CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 01/12/2020, 19MA05732, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision01 décembre 2020
Num19MA05732
JuridictionMarseille
Formation8ème chambre
PresidentM. BADIE
RapporteurM. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsTOUCAS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler la décision du 29 octobre 2012 par laquelle le ministre de la défense a refusé de réviser sa pension militaire d'invalidité pour infirmités nouvelles et de lui accorder le bénéfice de l'allocation prévue à l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.

Par deux jugements du 7 juillet 2016 et du 26 octobre 2017, le tribunal des pensions de Marseille a ordonné une mesure d'expertise puis un complément d'expertise.

Par un jugement n° 13/00054 du 8 août 2019, le tribunal des pensions de Marseille a annulé la décision du 29 octobre 2012 et décidé que M. C... avait droit, d'une part, à la révision de sa pension au titre des infirmités séquelles de fracture bi-malléolaire de la cheville gauche (20 %), pneumopathie chronique obstructive (65 %), cardiopathie ischémique (30 %), troubles psychiques avec anxiété notable (15 %), cervicalgies (20 %), lombalgies (15 %), céphalées et vertiges (15 %) et psoriasis du cuir chevelu (15 %), d'autre part, au bénéfice de l'allocation prévue à l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.



Procédure devant la Cour :

La cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, le recours présenté par la ministre des armées, enregistré au greffe de la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence le 14 octobre 2019.

Par ce recours et des mémoires, enregistrés au greffe de la Cour le 21 septembre 2020 et le 10 novembre 2020, la ministre des armées demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal des pensions de Marseille du 8 août 2019 et, à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise.

Elle soutient que :
- le recours a été introduit dans le délai d'appel ;
- le tribunal des pensions a entaché son jugement d'irrégularité au regard de l'article R. 731-7 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et de l'article R. 741-2 du code de justice administrative en omettant de communiquer lui-même et de viser la note en délibéré qui lui avait été adressée ;
- M. C... n'était plus recevable, après l'expiration du délai de recours, à contester le taux d'invalidité des infirmités nouvelles en litige et le rejet de la demande portant sur l'allocation prévue à l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- les dispositions de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre font obstacle à ce que soit étudiée l'imputabilité au service des infirmités nouvelles évaluées à un taux inférieur à 10 % ou qui sont inexistantes ;
- les deux expertises effectuées en première instance ne peuvent être prises en compte dès lors qu'elles se contredisent et que l'expert n'a pas rempli sa mission, outre qu'il a fait preuve de partialité ;
- le jugement est inexécutable en ce qu'il reconnaît à l'intimé un droit à la révision de sa pension au titre des infirmités nouvelles séquelles de fracture bi-malléolaire de la cheville gauche et pneumopathie chronique obstructive alors qu'une pension a été concédée à l'intéressé au titre de ces deux infirmités par arrêté du 2 avril 2012 ;
- les infirmités cardiopathie ischémique, troubles psychiques avec anxiété notable et cervicalgies ne sont pas en relation certaine, directe et déterminante avec les infirmités pensionnées ;
- M. C... n'a pas droit à la majoration prévue à l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, faute de justifier de la présence constante et indispensable d'une tierce personne et de ce que cette assistance résulte d'une ou plusieurs infirmités pensionnées.


Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 mars 2020, le 26 octobre 2020 et le 13 novembre 2020, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) de rejeter le recours de la ministre des armées ;


2°) par la voie de l'appel incident :
- d'annuler le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 8 août 2019 en tant que celui-ci lui a reconnu un droit à pension pour l'infirmité céphalées et vertiges (15 %) ;
- de lui accorder droit à pension pour les infirmités céphalées et vertiges au taux chacune de 15 % ;

3°) de rectifier, en tant que de besoin, l'erreur matérielle par laquelle le tribunal des pensions a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au lieu d'une somme de 2 400 euros.

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- l'appel de la ministre est tardif et, par suite, irrecevable ;
- les moyens soulevés par la ministre des armées ne sont pas fondés ;
- les infirmités céphalées et vertiges doivent être pensionnées au taux chacune de 15 %.


M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 juin 2020.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, notamment l'article 51 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant M. C....







