CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 03/11/2020, 19MA01238 - 19MA01239, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision03 novembre 2020
Num19MA01238 - 19MA01239
JuridictionMarseille
Formation8ème chambre
PresidentM. BADIE
RapporteurMme Thérèse RENAULT
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsBETROM

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier :

- sous le n° 1606400, d'annuler la décision du 20 septembre 2016 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud l'a placée d'office en retraite pour invalidité et d'enjoindre au préfet de la zone de défense et de sécurité sud de réexaminer sa situation ;

- sous le n° 1700309, d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2017 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud l'a placée d'office en retraite pour invalidité ;

- sous le n° 1701485, d'annuler la décision du 9 mars 2017 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie à compter du 17 décembre 2012 et d'enjoindre à l'Etat de déclarer la pathologie dont elle est atteinte comme étant imputable au service.

Par les jugements nos 1606400, 1700309 et 1701485 du 25 janvier 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.




Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 mars 2019 et 5 juin 2019 sous le
n° 19MA01238, Mme D... C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier nos 1606400, 1700309 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2017 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud l'a placée d'office en retraite pour invalidité ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru lié par l'avis du comité médical et de la commission de réforme ;
- la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors que la commission de réforme s'est réunie 13 octobre 2016 en l'absence des représentants du personnel, empêchés pour raison de force majeure ;
- la décision est illégale dès lors qu'elle ne présente pas une inaptitude définitive et absolue à tous postes sans possibilité de reclassement et que son état de santé est imputable au service.


Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête de Mme C....

Il soutient que la requête est irrecevable et que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.


La demande d'aide juridictionnelle de Mme C... a été rejetée par une décision du
12 juillet 2019.


II. Par une requête enregistrée le 16 mars 2019 sous le n° 19MA01239, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 1701485 du 25 janvier 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 9 mars 2017 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie à compter du 17 décembre 2012 ;

3°) d'enjoindre à l'autorité compétente de déclarer imputable au service la pathologie dont elle est atteinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet de la zone de défense et de sécurité sud s'est cru lié par l'avis de la commission de réforme ;
- la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors que la convocation à la commission de réforme, qui ne l'informait pas de la possibilité de se faire entendre lors de la réunion de la commission n'était pas conforme à l'article 19 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- la décision est illégale en ce qu'elle refuse l'imputabilité au service alors que sa pathologie est en lien direct avec son activité professionnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.


La demande d'aide juridictionnelle de Mme C... a été rejetée par une décision du
12 juillet 2019.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraites ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., gardien de la paix, était affectée à la direction départementale de la sécurité publique de l'Hérault, à Montpellier. A compter du 17 décembre 2012, elle a été placée en arrêt maladie ordinaire puis placée en disponibilité d'office par arrêtés successifs à compter du 17 décembre 2013 jusqu'au 17 mars 2016, et une dernière fois à compter de cette date pour une durée de six mois, avant d'être placée d'office en retraite par voie d'invalidité, par décision du 4 janvier 2017.
2. Mme C... a, en outre, sollicité en mai 2016 la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie à compter du 17 décembre 2012. Par un arrêté du 9 mars 2017, le préfet de la zone de défense et de sécurité sud a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cette maladie.
3. Mme C... relève appel des jugements nos 1606400, 1700309 et 1701485 du 25 janvier 2019, par lesquels le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation du courrier du 20 septembre 2016 et de l'arrêté du 4 janvier 2017 du préfet de la zone de défense et de sécurité sud portant mise à la retraite pour invalidité et, d'autre part, à l'annulation de la décision du 9 mars 2017 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont elle est affectée.
4. Les requêtes d'appel susvisées nos 19MA01238 et 19MA01239 concernent les mêmes parties et présentent à juger des questions connexes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la fin de non-recevoir opposé par le préfet de la zone de défense et de
sécurité sud :

