prise en charge des arrêts au-delà du 22 mars 2015. Quatre autres arrêtés du 5 octobre 2015 du président du conseil départemental de l'Oise ont, pour le premier modifié celui du 17 mars 2015 en plaçant Mme B... en congé pour accident de service du 10 mars 2015 au 22 mars 2015, pour le second placé Mme B... en congé maladie ordinaire à compter du 23 mars 2015, pour le troisième retiré les arrêtés du 31 mars 2015, 18 mai 2015, 5 juin 2015 et 1er juillet 2015 au motif que ces arrêtés avaient placé Mme B... en congé pour accident du travail du 30 mars 2015 au 30 juillet 2015 et pour le quatrième placé Mme A... en congé maladie ordinaire du 30 mars 2015 au 15 novembre 2015 en prévoyant qu'elle toucherait la totalité de son traitement d'activité du 30 mars 2015 au 21 juin 2015 puis la moitié de son traitement d'activité du 22 juin 2015 au 15 novembre 2015.


3. Mme B... a formé un recours gracieux contre ces cinq décisions le 4 novembre 2015. Celui-ci a été explicitement rejeté le 29 décembre 2015. Par une ordonnance du 8 septembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a désigné, à la demande de Mme B..., le professeur Ollat comme expert chargé de l'examiner, de préciser dans quelle mesure les troubles de son genou sont imputables à l'accident dont elle a été victime le 31 octobre 2014 et de fixer la date de consolidation des blessures. Par un jugement du 17 avril 2018, le tribunal administratif d'Amiens a fixé la date de consolidation au 3 novembre 2015 sur la base de l'expertise du 9 janvier 2017 du professeur Ollat, a annulé les quatre arrêtés du 5 octobre 2015 et celui du 14 octobre 2015, a mis les frais d'expertise d'un montant de 1 300 euros à la charge définitive du département de l'Oise et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions. Le département de l'Oise, par la voie de l'appel incident, relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé les différents arrêtés fixant la situation de Mme B....

Sur l'appel principal de Mme B... :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

4. En se limitant à soutenir que certains de ses moyens n'auraient pas été examinés par le tribunal administratif d'Amiens sans préciser lesquels, Mme B... ne permet pas au juge d'appel d'examiner le bien-fondé de son moyen.

5. Le jugement attaqué vise la note en délibéré du 11 avril 2018. Si le juge a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans le mémoire, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si ce mémoire contient, soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office. En l'espèce, le courrier du 29 mars 2018 reçu par Mme B... le 9 avril 2018 prorogeant le congé maladie de trois mois à compter du 7 avril 2018 n'est pas un élément du débat sur lequel le tribunal administratif a fondé son jugement. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

6. En demandant l'annulation des arrêtés qui fixaient la date de consolidation de sa blessure et de ceux qui en tiraient les conséquence pratiques, la requérante a implicitement mais nécessairement demandé au tribunal administratif d'Amiens de se prononcer sur la fixation de cette date de consolidation. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait statué ultra petita en fixant la date de consolidation au 3 novembre 2015 doit être écarté.

7. Aux termes de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. /(...)/ ".

8. En se limitant, d'une part, à soutenir sur la base du rapport du 29 janvier 2017 du docteur Becquet, médecin généraliste, que son genou droit n'était pas consolidé à cette date et sur la base du certificat du 2 mars 2018 du docteur Chivot, son médecin traitant, affirmant que son état de santé n'était pas consolidé et que ce praticien demandait pour elle un placement en invalidité de 2ème catégorie, Mme B... ne remet pas sérieusement en cause l'expertise du professeur Ollat, ordonnée à sa demande le 8 septembre 2016 par le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens, fixant la date de consolidation de son état de santé au 3 novembre 2015, expertise qu'elle n'a, au demeurant, pas contestée à l'époque. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dans la fixation de la date de consolidation de l'état de santé de Mme B... doit être écarté.

9. En soutenant, d'autre part, sur la base d'un certificat du 30 avril 2014 du docteur Chivot, qu'elle ne présentait pas de problèmes au genou droit avant le 31 octobre 2014, Mme B... ne démontre pas qu'un état arthrosique antérieur se rattachant à un processus dégénératif et non à l'épisode traumatique du 31 octobre 2014 n'existait pas. Au demeurant, l'existence de cet épisode arthrosique antérieur, lié à une surcharge pondérale, avait déjà été noté dans les expertises du 13 avril 2015 du docteur F., du 28 mai 2015 du docteur B. ainsi que dans l'avis du 10 septembre 2015 de la commission de réforme. Par suite, l'existence d'un lien direct entre l'accident du 31 octobre 2014 et les troubles du genou droit dont souffre Mme B... ne ressort pas des pièces du dossier. Le moyen tiré de l'absence de consolidation de son état de santé au 3 novembre 2015 doit être écarté.

10. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif d'Amiens au point 2 du jugement, de rejeter les conclusions de Mme B... tendant à ce qu'il soit ordonné une nouvelle expertise de son état de santé.

11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions d'appel principal de Mme B... doivent être rejetées.

Sur l'appel incident du département de l'Oise :

12. Si le département de l'Oise soutient que les soins prodigués à Mme B... postérieurement au 22 mars 2015 doivent être pris en charge au titre de l'arthrose sous-jacente et non de l'accident de service du 31 octobre 2014, la seule circonstance que l'expertise du 28 mai 2015 du docteur Blin et la commission de réforme du 10 septembre 2015 aient proposé le 22 mars 2015 comme date de consolidation de l'état de santé de l'intimée ne peut suffire à remettre en cause l'expertise du professeur Ollat et le jugement attaqué fixant cette date au 3 novembre 2015. A cette date, la scintigraphie de contrôle a révélé l'absence de signe d'inflammation importante et précisé que les douleurs résiduelles étaient en lien avec l'état arthrosique antérieur du genou de l'intéressée. Par suite, le moyen tiré de ce que les arrêtés du 5 octobre 2015, en ce qu'ils ont retenu la date du 22 mars 2015, et celui du 14 octobre 2015 fixant la date de consolidation au 22 mars 2015 étaient légaux, doit être écarté.

13. L'arrêté plaçant un agent en congé pour accident de service est une décision créatrice de droits au profit de l'agent. Par suite, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande de l'agent, l'administration ne peut retirer un tel arrêté, s'il est illégal, que dans le délai de quatre mois suivant son adoption. Les arrêtés du 31 mars 2015, 18 mai 2015, 5 juin 2015 et 1er juillet 2015 constituaient des décisions créatrices de droit pour Mme B... et ne pouvaient être retirés par l'arrêté du 5 octobre 2015 que conformément à ces dispositions. Fixant une date de consolidation de son état de santé antérieure à la date de consolidation effectivement retenue, ils étaient légaux et ne pouvaient dès lors être retirés. Dès lors, l'arrêté du 5 octobre 2015 qui les a retirés est illégal.

14. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise (...). / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute personne perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties ". Le département de l'Oise étant partie perdante, c'est à bon droit que le tribunal administratif d'Amiens a mis les frais d'expertise à la charge définitive du département.

15. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 17 avril 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté le surplus des conclusions de sa demande et que, d'autre part, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de sa requête, le département de l'Oise n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que ce jugement a annulé les arrêtés du 5 octobre 2015 et 14 octobre 2015 du président du conseil départemental. Par voie de conséquence, les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, tant de Mme B... que du département de l'Oise, doivent être rejetées.









DÉCIDE :


Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département de l'Oise sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au département de l'Oise.

Copie sera adressée, pour information, au préfet de l'Oise.



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