Considérant ce qui suit :

1. M. C... a accompli ses obligations militaires du 1er juin 1983 au 1er juin 1984. Engagé pour cinq ans dans la Légion étrangère à compter du 27 août 1984, il a vu son contrat dénoncé à compter du 23 août 1985 pour raisons médicales. Alors titulaire d'une pension militaire d'invalidité au titre des infirmités séquelles d'une fracture bi-malléolaire de la cheville gauche et de la pneumopathie chronique obstructive, imputables pour l'une, par présomption, à son service national, et pour l'autre, par preuve, à son engagement dans la Légion étrangère, il en a demandé la révision pour infirmités nouvelles le 23 août 2006. Il a ultérieurement demandé, le 22 juillet 2009, à bénéficier de l'allocation prévue à l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Par une décision du 29 octobre 2012, le ministre de la défense a rejeté ces demandes. La ministre des armées fait appel du jugement du 8 août 2019 par lequel le tribunal des pensions de Marseille a annulé sa décision du 29 octobre 2012 et décidé que M. C... avait droit, d'une part, à la révision de sa pension au titre des infirmités séquelles de fracture bi-malléolaire de la cheville gauche (20 %), pneumopathie chronique obstructive (65 %), cardiopathie ischémique (30 %), troubles psychiques avec anxiété notable (15 %), cervicalgies (20 %), lombalgies (15 %), céphalées et vertiges (15 %) et psoriasis du cuir chevelu (15 %), d'autre part, au bénéfice de l'allocation prévue à l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.

Sur les conclusions de M. C... à fin de rectification pour erreur matérielle :

2. M. C... demande à la Cour de rectifier, en tant que de besoin, l'erreur matérielle par laquelle le tribunal des pensions a, par le jugement du 8 août 2019, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au lieu d'une somme de 2 400 euros, comme l'indiquait les motifs du jugement. Ces conclusions sont devenues sans objet dès lors que l'erreur matérielle dont s'agit a été rectifiée par ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Marseille du 11 mai 2020, devenue définitive. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.

Sur la recevabilité de l'appel de la ministre des armées :

3. Aux termes de l'article R. 732-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à cet aspect du litige : " L'appel devant la cour régionale des pensions doit être motivé. (...) L'appel est introduit par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception, adressé au greffier de la cour dans les deux mois de la notification de la décision ou est déposé, dans le même délai, au greffe de la cour d'appel. L'autorité qui a fait appel au nom de l'Etat doit notifier, sous la même forme, son appel à l'intimé. ".

4. Il résulte de l'instruction que le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 8 août 2019 a été notifié à la ministre des armées le 12 août 2019, dont le recours exercé à l'encontre de ce jugement a été enregistré au greffe de la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence le lundi 14 octobre 2019. M. C... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le recours de la ministre serait irrecevable pour tardiveté.


Sur la régularité du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article R. 731-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La procédure devant les juridictions des pensions est régie par les dispositions du présent code, par celles du code de procédure civile auxquelles les dispositions du présent code renvoient expressément et, dans le silence du présent code, par les règles générales de procédure applicables aux juridictions administratives ".

6. Les tribunaux des pensions étaient tenus de faire application, comme toute juridiction administrative, des règles générales relatives à toutes les productions postérieures à la clôture de l'instruction. S'il leur appartenait, dans tous les cas, de prendre connaissance des notes en délibéré et de les viser, ils n'avaient l'obligation d'en tenir compte que si ces documents contenaient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoquait n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et qu'ils n'auraient pu ignorer sans fonder leur décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou qu'ils auraient dû relever d'office. Dans cette hypothèse, ils devaient soumettre ces notes en délibéré au débat contradictoire en renvoyant l'affaire à une audience ultérieure.

7. Il résulte de l'instruction que, postérieurement à l'audience tenue le 9 mai 2019, par un courriel du 26 juin 2019, confirmé par un courrier reçu au greffe du tribunal des pensions de Marseille le 2 juillet 2019, la ministre des armées a présenté une note en délibéré. En réponse, la présidente du tribunal lui a fait savoir qu'en raison de la tardiveté de cette transmission, le greffe ne pouvait communiquer cette note au conseil de M. C... et a invité l'administration à procéder elle-même à cette communication, ce qui a été fait le 27 juin suivant. Le conseil de M. C... a lui-même présenté une note en délibéré reçue par la ministre le 9 juillet 2019. Il résulte du principe général rappelé au point 6 que la ministre des armées est fondée à soutenir que le jugement du 8 août 2019 est irrégulier en ce qu'il ne vise pas la note en délibéré qu'elle avait présentée, ainsi d'ailleurs que celle présentée pour M. C.... Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.

8. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal des pensions de Marseille.

