CAA de BORDEAUX, , 24/11/2020, 20BX01708, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C..., représentée par Me B..., a demandé le 27 décembre 2016 au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, d'ordonner une expertise relative aux conséquences des accidents de service dont elle a été victime en 1999, 2009 et 2011.
Par une ordonnance n° 1605858 du 7 février 2017, le vice-président du tribunal administratif de Toulouse a transmis la requête au tribunal administratif de la Guyane.
Par une ordonnance n° 1800585 du 9 avril 2020, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 mai 2020, Mme C..., représentée par Me B..., demande au juge des référés de la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1800585 du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane ;
2°) d'ordonner l'expertise sollicitée et de désigner un expert ayant pour mission de :
- prendre connaissance du dossier et de tous documents concernant la pathologie l'affectant, de l'examiner et de décrire les pathologies et douleurs dont elle souffre, en indiquer la nature, le siège et l'importance ;
- donner son avis sur leur caractère invalidant et de gravité, et sur les soins qu'elles rendent nécessaires , d'indiquer les soins, traitements et interventions dont elle a fait l'objet ainsi que les soins, traitements et interventions éventuellement prévisibles ;
- dire si son état de santé a entraîné une incapacité temporaire et en préciser les dates de début et de fin, ainsi que le ou les taux ; d'indiquer à quelle date son état peut être considéré comme consolidé ;
- préciser s'il subsiste une incapacité permanente partielle et, dans l'affirmative, en fixer le taux sur la base du barème des pensions civiles et militaires, dans le cas où cet état ne serait pas encore consolidé, indiquer si dès à présent, une incapacité permanente partielle est prévisible et en évaluer l'importance ;
- dire si son état de santé est susceptible de modification en aggravation ou en amélioration ; dans l'affirmative fournir toutes précisions utiles sur cette évolution, sur son degré de probabilité et dans le cas où un nouvel examen serait nécessaire, mentionner dans quel délai ;
- donner son avis sur l'existence éventuelle de préjudices futurs (assistance par tierce personne, dépenses de santé futures, éventuels frais d'adaptation du logement, incidence professionnelle) et sur l'existence éventuelle de préjudices annexes (souffrances endurées, préjudice d'agrément spécifique, préjudice sexuel, préjudice d'établissement, préjudice moral et trouble dans les conditions d'existence) et le cas échéant en évaluer l'importance, en distinguant la part imputable aux accidents de service de celle ayant pour origine toute autre cause ou pathologie ;
- établir un pré-rapport et de répondre aux observations qui lui seraient adressées par les parties ;
3°) de réserver les dépens.
Elle soutient que :
- le juge des référés du tribunal a commis une erreur de droit en estimant que sa demande ne présentait pas d'utilité : les experts n'ont pas fixé le taux d'incapacité permanente partielle pour chaque accident et des faits nouveaux existent : le docteur Braugé indique à l'occasion de son certificat médical, en date du 28 décembre 2018, qu'il convenait d'attribuer 5 % d'état antérieur à l'accident du travail de 1999 et à l'occasion de son certificat établi le 4 octobre 1999 qu'il existait des possibilités de rechute ;
- dans le cadre du recours indemnitaire qu'elle a introduit il est nécessaire que ces éléments soient fixés ;
- une action en responsabilité fondée sur la jurisprudence Moya Caville ne pourra utilement aboutir que lorsqu'elle aura eu connaissance des conclusions de l'expertise judiciaire spécifiant l'ensemble des préjudices résultant de ses accidents de service et notamment les taux d'incapacité permanente partielle correspondant à chacun de ses trois accidents de service.
Par un mémoire enregistré le 9 juillet 2020, le recteur de l'académie de Guyane conclut au rejet de la requête et à ce que l'ordonnance n° 1800585 soit confirmée.
Il soutient que :
- la lettre du 28 décembre 2018 se limite à indiquer qu'il est possible que l'accident de 2009 soit une rechute de celui de 1999, il ne repose sur aucune donnée médicale et ne se prononce pas sur le taux d'incapacité permanente partielle des accidents dont Mme C... a été victime ;
- Mme C... ne fait état d'aucune circonstance nouvelle et n'allègue pas que les experts auraient omis de se prononcer sur certains points de sa situation.
Le président de la cour a désigné M. Didier Artus, président de chambre, comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., qui exerçait les fonctions de professeure d'éducation physique et sportive de 1980 à 2016, a été victime d'un accident de service le 27 septembre 1999 à Egletons, provoquant une entorse cervicale, et de deux accidents de trajets à Nouméa le 31 mars 2009 et le 8 juillet 2011, le premier provoquant une nouvelle entorse cervicale et le second une fracture du pied droit. Mme C... relève appel de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane rejetant sa demande d'expertise relative aux conséquences des accidents de service dont elle a été victime en 1999, 2009 et 2011.