5. Une requête d'appel qui se borne à reproduire intégralement et exclusivement le texte du mémoire de première instance ne satisfait pas aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, en vertu desquelles la requête doit, à peine d'irrecevabilité, contenir l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge et ne peut être régularisée que jusqu'à l'expiration du délai d'appel.
6. Dans sa requête devant la cour administrative d'appel, Mme C... critique la position des premiers juges et développe certains moyens soulevés en première instance. Dans ces conditions, cette requête ne saurait être regardée comme ne satisfaisant pas aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir soulevée par le préfet de la zone de défense et de sécurité sud à l'encontre des conclusions présentées par l'appelante dans l'affaire enregistrée sous le n° 19MA01238 ne peut qu'être écartée.
Sur la légalité de la décision du 4 janvier 2017 :

7. Aux termes de l'article 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa version applicable à l'espèce : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement, ou à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si celle-ci a été prononcée en application de l'article 36 (2°) de l'ordonnance du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application de l'article 36 (3°) de ladite ordonnance. L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° du I de l'article L. 24 du présent code, sous réserve que ses blessures ou maladies aient été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle il acquérait des droits à pension. Par dérogation à l'article L. 16 du même code, cette pension est revalorisée dans les conditions fixées à l'article L. 341-6 du code de la sécurité sociale. ". Aux termes de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Lorsque, à l'expiration de la première période de six mois consécutifs de congé de maladie, un fonctionnaire est inapte à reprendre son service, le comité médical est saisi pour avis de toute demande de prolongation de ce congé dans la limite des six mois restant à courir. Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. Le fonctionnaire qui, à l'expiration de son congé de maladie, refuse sans motif valable lié à son état de santé le ou les postes qui lui sont proposés peut- être licencié après avis de la commission administrative paritaire. ". Et aux termes de l'article 43 du décret du 16 septembre 1985 susvisé relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat et à certaines modalités de mise à disposition et de cessation définitive de fonctions : " La mise en disponibilité ne peut être prononcée d'office qu'à l'expiration des droits statutaires a congés de maladie (...). La durée de la disponibilité prononcée d'office ne peut excéder une année. Elle peut être renouvelée deux fois pour une durée égale. Si le fonctionnaire n'a pu, durant cette période, bénéficier d'un reclassement, il est, à l'expiration de cette durée, soit réintégré dans son administration s'il est physiquement apte à reprendre ses fonctions, soit, en cas d'inaptitude définitive à l'exercice des fonctions, admis à la retraite ou, s'il n'a pas droit à pension, licencié. (...) ".
8. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'autorité administrative ne peut prononcer la mise à la retraite d'office d'un agent sans avoir examiné s'il était inapte totalement et définitivement à l'exercice de toute fonction.
9. Il ressort des écritures en défense produites par le préfet de la zone de défense et de sécurité sud en première instance qu'il s'est considéré tenu de placer à la retraite d'office
Mme C... dès lors qu'à la date de la décision attaquée, elle avait épuisé ses droits à congés de maladie ordinaire, était arrivée au terme de sa troisième année de disponibilité d'office, dont l'échéance était au 17 décembre 2016, et avait été déclarée inapte définitivement à tout emploi et sans possibilité de reclassement par le comité médical interdépartemental dans son avis du 6 septembre 2016 et par la commission de réforme dans son avis du 13 octobre 2016. Toutefois le préfet de la zone de défense et de sécurité sud ne pouvait, sans entacher sa décision d'erreur de droit, s'estimer tenu par l'avis du comité médical interdépartemental et de la commission de réforme sans examiner, notamment au regard des arguments soutenus en ce sens par Mme C..., si cette inaptitude était définitive et si elle impliquait l'impossibilité d'exercer une quelconque fonction au sein de l'administration.
10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés en première instance comme en appel à l'encontre de cette décision, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 janvier 2017. Compte tenu de ce qui précède il appartient au préfet, en tenant compte du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 9 novembre 2018, annulant l'arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité sud du 21 mars 2016 mettant Mme C... en disponibilité d'office pour une période de six mois à compter du 17 mars 2016, de placer l'intéressée dans une situation régulière et réglementaire et de réexaminer la situation de l'intéressée.
Sur la légalité de la décision du 9 mars 2017 :

