CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 15/07/2020, 19MA05180, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête enregistrée le 15 mars 2017, M. A... C... a demandé au tribunal des pensions militaires de Haute-Corse d'annuler la décision du 28 novembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité.
Par un jugement n° 17/00010 du 17 mai 2019, le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse a reconnu à M. C... un droit à pension pour l'infirmité " névralgie cervico-brachiale latérale à prédominance gauche " au taux de 30 % à compter du 20 mars 2014 et rejeté le surplus de ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2019, sous le n° 19/00210, par la Cour régionale des pensions militaires de la Corse, la ministre des armées relève appel de ce jugement et demande à la Cour de réformer le jugement en ce qu'il reconnaît un droit à aggravation de l'infirmité de M. C....
Elle soutient que c'est à tort que les premiers juges ont constaté une aggravation de l'infirmité de M. C..., qui ne pouvait faire l'objet d'une révision sur le fondement des dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.
Par acte de transmission du dossier, enregistré le 1er novembre 2019, et en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Marseille est saisie de la présente affaire.
Par deux mémoires enregistrés le 10 décembre 2019 et le 31 janvier 2020, M. C... conclut à la confirmation du jugement du 17 mai 2019 et soutient que l'aggravation de son infirmité est établie.
Par un mémoire enregistré le 10 janvier 2020 par la Cour, la ministre des armées réitère ses conclusions initiales.
La ministre des armées a produit un mémoire, enregistré le 25 février 2020, qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Au cours de son service militaire effectué du 1er avril 1971 au 31 mars 1972 au sein du 9ème régiment de chasseurs parachutistes, M. C... a été victime d'un accident de saut. Par arrêté du 3 mai 2010, le ministre de la défense lui a concédé, à compter du
21 novembre 2005, une pension d'invalidité définitive au taux de 75 % pour quatre infirmités, dont une infirmité nouvelle, la névralgie cervico-brachiale latérale à prédominance gauche, au taux de 20%. Estimant que ses infirmités s'étaient aggravées, M. C... a, le 20 mars 2014, demandé la révision de sa pension pour cette aggravation et pour infirmités nouvelles. Sa demande a fait l'objet d'une décision de rejet du ministre de la défense en date du
28 novembre 2016. Par jugement du 17 mai 2019, le tribunal des pensions militaires de
Haute-Corse a rehaussé le droit à pension de M. C... pour l'infirmité " névralgie cervico-brachiale latérale à prédominance gauche " au taux de 30 % à compter du 20 mars 2014 et a rejeté le surplus de ses demandes. La ministre des armées relève appel de ce jugement en tant qu'il a rehaussé le taux de pension de M. C....
2. Aux termes de l'article L. 26 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa rédaction applicable à la date du litige : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué " et aux termes de l'article L. 29 du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Cette demande est recevable sans condition de délai. La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. (...) ". Il résulte de ces dispositions que la révision d'une pension pour aggravation de l'infirmité est subordonnée à la constatation médicale d'une aggravation de cette infirmité postérieurement à la concession d'une pension d'invalidité à titre définitif.
3. Il résulte de l'instruction que, pour reconnaître le taux de 20% à l'infirmité " névralgie cervico-brachiale latérale à prédominance gauche " de M. C..., le ministre de la défense a tenu compte, dans sa décision du 3 mai 2010, de l'état de santé de l'intéressé tel qu'il apparaissait postérieurement à l'intervention chirurgicale qu'il a subie le 30 novembre 2006 pour traiter cette névralgie invalidante et à l'expertise réalisée par le docteur Retali, neurologue, le
19 février 2008, qui a relevé la persistance de la névralgie et a précisé les atteintes fonctionnelles en résultant après réalisation d'un électromyogramme. Le ministre a fait remonter le bénéfice de la reconnaissance de cette infirmité au taux de 20% à compter du 21 novembre 2005, date à laquelle sont apparus les premiers symptômes de cette névralgie.
4. Au soutien de sa demande de rehaussement du taux d'invalidité retenu, M. C... fait valoir que l'expert judiciaire, M. D..., mandaté par le tribunal des pensions de la
Haute-Corse dans le cadre de son recours contre la décision de refus de réviser sa pension d'invalidité, a estimé que le taux d'invalidité de l'infirmité " névralgie cervico-brachiale latérale à prédominance gauche " pouvait être majoré de 10% pour atteindre 30%. Il résulte des termes de l'expertise elle-même que l'aggravation de la névralgie cervico-brachiale de M. C... est apparue " durant l'été 2006 ", et que sa persistance a été corroborée par l'électromyogramme réalisé le 19 février 2008. L'expert, toutefois, n'invoque aucun élément d'aggravation de l'infirmité depuis cette date, se bornant à prôner un taux de 30% en se référant au barème indicatif des pensions militaires qui " prévoit un taux de 20% à 40% pour des douleurs à forme névralgique irradiées le long des membres supérieurs ou inférieurs à forme de névrite brachiale ou crurale ". Dans ces conditions, l'aggravation de l'infirmité de M. C... postérieurement à l'attribution d'une pension définitive d'invalidité n'est pas établie et ce dernier n'était pas fondé à demander le rehaussement de son droit à pension à ce titre.
5. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse a rehaussé le droit à pension de M. C... pour l'infirmité " névralgie cervico-brachiale latérale à prédominance gauche " au taux de 30% à compter du 20 mars 2014.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal des pensions militaires de la Haute-Corse est annulé en tant qu'il rehausse le droit à pension de M. C... pour l'infirmité " névralgie cervico-brachiale latérale à prédominance gauche " au taux de 30% à compter du 20 mars 2014.
Article 2 : La demande de M. C... tendant à la révision de sa pension pour aggravation de cette infirmité est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. A... C....
Délibéré après l'audience du 7 juillet 2020, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 15 juillet 2020.
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N° 19MA05180