CAA de DOUAI, 3ème chambre, 25/06/2020, 19DA02125, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision25 juin 2020
Num19DA02125
JuridictionDouai
Formation3ème chambre
PresidentM. Albertini
RapporteurM. Marc Lavail Dellaporta
CommissaireM. Cassara
AvocatsSELARL EBC AVOCATS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé par deux requêtes distinctes au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 13 mars 2017 et du 1er décembre 2017 par lesquelles le maire de la commune de Louviers a successivement refusé de reconnaître comme imputable au service le congé de longue durée dont elle a fait l'objet et refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa mise à la retraite pour invalidité, d'autre part, de mettre à la charge de la commune de Louviers la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement commun n°s 1701736, 1800416 du 8 juillet 2019 le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 septembre 2019 et le 4 juin 2020, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme B... D..., représentée par Me A... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 13 mars 2017 et du 1er décembre 2017 par lesquelles le maire de la commune de Louviers a successivement refusé de reconnaître comme imputable au service le congé de longue durée dont elle a fait l'objet et a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa mise à la retraite pour invalidité ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Louviers la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 modifié ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 modifié ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.








Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur ;
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., qui est née le 14 octobre 1958, a été recrutée par la commune de Louviers le 1er juillet 1993 en qualité d'agent d'entretien stagiaire, puis titularisée le 1er juillet 1994 dans le grade d'agent d'entretien. A compter du 9 juillet 2003, elle a alterné durant une douzaine d'années les congés de longue maladie, les reprises d'activité à mi-temps thérapeutique et à temps complet, puis à nouveau les congés de longue maladie, les congés de maladie ordinaire, et les congés de longue durée. Par arrêté du 8 janvier 2015, elle a été placée en congé de longue durée, à demi-traitement, du 17 novembre 2014 au 16 juin 2016. Par un courrier reçu le 28 avril 2016, puis par l'intermédiaire de son conseil, par un courrier du 18 mai 2016, Mme D... a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité de sa pathologie au service ainsi qu'en conséquence le bénéfice d'un congé de longue durée à plein traitement et la prise en charge de ses arrêts de travail pour maladie à ce titre. Saisi par la commune de Louviers, le comité médical départemental, lors de sa séance du 19 août 2016, a déclaré Mme D... inapte de manière absolue et définitive à toute fonction et a émis un avis favorable à une disponibilité d'office pour une durée de six mois, à compter du 17 juin 2016. La commission de réforme s'est prononcée sur le cas de Mme D..., lors de ses séances des 6 octobre 2016 et 5 janvier 2017. A l'issue de la séance du 5 janvier 2017, la commission de réforme a émis un avis favorable à la mise à la retraite pour invalidité ainsi qu'un avis défavorable à l'octroi d'un congé de longue durée pour maladie contractée en service " compte tenu de l'état antérieur avéré et du caractère tardif de la demande ". Par un autre arrêté du 23 janvier 2017, le maire a maintenu Mme D... à demi-traitement à compter du 17 décembre 2016, puis, suivant l'avis de la commission de réforme, par une décision du 13 mars 2017, le maire a refusé de reconnaître comme imputable au service sa pathologie. Mme D... a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation de cette première décision. Parallèlement, le 3 août 2017, la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales a rendu un avis favorable à la mise à la retraite de l'intéressée, pour invalidité. Par un arrêté du maire du 21 septembre 2017, Mme D... a été admise à la retraite pour invalidité à compter du 1er octobre 2017 et radiée des cadres de la commune, à compter de cette même date. Par un courrier du 22 novembre 2017, Mme D... a exercé un recours gracieux contre l'arrêté du 21 septembre 2017 en vue " d'un nouvel examen de sa situation, afin de voir déclarer imputable au service la décision de mise en retraite pour invalidité ". Toutefois, par une décision du 1er décembre 2017, le maire de la commune de Louviers a rejeté cette demande. Mme D... a alors saisi le tribunal administratif de Rouen d'une seconde requête tendant à l'annulation de cette décision. Par un jugement du 8 juillet 2019, le tribunal administratif de Rouen, après avoir joint les deux requêtes, les a rejetées.