Sur les droits à pension de M. C... :

En ce qui concerne les infirmités nouvelles :

9. En premier lieu, M. C... a contesté, dans sa requête enregistrée le 4 avril 2013, le rejet de sa demande de révision pour les infirmités nouvelles litigieuses qu'il estime être en relation avec les deux infirmités déjà pensionnées, à savoir les séquelles de fracture bi-malléolaire de la cheville gauche et la pneumopathie chronique obstructive. Ultérieurement, dans son mémoire enregistré le 19 juin 2015, il a contesté expressément le taux d'invalidité de ces infirmités nouvelles retenu par l'administration. Un tel moyen, qui ne relève pas d'une cause juridique distincte de celle invoquée dans la requête initiale, est recevable. Par voie de conséquence, la ministre ne peut utilement soutenir que les dispositions de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre font obstacle à ce que soit étudiée l'imputabilité au service des infirmités nouvelles qui ont été évaluées par l'administration à un taux inférieur à 10 % ou qu'elle a estimées inexistantes.

10. En deuxième lieu, par son jugement du 7 juillet 2016, le tribunal des pensions de Marseille a ordonné une mesure d'expertise. Si l'expert, aux termes de son premier rapport, a estimé que les infirmités ne présentaient aucun lien avec le service national effectué par M. C... et sa période d'engagement dans la Légion étrangère, il n'avait pas étudié l'hypothèse d'une relation entre ces infirmités et les infirmités déjà pensionnées. En outre, l'avocat de M. C..., qui n'avait pas eu communication de son prérapport, n'avait pas été en mesure de présenter des observations sur ce point. Par son jugement avant-dire-droit du 26 octobre 2017, le tribunal des pensions de Marseille a ordonné un complément d'expertise afin de purger cette irrégularité. C'est donc sans se contredire et sans faire preuve de partialité que l'expert a exprimé un avis différent, à la suite du complément d'expertise effectué en application de ce jugement, lequel ne lui imposait pas d'examiner personnellement M. C.... Dès lors, la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que les opérations d'expertise ont été irrégulières.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable au litige : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...) ". L'article L. 3 du même code dispose : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". Il résulte par ailleurs de ces dispositions que, lorsqu'est demandée la révision d'une pension concédée pour prendre en compte une affection nouvelle que l'on entend rattacher à une infirmité déjà pensionnée, cette demande ne peut être accueillie si n'est pas rapportée la preuve d'une relation non seulement certaine et directe, mais déterminante, entre l'infirmité antécédente et l'origine de l'infirmité nouvelle.

12. D'une part, il résulte de l'instruction que M. C... reçoit des soins depuis novembre 2002 pour des cervicalgies, des lombalgies et les céphalées et vertiges associés à ces pathologies. Des examens réalisés en 2002 et 2004 ont révélé la présence d'un tassement vertébral ancien de L3. M. C... rattache ce tassement à l'accident dont il a été victime au cours de son service national le 5 octobre 1983, alors que, par suite d'une collision avec un autre militaire effectuant comme lui un saut en parachute, la réception au sol avait été brutale. Toutefois, aucune lésion n'a fait l'objet à ce niveau d'une constatation officielle médicale et administrative contemporaine de cet accident. L'intéressé ne s'en est pas davantage plaint auprès d'un médecin quelconque. Sa condition physique a été jugée suffisante pour qu'il puisse s'engager dans la Légion étrangère le 27 août 1984, l'évaluation de son état " SIGYCOP " effectué à trois reprises ayant donné le meilleur score de 1 pour les membres supérieurs et inférieurs. Dans ces conditions, il n'établit pas l'existence d'une relation directe et déterminante entre cet accident et les cervicalgies, les lombalgies, les céphalées et les vertiges dont il souffre. Ne remplissant par ailleurs aucune des conditions fixées à l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, il ne peut bénéficier du régime de la présomption d'origine prévu par cet article.

13. D'autre part, à l'appui de sa demande de révision de pension, M. C... a présenté un certificat médical daté du 23 mai 2006 estimant que son état cardio-vasculaire est aggravé par sa sédentarité. Dans les deux rapports qu'il a remis au tribunal des pensions, l'expert a constaté que l'intéressé était suivi depuis 1998 pour une pathologie cardio-pulmonaire, que pour déterminer l'origine ou l'aggravation de celle-ci, certains facteurs de risque pouvaient être éliminés, tels que l'obésité, l'éthylisme, le tabagisme et l'hypertension artérielle et que, en fin de compte, la cardiopathie ischémique dont M. C... est atteint a pu, d'une part, être favorisée ou aggravée par une dyslipidémie et la sédentarité, résultant elle-même de l'infirmité pensionnée séquelles de fracture bi-malléolaire de la cheville gauche, d'autre part, être aggravée par l'autre infirmité pensionnée pneumopathie chronique obstructive. Ni ces expertises, ni aucun autre document médical n'établissent par là même que la cardiopathie ischémique dont souffre M. C... a pour origine certaine, directe et déterminante l'une des infirmités pensionnées. Il en va de même du psoriasis de la face et du cuir chevelu dont ce dernier est atteint, qui, selon l'expert, s'explique par des facteurs génétiques, environnementaux et immunitaires et qui a seulement pu se révéler à l'occasion d'un accès de stress. Enfin, M. C... ne conteste plus le rejet de sa demande de pension pour le kyste épidermique fessier dont il souffrait.