Sur la demande d'expertise :
2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. ".
3. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher.
4. Il résulte de l'instruction que, premièrement, Mme C... a été victime d'un accident imputable au service le 27 septembre 1999. L'entorse cervicale dont elle a alors souffert a été considérée comme guérie le 4 octobre 1999, sans séquelle et, partant, sans incapacité permanente partielle. Le certificat médical établi le 4 octobre 1999 par le docteur Baugé indiquant que l'entorse cervicale causée par l'accident de 1999 était guérie avec possibilité de rechute ultérieure ne constitue pas un élément nouveau.
5. Deuxièmement, concernant l'accident survenu le 31 mars 2009, un premier rapport d'expertise établi le 7 septembre 2010 par le docteur Lallemand à la demande du vice-rectorat de Nouvelle Calédonie a fixé à 10 % le taux d'incapacité permanente partielle. Le 22 novembre 2010, la commission de réforme a demandé une expertise complémentaire avec examen clinique et chiffrage de l'état antérieur. Un deuxième rapport établi par le docteur Cianfarani le 3 mars 2011 a conclu à l'imputabilité des lésions actuelles à l'accident et à l'absence de lésions antérieures. Le 2 mai 2011, la commission de réforme a rendu un avis contesté par Mme C.... Un troisième rapport établi le 2 mai 2012 par le docteur Bonnet a conclu à l'existence d'un état antérieur à l'accident et a fixé à 20 % le taux d'incapacité permanente partielle, dont 10 % lié à l'état antérieur, et a confirmé la date du 17 juillet 2009 pour la consolidation de son état de santé. Le 25 juin 2012, la commission de réforme a demandé un complément d'expertise médicale réalisé par le docteur Le Bourdiec qui a confirmé, par un quatrième rapport, les conclusions du rapport du docteur Bonnet. Le 17 décembre 2012, la commission de réforme a rendu un avis favorable à un taux d'incapacité permanente partielle imputable à l'accident survenu en 2009 de 5 % et à un taux d'incapacité permanente partielle imputable à un état antérieur de 5 %.
6. Troisièmement, concernant l'accident survenu en 2011, un rapport établi le 26 mai 2014 par le docteur Moulucou a fixé le taux d'allocation temporaire d'invalidité à 3 % et la date de consolidation au 9 décembre 2011.
7. En définitive, un nouveau rapport établi le 30 mai 2016 par le docteur Moulucou a fixé à 5 % le taux d'incapacité permanente partielle imputable à l'accident de 2009 et à 5 % celui imputable à un état antérieur et a fixé à 3 % le taux d'incapacité permanente partielle pour l'accident survenu en 2011.
8. Il résulte de ce qui précède que de nombreuses expertises se sont prononcées sur les taux d'incapacité permanente partielle relatifs aux accidents dont Mme C... a été victime en 1999, 2009 et 2011. Contrairement à ce qu'elle soutient, l'intéressée n'apporte aucun élément nouveau sur ces points. Si l'intéressée produit un certificat médical établi par le docteur Braugé le 28 décembre 2018 indiquant qu'il convient d'attribuer les 5 % d'état antérieur à l'accident survenu en 1999 pour l'accident survenu en 2009, les expertises se sont prononcées sur l'existence d'un état antérieur non consécutif à l'accident de 1999 concernant cet accident de 2009.
9. Par ailleurs, si Mme C... soutient qu'une action indemnitaire ne pourra utilement aboutir que lorsqu'elle aura eu connaissance des conclusions d'une expertise judiciaire spécifiant l'ensemble des préjudices résultant de ses accidents de service, il résulte de l'instruction, notamment des nombreux documents médicaux qu'elle détient et qui relatent notamment, sur ses déclarations, les préjudices personnels et les troubles dans ses conditions d'existence, outre les expertises précitées, que celle-ci dispose d'ores-et-déjà des éléments d'information suffisants pour introduire, si elle s'y croit fondée, une demande indemnitaire devant le juge compétent.
10. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a dénié une utilité à l'expertise sollicitée.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... C... et au ministre de l'éducation nationale. Une copie en sera adressée au recteur de l'académie de Guyane ainsi qu'au recteur de l'académie de Nouvelle-Calédonie.
Fait à Bordeaux, le 24 novembre 2020.
Le juge d'appel des référés,
Didier ARTUS
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
20BX01708