CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 01/12/2020, 19MA04853, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision01 décembre 2020
Num19MA04853
JuridictionMarseille
Formation8ème chambre
PresidentM. BADIE
RapporteurM. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsSTARK

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler la décision du 12 janvier 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de réviser sa pension militaire d'invalidité pour aggravation et infirmités nouvelles.

Par un jugement n° 16/00055 du 31 janvier 2019, le tribunal des pensions de Marseille a annulé partiellement la décision du 12 janvier 2016 et reconnu à compter du 11 octobre 2013, à M. B... un droit à pension pour l'infirmité nouvelle " séquelles d'ostéochondrite de l'astragale de la cheville gauche " imputable à l'infirmité pensionnée " séquelles de traumatisme du genou droit... " au taux de 15 %.

Procédure devant la Cour :

La cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, le recours présenté par la ministre des armées, enregistré au greffe de la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence le 20 mars 2019.



Par ce recours et un mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 13 décembre 2019, la ministre des armées demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal des pensions de Marseille du 31 janvier 2019.

Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard de l'article L. 151-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- l'imputabilité au service de l'infirmité nouvelle " séquelles d'ostéochondrite de l'astragale de la cheville gauche " n'est pas établie.


Par des mémoires en défense, enregistrés respectivement au greffe de la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence le 12 juillet 2019 et au greffe de la Cour, le 10 janvier 2020, M. B..., représenté par Me A..., conclut au rejet du recours et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la ministre des armées ne sont pas fondés.


Par ordonnance du 7 juillet 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 août 2020 à 12 heures.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, notamment l'article 51 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.








Considérant ce qui suit :

1. M. B... a, le 8 octobre 2013, demandé la révision pour aggravation et infirmités nouvelles, de la pension militaire d'invalidité dont il est titulaire au taux de 25 %, pour l'infirmité " séquelles de traumatisme du genou droit. Gonalgies droites permanentes et rebelles, avec amyotrophie de la cuisse de 2,5 cm, augmentation du volume articulaire, déficit en flexion de 30 °. Boiterie ". Le ministre de la défense a rejeté cette demande par une décision du 12 janvier 2016 que l'intéressé a contesté devant le tribunal des pensions de Marseille. Par jugement du 8 juin 2017, le tribunal a prescrit une expertise médicale. La ministre des armées fait appel du jugement du 31 janvier 2019 en tant que, par ce jugement, le tribunal des pensions de Marseille a décidé que M. B... avait un droit à pension pour l'infirmité nouvelle " séquelles d'ostéochondrite de l'astragale de la cheville gauche " imputable à l'infirmité pensionnée " séquelles de traumatisme du genou droit... " dont il a fixé le taux à 15 %. et a annulé dans cette mesure la décision du 12 janvier 2016.


Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 151-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui reprend les dispositions de l'article L. 26 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué. ". Pour reconnaître à M. B... un droit à pension au titre de l'infirmité nouvelle qu'ils ont décrite, comme l'avait fait l'administration dans la décision de rejet du 12 janvier 2016, comme consistant en des " séquelles d'ostéochondrite de l'astragale de la cheville gauche ", les premiers juges ont motivé leur jugement en se référant aux conclusions de l'expert judiciaire. Dans les circonstances de l'espèce, cette description de l'infirmité est suffisamment précise pour faire apparaître la gêne fonctionnelle qui justifient le pourcentage de 15 % attribué.


Sur la révision de la pension :

3. Il résulte des dispositions des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, en vigueur à la date de la demande de pension, que, lorsqu'est demandée la révision d'une pension concédée pour prendre en compte une affection nouvelle que l'on entend rattacher à une infirmité déjà pensionnée, cette demande ne peut être accueillie si n'est pas rapportée la preuve d'une relation non seulement certaine et directe, mais déterminante, entre l'infirmité antécédente et l'origine de l'infirmité nouvelle.

4. Il résulte de l'instruction que l'ostéochondrite de l'astragale de la cheville gauche dont M. B... est atteint et qui a été diagnostiquée à la suite d'une entorse survenue en avril 2012 est une lésion dégénérative qui, selon l'expert désigné par le tribunal des pensions de Marseille, a été constituée progressivement par l'effet mécanique d'une altération des appuis en lien avec l'infirmité pensionnée ayant son siège au genou droit, laquelle a entraîné le déséquilibre et l'asymétrie de la charge. La ministre des armées se prévaut d'une étude du cas de M. B... effectuée par un médecin du service qui s'est lui-même référé à la littérature médicale et qui expose que, de manière générale, la lésion ostéochondrale peut provenir soit d'un grave traumatisme, auquel cas elle peut se révéler dans le délai de dix ans environ, soit de la répétition de microtraumatismes qui provoquent son apparition dans un délai de vingt à trente ans. Elle fait valoir que M. B... a été victime de deux entorses graves de la cheville gauche en novembre 2001 et en avril 2012 et qu'il n'est pas établi que l'intéressé se soit plaint d'une fatigue particulière au niveau de la cheville gauche entre l'accident du 30 octobre 1996 survenu alors que l'intéressé effectuait son service national et qui est la cause de l'infirmité pensionnée trouvant son siège au genou droit et celui de 2001. Ces différents éléments, pour certains essentiellement théoriques, ne contredisent pas utilement les conclusions de l'expert judiciaire qui a examiné M. B... et qui s'est prononcé après avoir pris connaissance détaillée de l'ensemble des pièces du dossier. Dans ces conditions, le caractère certain et déterminant de la relation de causalité qui doit être constaté entre l'infirmité antécédente et l'origine de l'infirmité nouvelle pour que celle-ci ouvre droit à pension doit être regardé comme étant établi.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Marseille a décidé que M. B... avait droit à la révision de sa pension au titre de l'infirmité nouvelle " séquelles d'ostéochondrite de l'astragale de la cheville gauche, dont il a fixé le taux à 15 %, et a annulé dans cette mesure la décision du 12 janvier 2016.


Sur les frais liés au litige :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.







D É C I D E :



Article 1er : Le recours de la ministre des armées est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020, où siégeaient :

M. Badie, président,
M. D..., président assesseur,
M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.
N° 19MA04853 2