2. D'une part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...)2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 58. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) ". Aux termes de l'article 23 du décret du 30 juillet 1987, encore en vigueur à la date de la décision attaquée : " Lorsque le congé de longue durée est demandé pour une maladie contractée en service, le dossier est soumis à la commission de réforme prévue par le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 modifié relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ; le dossier doit comprendre un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive attaché à la collectivité ou établissement auquel appartient le fonctionnaire concerné. / Lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, elle peut, en tant que de besoin, consulter un médecin expert agréé. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut-être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. (...) ". Aux termes de l'article 31 de ce même décret : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. (...) ". Aux termes de l'article 36 de ce décret : " Le fonctionnaire qui a été mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, soit en service (...) peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ". Aux termes de l'article 37 du décret précité : " I. Les fonctionnaires qui ont été mis à la retraite dans les conditions prévues à l'article 36 ci-dessus bénéficient d'une rente viagère d'invalidité cumulable, selon les modalités définies au troisième alinéa du I de l'article 34, avec la pension rémunérant les services prévus à l'article précédent. (...) Le droit à cette rente est également ouvert à l'ancien fonctionnaire qui est atteint d'une maladie professionnelle dont l'imputabilité au service est reconnue par la commission de réforme postérieurement à la date de la radiation des cadres, dans les conditions définies à l'article 31. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le fonctionnaire mis à la retraite sur sa demande ou d'office pour impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, notamment en service, peut bénéficier d'une rente viagère d'invalidité attribuable et cumulable avec la pension notamment si l'affection dont il est atteint est reconnue par la commission de réforme postérieurement à la date de radiation des cadres comme imputable au service.

4. Pour refuser de reconnaître la pathologie de Mme D... comme imputable au service, la décision du 13 mars 2017 rappelle précisément la teneur de l'avis de la commission de réforme dans sa séance du 5 janvier 2017 et le maire indique qu'il a décidé de suivre cet avis. Dans la décision en litige du 1er décembre 2017, le maire y rappelle que Mme D... a été reconnue inapte de manière définitive et absolue à tout emploi et placée à la retraite pour invalidité, après avis de la commission de réforme et validation par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Cette décision constitue en outre le rejet d'un recours gracieux qui n'est pas un recours administratif préalable obligatoire. Il suffit alors que la décision en cause rejetant le recours gracieux s'approprie la première décision pour qu'elle soit suffisamment motivée à condition que la première décision soit elle-même suffisamment motivée, ce qui est le cas en l'espèce, l'arrêté du 21 septembre 2017 plaçant l'intéressée à la retraite pour invalidité et la radiant des effectifs de la commune étant ainsi lui-même suffisamment motivé, par les mêmes circonstances de fait et de droit que la décision rejetant le recours gracieux. Dans ces conditions, les décisions en litige exposent de manière suffisante les considérations de droit et de fait propres à la situation de Mme D... qui les fondent et le moyen tiré de la motivation insuffisante de ces décisions ne peut, par suite, qu'être écarté.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a connu de graves difficultés de santé dès l'année 2003, puis à nouveau à compter de l'année 2008, en raison d'une affection cancéreuse. Lorsqu'elle a été reconnue apte à reprendre son activité, son emploi a fait l'objet de nombreuses restrictions médicales, compte tenu de son état de santé. Ce n'est pas cette pathologie qui est concernée par le litige soumis à la cour, la pathologie psychiatrique en cause ayant été a été diagnostiquée à partir de l'année 2012. La question qui se présente à juger est de savoir si cette pathologie dont souffre l'appelante est ou non imputable au service. Si c'est le cas, la première décision du 13 mars 2017 devrait être annulée, Mme D... ayant alors droit à conserver l'intégralité de son traitement durant son congé de maladie, ainsi que la seconde décision du 1er décembre 2017, puisqu'elle aurait droit à percevoir une rente viagère d'invalidité.