11. En premier lieu, Mme C... reprend en appel les moyens qu'elle avait invoqués en première instance et tirés de ce que la décision est insuffisamment motivée et de ce que le préfet de la zone de défense et de sécurité sud s'est cru, à tort, lié par l'avis de la commission de réforme, méconnaissant ainsi l'étendue de sa compétence. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 : " (...) La commission de réforme, si elle le juge utile, peut faire comparaître le fonctionnaire intéressé. Celui-ci peut se faire accompagner d'une personne de son choix ou demander qu'une personne de son choix soit entendue par la commission de réforme. L'avis formulé en application du premier alinéa de l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite doit être accompagné de ses motifs. Le secrétariat de la commission de réforme informe le fonctionnaire : - de la date à laquelle la commission de réforme examinera son dossier ; - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de se faire entendre par la commission de réforme, de même que de faire entendre le médecin et la personne de son choix. L'avis de la commission de réforme est communiqué au fonctionnaire sur sa demande ; Le secrétariat de la commission de réforme est informé des décisions qui ne sont pas conformes à l'avis de la commission de réforme. ".

13. Le courrier de convocation de Mme C... à la réunion de la commission de réforme du 9 février 2017 indique " (...) La commission de réforme statuant sur pièces, votre présence n'est pas obligatoire. Vous pouvez cependant y assister si vous le désirez, vous pouvez également vous faire représenter par un médecin ou toute autre personne de votre choix (...) ". Si la formulation de cette convocation ne mentionne pas expressément la possibilité pour l'intéressée de présenter des observations orales, la simple mention de la possibilité d'assister à la réunion de cette commission le supposait implicitement, alors que la mention du caractère non indispensable de sa présence n'avait pas pour effet de l'inciter à ne pas s'y présenter. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.





14. En troisième lieu, Mme C... soutient que la pathologie dont elle souffre, un syndrome anxio-dépressif, est imputable au service, dès lors qu'elle ne présentait, avant d'exercer ses fonctions de gardien de la paix, et plus particulièrement à compter de son changement d'affectation en 2012, aucun antécédent psychiatrique. Elle se prévaut des rapports d'expertise psychiatrique auxquelles elle s'est soumise dans le cadre de ses demandes d'attribution d'un congé de longue maladie et de l'évaluation de son aptitude à réoccuper ses fonctions, lesquelles attribuent son état de santé à des difficultés rencontrées dans sa vie personnelle comme dans son activité professionnelle. Toutefois, il ressort de ces mêmes expertises médicales que ces difficultés sont apparues sur une personnalité névrotique affectée d'une anxiété envahissante et que ces traits de personnalité apparaissaient déjà en 2005, sans présenter néanmoins de caractère de gravité comparable à celui qui a conduit à la déclarer inapte définitivement à toutes fonctions. En outre, Mme C..., en se bornant à mentionner le retrait de son arme de service en décembre 2012 par forçage de son casier, ainsi qu'une relation sentimentale complexe dans le milieu professionnel, et à invoquer une situation de harcèlement sexuel qui n'est étayée par aucun fait, n'établit pas que l'exercice de son activité professionnelle se serait déroulé dans des conditions susceptibles de porter atteinte à sa santé mentale. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qui entacherait la décision contestée doit être écarté.
15. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1701485 du 25 janvier 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les conclusions de sa requête tendant à l'annulation de la décision du 9 mars 2017 et ses conclusions à fin d'injonction.



Sur les frais de l'instance :

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.


D É C I D E :



Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier nos 1606400 et 1700309 du
25 janvier 2019 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions présentées par Mme C... dans l'instance enregistrée par le tribunal sous le n° 1700309.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité sud du 4 janvier 2017 est annulé.

Article 3 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 1 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La requête n° 19MA01239 de Mme C... est rejetée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la zone de défense et de sécurité sud.
Délibéré après l'audience publique du 20 octobre 2020 où siégeaient :

M. Badie, président,
M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique le 3 novembre 2020.




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Nos 19MA01238, 19MA01239