CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 15/07/2020, 19MA05082, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision15 juillet 2020
Num19MA05082
JuridictionMarseille
Formation8ème chambre
PresidentM. BADIE
RapporteurMme Thérèse RENAULT
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsPAOLANTONACCI

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée le 10 février 2015, M. A... C... a demandé au tribunal des pensions militaires de Marseille d'annuler la décision du 26 janvier 2015 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité.

Par un jugement n° 11/00098 du 11 juin 2015, le tribunal des pensions militaires a, d'une part, reconnu un droit à pension pour l'infirmité " trouble anxio-dépressif " au taux de 30% à compter de la date de la demande fixée au 8 janvier 2002, et, d'autre part, ordonné
avant-dire droit une expertise portant sur les infirmités " syndrome d'apnée du sommeil ", " hypertension artérielle " et " édenture ". Par un jugement enregistré sous le même numéro, en date du 9 mai 2019, le tribunal des pensions militaires de Marseille a infirmé la décision ministérielle du 1er juillet 2008 rejetant la demande de pension formée par M. C... le
8 janvier 2002 et dit qu'à compter de cette date le requérant avait droit au pensionnement des chefs des infirmités suivantes sur le fondement des deux derniers alinéas de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité : - le syndrome d'apnée du sommeil : 60% ; - l'édenture : 15% ; l'hypertension artérielle avec retentissement cardiaque : 15%.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2019, sous le n° 19/00031, par la Cour régionale des pensions militaires d'Aix-en Provence, la ministre des armées relève appel du jugement du tribunal des pensions militaires de Marseille du 9 mai 2019 et demande à la Cour de réformer le jugement en ce qu'il reconnaît à M. C... un droit à pension au titre des infirmités " syndrome d'apnée du sommeil ", " hypertension artérielle " et " édenture ".
Elle soutient que c'est à tort que les premiers juges ont reconnu à M. C... un droit à pension au titre de ces infirmités dès lors que l'infirmité " troubles anxio-dépressifs " pour lequel il est déjà pensionné n'est pas la cause déterminante de ces nouvelles infirmités.


Par un mémoire, enregistré par le greffe de la Cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence le 29 août 2019, M. C..., représenté par Me D..., conclut à la confirmation du jugement précité du 9 mai 2019, subsidiairement, à ce qu'il soit ordonné un complément d'expertise et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les troubles anxio-dépressifs dont il est affecté sont la cause déterminante des nouvelles infirmités au titre desquelles il demande à bénéficier d'une pension militaire d'invalidité.


Par acte de transmission du dossier, enregistré le 1er novembre 2019, et en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Marseille est saisie de la présente affaire.


Par des mémoires enregistrés les 29 novembre et 19 décembre 2019 par la Cour, la ministre des armées réitère ses conclusions initiales, par les mêmes moyens.


