CAA de LYON, 7ème chambre, 06/08/2020, 18LY02538, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision06 août 2020
Num18LY02538
JuridictionLyon
Formation7ème chambre
PresidentM. ARBARETAZ
RapporteurM. Philippe SEILLET
CommissaireM. CHASSAGNE
AvocatsSCP CLEMANG-GOURINAT

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2017 par lequel le directeur interrégional de l'administration pénitentiaire Centre-Est Dijon l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 13 mars 2017, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et d'enjoindre à l'administration de prendre une décision tendant à ce que son invalidité soit reconnue comme étant imputable au service.

Par un jugement n° 1701627 lu le 25 juin 2018, le tribunal administratif de Dijon a :
- annulé l'arrêté du 25 janvier 2017 en tant en tant qu'il a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la mise à la retraite pour invalidité de Mme A... ;
- enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de réexaminer la situation de Mme A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;
- mis à la charge de l'État une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.





Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 5 juillet 2018, présentée pour Mme A..., il est demandé à la cour, le cas échéant après avoir ordonné avant dire droit une expertise judiciaire tendant à déterminer le taux d'invalidité qu'elle présente et si l'infirmité est imputable au service :
1°) d'annuler ce jugement n° 1701627 du 25 juin 2018 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre à l'administration de prendre une décision tendant à ce que son invalidité soit reconnue comme étant imputable au service ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges ont estimé à tort que sa demande ne tendait à l'annulation de l'arrêté du 27 mars 2017 qu'en tant seulement qu'il n'avait pas reconnu l'imputabilité au service de son invalidité, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, alors qu'elle avait sollicité l'annulation totale des décisions contestées ;
- l'avis de la commission de réforme est insuffisamment motivé, de sorte qu'elle a été privée d'une garantie substantielle ;
- la décision en litige est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, en l'absence d'avis conforme du ministre chargé du budget, dès lors que la formalité prévue par l'article R. 49 du code des pensions civiles et militaires a été méconnue et alors qu'en méconnaissance de l'article L. 31 du même code, la commission de réforme ne s'est pas prononcée sur le taux d'invalidité ;
- l'administration, en modifiant le procès-verbal de la commission de réforme, a commis un faux de sorte que cette pièce ne peut être prise en considération au soutien de la décision en litige ;
- son invalidité aurait nécessairement dû être reconnue comme imputable au service puisqu'elle résulte directement de la dépression dont elle a été victime en 2012.

Par ordonnance du 4 mars 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 mai 2019.
Le garde des sceaux, ministre de la justice, a présenté un mémoire, enregistré après la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur l'irrecevabilité des conclusions de la requête dirigées contre l'article 1er du jugement attaqué, qui ne fait pas grief à Mme A..., dont les seules conclusions recevables sont celles dirigées contre l'article 2 du jugement qui ne fait pas droit à sa demande principale d'injonction.
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président assesseur,
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;


Considérant ce qui suit :


1. Mme A..., capitaine au sein du corps des personnels de commandement de l'administration pénitentiaire, affectée au centre de détention de Joux-la-Ville, été placée en congé de longue maladie du 13 mars 2012 au 13 mars 2014, à la suite d'une tentative de suicide, puis en congé de longue durée jusqu'au 12 mars 2017. Par une demande du 9 mai 2016, elle a demandé à être mise à la retraite pour invalidité et, par un arrêté du 25 janvier 2017, dont l'intéressée a pris connaissance le 2 février 2017, le directeur interrégional des services pénitentiaires Centre-Est Dijon a admis Mme A... à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 13 mars 2017, en mentionnant que cette invalidité n'était pas imputable au service. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a, d'une part, annulé l'arrêté du 25 janvier 2017 en tant en tant qu'il a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa mise à la retraite pour invalidité (article 1er) et, d'autre part, enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de deux mois (article 2).


Sur la recevabilité des conclusions de la requête :

2. Lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande principale. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale.
3. Il ressort des pièces soumises au tribunal administratif de Dijon que Mme A... a présenté au tribunal des conclusions tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en litige et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à l'administration de prendre une décision tendant à ce que son invalidité soit reconnue comme imputable au service. A l'appui de ses conclusions à fin d'annulation, Mme A... soulevait non seulement des moyens touchant à la légalité externe de la décision contestée mais également un moyen touchant à sa légalité interne. Il ressort des énonciations du jugement du tribunal administratif de Dijon que, pour annuler l'arrêté du 25 janvier 2017 en tant qu'il a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la mise à la retraite pour invalidité de Mme A..., le tribunal s'est fondé sur un moyen de légalité externe, sans se prononcer sur le moyen de légalité interne. Ce dernier moyen, s'il avait été fondé, aurait été de nature à justifier, outre l'annulation de l'arrêté ministériel, le prononcé d'une injonction non pas seulement de réexaminer la situation de Mme A... mais de reconnaître l'imputabilité au service de son invalidité. En statuant comme il l'a fait, le tribunal a nécessairement écarté le moyen de légalité interne de l'arrêté contesté.
4. Or et d'une part, Mme A... n'est pas recevable à contester le principe même de l'annulation de l'arrêté en litige, prononcée par l'article 1er du jugement attaqué, dès lors que cette annulation ne lui fait pas grief. Les conclusions de sa requête dirigées contre cet article du jugement ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
5. D'autre part, Mme A... relevant appel du jugement du 25 juin 2018 en tant que, se bornant à enjoindre à l'administration de réexaminer sa situation, ce jugement n'a fait que partiellement droit à ses conclusions à fins d'injonction, il appartient à la cour de se prononcer sur les moyens susceptibles de conduire à faire droit à la demande d'injonction principale de la requérante. Il suit de là que Mme A... est fondée à contester en appel l'article 2 du jugement qui ne fait pas droit à sa demande principale d'injonction, et qu'il appartient à la cour, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur le moyen de légalité interne, soulevé en appel, seul susceptible de conduire à faire droit à ses conclusions aux fins qu'il soit enjoint à l'administration de prendre une décision tendant à ce que son invalidité soit reconnue comme étant imputable au service, à l'exclusion des moyens de légalité externe insusceptibles de permettre de faire droit à ces conclusions et, par suite, inopérants.
Sur la régularité du jugement attaqué :

6. Il ressort des pièces soumises au tribunal administratif de Dijon qu'à la suite de la notification à Mme A... de l'arrêté en litige, comportant la mention des voies et délais de recours, le 2 février 2017, comme en atteste la signature de cette dernière sur le document lui-même, elle n'a exercé, dans le délai de recours contentieux de deux mois ayant couru à compter de cette date, un recours gracieux, le 27 mars 2017, contre cette décision qu'" en tant qu'elle ne reconnait pas le caractère d'imputabilité au service de l'admission à la retraite de l'intéressée ". Il en ressort également qu'en première instance, comme d'ailleurs en appel, le seul moyen de légalité interne soulevé par Mme A... était tiré de ce que " l'autorité administrative aurait dû prononcer la mise à la retraite pour invalidité avec imputabilité au service " et que les conclusions aux fins d'injonction présentées dans sa demande devant le tribunal ne tendaient qu'à " qu'il soit enjoint à l'administration de prendre une décision tendant à ce que son invalidité soit reconnue comme étant imputable au service ". Dès lors, Mme A... ne peut soutenir qu'elle avait sollicité l'annulation totale des décisions contestées, que les premiers juges auraient, à tort, regardé les conclusions de sa demande comme tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2017 en tant seulement qu'il n'avait pas reconnu l'imputabilité au service de son invalidité, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et que le jugement serait, par suite, irrégulier. Au demeurant en l'absence de recours gracieux formé contre l'arrêté ministériel en tant qu'il prononçait sa mise à la retraite pour invalidité, des conclusions dirigées contre ces dispositions de l'arrêté auraient été irrecevables en raison de leur tardiveté à la date à laquelle Mme A... avait saisi le tribunal administratif de Dijon de sa demande, le 30 juin 2017.
Sur la légalité interne de l'arrêté contesté :

7. Aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite qui s'appliquent : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du même code : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement, ou à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé (...) L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° du I de l'article L. 24 du présent code, sous réserve que ses blessures ou maladies aient été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle il acquérait des droits à pension (...) ".
8. Mme A... affirme que sa tentative de suicide s'est produite après qu'elle avait travaillé sous les ordres d'une nouvelle directrice adjointe du centre pénitentiaire de Joux-la-Ville qui aurait fait preuve à son égard d'un comportement caractérisé par des attaques constantes et humiliantes et un manque de considération permanent. Il ressort toutefois de plusieurs certificats médicaux établis par un médecin psychiatre, en février 2015 et avril 2016, et produits par la requérante elle-même, qui évoque un " syndrome classique de relation au monde très pathologiquement douloureuse, de persécution chronique ", évalue son invalidité à un taux de 80 %, et indique, en particulier, que " son inaptitude aurait sans doute pu se trouver détectée dès sa visite d'embauche, probablement ", que la pathologie de nature psychique de l'intéressée, si elle a pu être favorisée par certaines conditions de son activité professionnelle, s'était déjà manifestée précédemment et trouvait son origine dans sa personnalité. Dès lors la pathologie dont souffrait Mme A..., à l'origine de son invalidité, ne pouvait être regardée comme étant imputable au service, alors que les pièces du dossier ne font apparaître aucune circonstance particulière, tenant à ses conditions de travail, susceptible de l'avoir occasionnée. Par suite, l'autorité compétente n'a commis aucune illégalité en refusant de reconnaître l'imputabilité au service des affections dont se plaignait l'intéressée.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice de reconnaître l'imputabilité au service de son invalidité. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2020 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Rémy-Néris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 août 2020.


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