6. Lors la reprise d'activité de Mme D... à la suite de la première pathologie dont elle a souffert entre 2008 et 2011, le médecin de prévention a émis un avis favorable " avec aménagement voire reclassement définitif sur un poste sédentaire : pas de station debout prolongée, mi-temps thérapeutique, pas de charges lourdes, pas de ménage régulier. Poste accueil ou standard avec contact adapté ". Pendant son mi-temps thérapeutique, Mme D... a été affectée à un poste d'accueil de loisirs comportant l'accompagnement d'enfants, une aide aux activités manuelles, des missions de tri et d'inventaire du matériel, de classement de documents, d'affranchissement du courrier, et de remplacements polyvalents. A compter du 19 juillet 2012, date de sa reprise d'activité à temps complet, un nouveau profil de poste a été établi, pour tenir compte de nouvelles préconisations médicales. A la demande de la commune de Louviers, Mme D... a revu le médecin de prévention le 21 août 2012, lequel a émis les préconisations suivantes : " poste sédentaire indispensable de type administratif ou accueil en évitant les trajets, station debout prolongée déconseillée, marche prolongée déconseillée, produits irritants déconseillés, ambiance bruyante déconseillée, poste complémentaire en crèche (restauration). ". A la suite de ces nouvelles préconisations du médecin de prévention, Mme D... a été affectée du 10 au 30 septembre 2012 sur deux postes, à la restauration petite enfance à la halte Saint-Germain, de 10h à 13h00, et à l'affranchissement du courrier, de 13 h 45 à 15 h 00. Elle a ensuite été placée en congé de maladie ordinaire, du 15 septembre au 15 novembre 2012. A compter du 10 décembre 2012, après avis favorable du médecin de prévention, Mme D..., a encore été affectée pour partie à la restauration petite enfance à la halte Saint-Germain et pour partie à l'école de musique. Ensuite, elle a été à nouveau placée en congé de maladie ordinaire, du 16 janvier au 3 février 2013, du 8 au 14 avril 2013, puis en congé de longue durée à compter du 17 mai 2013.

7. Contrairement à ce que soutient Mme D..., il ressort de ces éléments et des pièces versées au dossier que les nombreuses fiches de poste mises en oeuvre ont été validées par le médecin de prévention et que l'administration a fait le nécessaire pour l'affecter à des postes aménagés, en fonction des préconisations du médecin de prévention. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'elle aurait été maintenue durablement dans une pièce insalubre, dépourvue d'aération et proche des toilettes pour effectuer des tâches d'affranchissement du courrier ou d'archivage. En outre, le poste auquel elle a été affectée au service des archives, pour une mission très ponctuelle, seulement l'après-midi et durant trois semaines, était compatible avec ces préconisations médicales contrairement, à ce qu'elle allègue. Si elle produit une attestation d'une conservatrice des archives municipales, faisant état de ses conditions de travail, ce document se borne à préciser qu'elle a été affectée à des tâches d'entretien au service des archives, durant un an, sans apporter davantage de précision quant à l'amplitude horaire et la période concernée. Enfin, si le docteur N., praticien hospitalier, qui a établi un rapport à la demande de la collectivité, le 2 décembre 2016, relève que, selon lui, la pathologie psychiatrique dont souffre Mme D... est en relation directe avec sa situation professionnelle, les conclusions de ce rapport indiquent aussi clairement qu'il ne peut être fait abstraction de l'état de santé antérieur de l'intéressée, qui était déjà atteinte de troubles psychiatriques à la suite du décès de son second époux et que " rien, dans la réalité, ne peut être parfaitement tranché ". Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que l'organisation et les conditions de travail de Mme D... auraient présenté un risque professionnel à l'origine directe et certaine de la dépression dont elle est souffre et en suivant l'avis de la commission de réforme, favorable à la mise en retraite pour invalidité, mais défavorable à la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de son congé de longue durée, rendu le 5 janvier 2017, le maire Louviers n'a ainsi commis aucune erreur d'appréciation. Dans ces conditions, le tribunal administratif de Rouen a jugé à bon droit que la pathologie dont souffre Mme D... depuis les années 2012-2013 ne présente pas de lien direct, même partiellement, avec l'exercice de ses fonctions ou avec ses conditions de travail.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 8 juillet 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes. Les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... une somme au titre des frais exposés par la commune de Louviers et non compris dans les dépens.




DÉCIDE :


Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Louviers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et à la commune de Louviers


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N° 19DA02125