Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 18/11/2020, 427325, Publié au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision18 novembre 2020
Num427325
Juridiction
Formation4ème - 1ère chambres réunies
RapporteurMme Yaël Treille
CommissaireM. Raphaël Chambon
AvocatsSCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Vu la procédure suivante :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement l'Etat et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à lui verser la somme de 411 438 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la maladie professionnelle dont il est atteint. Par un jugement n°s 1405635, 1409312 du 28 avril 2017, le tribunal administratif a condamné l'Etat à lui verser la somme de 89 000 euros au titre de ses préjudices personnels et des préjudices patrimoniaux non réparés forfaitairement par la rente viagère d'invalidité.

Par un arrêt n° 17MA02779 du 20 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. C..., condamné solidairement l'Etat et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à indemniser M. C..., et porté à 134 000 euros le montant de l'indemnité due à l'intéressé.

Par un pourvoi, enregistré le 24 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il le condamne solidairement avec la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. C... en tant qu'il est dirigé contre l'Etat.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... D..., auditrice,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ;




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C..., enseignant au lycée professionnel Léonard de Vinci à Marseille, a contracté une silicose dont l'imputabilité au service a été reconnue. Admis à la retraite pour invalidité ainsi qu'au bénéfice d'une rente viagère d'invalidité, M. C... a recherché la responsabilité solidaire de l'Etat et de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur afin d'obtenir réparation de l'intégralité des préjudices subis. Par un jugement du 28 avril 2017, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat, en sa qualité d'employeur, à verser à M. C... la somme de 89 000 euros en réparation des préjudices non réparés par la rente viagère d'invalidité. Par un arrêt du 20 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. C..., condamné solidairement l'Etat et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur au paiement de l'indemnité complémentaire à verser à M. C... afin d'assurer la réparation intégrale du dommage subi par celui-ci et porté à 134 000 euros le montant de cette indemnité. Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il le condamne solidairement avec la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Par la voie du pourvoi incident, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur demande l'annulation de l'arrêt en tant qu'il la condamne solidairement avec l'Etat à indemniser M. C....

Sur le pourvoi du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse :

2. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.

3. Lorsqu'un fonctionnaire, victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle, impute les préjudices qu'il estime avoir subis non seulement à la collectivité publique qui l'emploie, mais aussi à une autre collectivité publique, notamment en raison du défaut d'entretien normal d'un ouvrage public dont elle a la charge, et qu'il choisit de rechercher simultanément la responsabilité de ces deux collectivités publiques en demandant qu'elles soient solidairement condamnées à réparer l'intégralité de ses préjudices, il appartient au juge administratif, d'une part, de déterminer la réparation à laquelle a droit le fonctionnaire en application des règles exposées au point précédent et de la mettre à la charge de la collectivité employeur et, d'autre part, de mettre à la charge de l'autre collectivité publique, s'il n'a pas été mis à la charge de l'employeur et s'il estime que sa responsabilité est engagée, le complément d'indemnité nécessaire pour permettre la réparation intégrale des préjudices subis.

4. Il incombe également au juge, si la collectivité employeur soutient qu'une partie de la réparation financière mise à sa charge en application des règles exposées au point 2 doit être supportée par l'autre collectivité publique mise en cause, de déterminer si celle-ci doit la garantir et, dans l'affirmative, pour quel montant.

5. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en statuant ainsi qu'il a été dit au point 1 et en condamnant solidairement l'Etat et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à indemniser M. C..., la cour administrative d'appel de Marseille a méconnu son office et que son arrêt doit être annulé.

Sur le pourvoi incident de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

6. L'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille prononcée ci-dessus prive d'objet le pourvoi incident de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.




D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt n° 17MA02779 de la cour administrative d'appel de Marseille du 20 novembre 2018 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi incident de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Article 4 : Les conclusions présentées par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et à M. B... C....

ECLI:FR:CECHR:2020:427325.20201118