CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 01/12/2020, 19MA04856, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler la décision du 27 mars 2013 par laquelle le ministre de la défense a refusé de réviser sa pension militaire d'invalidité pour aggravation.
Par un jugement n° 13/00084 du 24 janvier 2019, le tribunal des pensions de Marseille a annulé cette décision et décidé que M. B... avait droit à la révision de sa pension au titre de l'aggravation de l'infirmité " séquelles de blessure par éclats de grenade " dont il a porté le taux à 50 %.
Procédure devant la Cour :
La cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, le recours présenté par la ministre des armées, enregistré au greffe de la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence le 21 mars 2019.
Par ce recours et un mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 22 septembre 2020, la ministre des armées demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal des pensions de Marseille du 24 janvier 2019.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure non contradictoire dès lors que le tribunal s'est fondé sur une pièce qui n'avait pas été communiquée aux parties ;
- le jugement est insuffisamment motivé au regard de l'article L. 151-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- il n'existe aucun signe clinique d'aggravation de l'infirmité pensionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2020, M. B..., représenté par Me A..., conclut au rejet du recours.
Il soutient que les moyens soulevés par la ministre des armées ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 24 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 octobre 2020 à 12 heures.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 21 juin 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, notamment l'article 51 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 19 mai 1937, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité concédée à titre définitif par arrêté du 7 mai 1965 à compter du 28 mars 1964, au taux de 40 %, pour " séquelles de blessure par éclats de grenade - région thoraco-abdominale gauche - longue cicatrice arciforme portant région mammaire droite à la région sous-ombilicale - cicatrice de très mauvaise qualité avec adhérence -exostoses et déhiscences musculaires - névralgies intercostales très accusées - gêne fonctionnelle de tous les mouvements du tronc ". Il en a demandé la révision pour aggravation le 4 août 2010. Le ministre de la défense a rejeté cette demande par une décision du 27 mars 2013 que l'intéressé a contesté devant le tribunal des pensions de Marseille. Par jugement du 25 juin 2015, le tribunal a prescrit une expertise médicale. La ministre des armées fait appel du jugement du 24 janvier 2019 par lequel le tribunal des pensions de Marseille a annulé la décision du 27 mars 2013 et décidé que M. B... avait droit à la révision de sa pension à compter du 4 août 2010 au titre de l'aggravation de l'infirmité pensionnée, dont il a porté le taux à 50 %.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 731-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " " La procédure devant les juridictions des pensions est régie par les dispositions du présent code, par celles du code de procédure civile auxquelles les dispositions du présent code renvoient expressément et, dans le silence du présent code, par les règles générales de procédure applicables aux juridictions administratives ".
3. Par bordereau d'envoi du 17 mai 2018 reçu au greffe du tribunal des pensions de Marseille le 30 mai suivant, le directeur du service de l'ONACVG à Alger a adressé le rapport médical de l'expert, la prestation de serment ainsi que des " examens complémentaires ", à savoir le compte rendu de l'examen radiologique de M. B... et un certificat médical établi par le docteur Girault le 22 avril 2015. Par lettres du 6 juin 2018, les parties au litige ont été destinataires du rapport qui était joint à leur convocation à l'audience du 11 octobre suivant. Dans la mesure notamment où aucune des parties, dans leurs écritures déposées postérieurement à la communication de ce rapport, ne font référence aux deux pièces médicales précitées, en particulier au certificat rédigé par le docteur Girault, l'allégation de la ministre des armées selon laquelle ce certificat n'a pas été communiqué notamment à l'administration doit être regardée comme établie. En se fondant sur cette pièce sans l'avoir soumise au débat contradictoire, le tribunal des pensions de Marseille a entaché le jugement attaqué d'une irrégularité. Ce jugement doit donc être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal des pensions de Marseille.
Sur les droits à pension de M. B... :
5. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable au litige : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Cette demande est recevable sans condition de délai. La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. (...) ".
6. Il résulte de l'instruction que l'expert désigné par le tribunal des pensions a rapporté les plaintes de M. B... qui lui a fait part de douleurs thoraciques exacerbées lors des mouvements d'abaissement et de redressement du tronc pour ramasser un objet à terre. Il a constaté la présence de deux cicatrices d'intervention thoraco-abdominales dont l'une à gauche, longue de 12 cm, en bon état, et l'autre, à droite, longue de 32 cm mais " propre, stable, non évolutive, rétractile par endroits, adhérente au plan profond, par endroits, sans chéloïdes, sans aucun processus herniaire ". Il n'a pas retrouvé de troubles sensitifs ou de réelle gêne fonctionnelle, les mouvements étant relativement conservés. Il a noté que l'examen radiologique ne révélait pas de séquelles osseuses. Il ressort notamment du compte rendu de l'expertise effectuée au moment de l'instruction de la demande de pension initiale que ces deux cicatrices sont comprises dans l'infirmité déjà pensionnée. La fiche descriptive des infirmités accompagnant l'arrêté de concession mentionne depuis l'origine des névralgies intercostales très accusées et une gêne fonctionnelle de tous les mouvements du tronc. L'expertise réalisée le 23 novembre 1991, dans le cadre d'une précédente demande de révision qui a été rejetée, mentionnait la présence de névralgies importantes. Alors même que l'expert qui, le 4 avril 2011, a examiné M. B... dans le cadre de sa demande de révision de pension a constaté une limitation des mouvements de rotation thoracique et des douleurs à la palpation au niveau de la cicatrice droite avant de proposer de porter le taux de l'infirmité litigieuse à 50 %, et que le docteur Girault a fait état dans son certificat médical du 22 avril 2015 de névralgies intercostales douloureuses, qui entraînent une dyspnée et une gêne fonctionnelle et mentionne une " aggravation de l'état fonctionnel ", ces éléments ne démontrent pas précisément en quoi la gêne fonctionnelle résultant de l'infirmité en litige se serait aggravée par rapport à l'état antérieur, ayant donné lieu au taux de 40% et ne remettent pas sérieusement en cause les conclusions expertales du médecin conseil près le consulat de France à Alger, lequel a conclu, dans son rapport du 11 juin 2018, au maintien de ce taux. Dans ces conditions, c'est à bon droit que la ministre des armées a refusé de procéder à la révision de la pension concédée au requérant.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander la révision pour aggravation de la pension militaire d'invalidité qui lui est servie.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 24 janvier 2019 est annulé.
Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal des pensions de Marseille est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020, où siégeaient :
M. Badie, président,
M. D..., président assesseur,
M. Ury, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.
N° 19MA04856 2