Par un mémoire enregistré le 5 décembre 2019 par la Cour, M. C... réitère ses conclusions initiales, par les mêmes moyens.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., né le 9 juin 1955, s'est engagé dans la marine en 1972 et a été radié des cadres en 2011 alors qu'il avait atteint le grade de Maître principal. Il a formé le
8 janvier 2002 une demande de pension pour des troubles anxio-dépressifs. Cette demande a été rejetée par décision du ministre de la défense du 1er juillet 2008, contre laquelle l'intéressé a formé un recours le 19 janvier 2009 auprès du tribunal des pensions militaires de Draguignan.
Le 26 novembre 2008, il a formulé une nouvelle demande de pension non seulement pour troubles anxio-dépressifs mais aussi pour quatre autres infirmités dont il cherchait à faire reconnaître l'imputabilité au service : un syndrome d'apnée du sommeil, une hypertension artérielle, une édenture et une fracture du gros orteil gauche. En l'absence de réponse à cette deuxième demande, il a renouvelé sa demande le 27 septembre 2010. En l'absence de réponse du ministre à cette dernière demande, il a considéré qu'était née une décision implicite de rejet qu'il a contestée par recours du 11 septembre 2014. Le tribunal des pensions militaires de Marseille, au profit duquel s'était dessaisi le tribunal des pensions militaires de Draguignan, a par jugement avant-dire droit du 13 novembre 2014, joint les requêtes du 19 janvier 2009 et du
11 septembre 2014 et fixé au 8 janvier 2002 la date de demande de pension pour les troubles anxio-dépressifs.
2. Le 26 janvier 2015, l'administration a pris une décision explicite de rejet de la demande, formée le 28 novembre 2008, contre laquelle M. C... a formé un recours le
10 février 2015. Par jugement du 11 juin 2015, le tribunal des pensions militaires de Marseille a joint l'ensemble des requêtes de M. C... et a, d'une part, annulé la décision de rejet de la demande du 8 janvier 2002 et reconnu un droit à pension pour l'infirmité " trouble anxio-dépressif " au taux de 30% à compter de la date de la demande, que l'administration a accordé par arrêté ministériel du 9 novembre 2015. Le tribunal a, d'autre part, ordonné une expertise portant sur les autres infirmités invoquées dans la demande du 28 novembre 2008, à l'exception de la fracture du gros orteil. Le rapport rendu par l'expert désigné par le tribunal ayant été considéré comme inutilisable par celui-ci, le tribunal des pensions militaires de Marseille a, par un nouveau jugement avant-dire droit du 27 avril 2017, ordonné une nouvelle expertise, confiée au docteur Capasso, avec pour mission de " décrire, à la date de la demande de pension, soit au 26 novembre 2008, les infirmités dont [M. C...] est atteint, plus précisément " syndrome d'apnée du sommeil, édenture et hypertension artérielle ", en préciser toutes les composantes et incidences, décrire la gêne fonctionnelle et l'atteinte générale qui en résultent, chiffrer le pourcentage d'invalidité devant être retenu, en référence au guide barème applicable aux pensions militaires d'invalidité ; préciser, outre le taux global de chaque infirmité, le taux imputable ou non à l'infirmité de troubles anxio-dépressifs ". La ministre des armées relève appel du jugement du tribunal des pensions militaires de Marseille du 9 mai 2019 en tant qu'il reconnaît à M. C... un droit à pension au titres des infirmités " syndrome d'apnée du sommeil " au taux de 60%, " hypertension artérielle " au taux de 15% et " édenture " au taux de 15%.
3. En premier lieu, l'expertise réalisée par le docteur Capasso répond à l'ensemble des questions posées par tribunal des pensions militaires de Marseille dans son jugement avant-dire droit du 27 avril 2017. Par suite, il n'y a pas lieu d'ordonner à l'expert de compléter son expertise.
4. En deuxième lieu, il résulte des dispositions des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicables au présent litige, qu'une demande de pension pour une infirmité nouvelle, dont il est soutenu qu'elle provient de l'existence ou du traitement d'une précédente infirmité, différente et donnant lieu à pension, ne peut être admise que s'il est rapporté la preuve que l'infirmité précédente a été la cause directe et déterminante de cette infirmité nouvelle.
5. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport du docteur Capasso, que le syndrome d'apnée du sommeil, diagnostiqué en 2003, dont souffre M. C..., correspond à un taux d'invalidité de 60%, qui résulte pour moitié de ses troubles anxio-dépressifs, et que l'édenture dont il est victime, diagnostiquée en 2010 alors qu'il souffrait de bruxisme depuis 2008, devrait conduire à l'octroi d'un taux d'invalidité de 30%, résultant également pour moitié de ses troubles anxio-dépressifs. Ces constatations ne sont pas sérieusement remises en cause. Dans ces conditions, ces infirmités nouvelles, qui ne sont imputables que pour moitié aux troubles antérieurs, ne peuvent être regardées comme trouvant une cause déterminante dans l'affection pensionnée, et ne sauraient donc ouvrir droit à pension.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : (...) 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service. " et aux termes de l'article L. 4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : (...) 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples. / En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour que l'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ouvre droit à pension, l'aggravation doit être due exclusivement au service, que le taux d'aggravation atteigne à lui seul le minimum indemnisable et que l'infirmité soit elle-même antérieure ou concomitante au service.
7. Il résulte de l'instruction que l'hypertension artérielle dont souffre M. C... depuis 1978 est étrangère au service et qu'elle a été aggravée par le seul fait du service. Toutefois, il ressort du rapport d'expertise que le taux d'invalidité entraîné par cette affection est de 15%, dont 10% seulement du fait du service. Dans ces conditions, cette infirmité nouvelle, qui n'entraîne pas le degré d'invalidité atteignant 30% prévu par les dispositions précitées de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ne saurait ouvrir à M. C... un droit à pension.
8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de Marseille a reconnu à M. C... un droit à pension pour les infirmités " syndrome d'apnée du sommeil ", " édenture " et " hypertension artérielle ".
Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que M. C... demande au titre des frais qu'il a exposés soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.


D É C I D E :



Article 1er : Le jugement du tribunal des pensions militaires de la Marseille est annulé en tant qu'il reconnaît à M. C... un droit à pension au titres des infirmités " syndrome d'apnée du sommeil ", " hypertension artérielle " et " édenture ".
Article 2 : Les demandes présentées par M. C... devant le tribunal des pensions militaires de Marseille et ses conclusions d'appel incident sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. A... C....


Délibéré après l'audience du 7 juillet 2020, où siégeaient :

- M. Badie, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 15 juillet 2020.
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N° 19MA05082