14. Cependant, M. C... entend également rattacher aux deux infirmités pensionnées les troubles psychiques avec anxiété notable dont il souffre depuis au moins 1997. L'expert a estimé que les séquelles de fracture bi-malléolaire de la cheville gauche et la pneumopathie chronique obstructive pour lesquelles l'intéressé est pensionné constituent une polypathologie qui prive ce dernier de son autonomie et de la possibilité d'exercer une activité professionnelle. Il a estimé ces troubles au taux de 15 %. Si la ministre fait état de l'hospitalisation en urgence, en 2003, de M. C... à l'occasion de laquelle le diagnostic de psychose a été posé, aucune autre pièce médicale ou autre n'a réitéré ce diagnostic, les certificats médicaux produits mentionnant tous un état anxio-dépressif. Il ne résulte pas de l'instruction que l'état de dépendance de M. C... soit dû à des difficultés motrices résultant d'autres infirmités que celles pour lesquelles il est déjà pensionné. Par suite, les troubles psychiques avec anxiété notable dont le taux doit être fixé à 15 % et qui sont en relation certaine, directe et déterminante avec les infirmités pensionnées doivent également être réparés en application de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.

En ce qui concerne l'allocation prévue à l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre :

15. Aux termes de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les invalides que leurs infirmités rendent incapables de se mouvoir, de se conduire ou d'accomplir les actes essentiels à la vie ont droit à l'hospitalisation s'ils la réclament (...). S'ils ne reçoivent pas ou s'ils cessent de recevoir cette hospitalisation et si, vivant chez eux, ils sont obligés de recourir d'une manière constante aux soins d'une tierce personne, ils ont droit, à titre d'allocation spéciale, à une majoration égale au quart de la pension (...) ". Cette disposition ne peut être interprétée comme exigeant que l'aide d'un tiers soit nécessaire à l'accomplissement de la totalité des actes nécessaires à la vie. Elle impose toutefois que l'aide d'une tierce personne soit indispensable ou bien pour l'accomplissement d'actes nombreux se répartissant tout au long de la journée, ou bien pour faire face à des manifestations imprévisibles des infirmités dont le pensionné est atteint, soit à des soins dont l'accomplissement ne peut être subordonné à un horaire préétabli, et dont l'absence mettrait sérieusement en danger l'intégrité physique ou la vie de l'intéressé.

16. Il ressort notamment du rapport de l'expert judiciaire, d'une part, que les séquelles de fracture bi-malléolaire de la cheville gauche dont M. C... est atteint sont responsables d'une boiterie à la marche et de l'impossibilité de s'accroupir et qu'elles rendent nécessaire l'utilisation d'un fauteuil roulant, d'autre part, que sa pneumopathie chronique obstructive se traduit par une incapacité respiratoire sévère et une dyspnée au moindre effort. L'expert a estimé par ailleurs que l'état de santé de M. C... nécessite une aide humaine non médicale de deux heures par jour pour être accompagné chez des intervenants médicaux, pour les courses, pour l'entretien de la maison, pour l'aide à la toilette et aux transferts du fauteuil au lit et au canapé ainsi que pour la préparation des médicaments. Il ne résulte pour autant pas de ces constatations que l'intéressé serait obligé, de manière constante ou périodique, tout au long de la journée de recourir à l'assistance d'une tierce personne pour accomplir des actes essentiels à la vie. Cette assistance ne s'impose pas davantage pour faire face soit à la manifestation imprévisible de l'une des infirmités pensionnées soit à des soins dont l'accomplissement ne peut être subordonné à un horaire préétabli. Par suite, M. C... ne justifie pas que les conditions posées par l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre sont réunies.

17. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre des armées aux conclusions relatives à l'allocation prévue à l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que la ministre des armées a refusé de réviser la pension militaire d'invalidité qui lui est servie pour prendre en considération l'infirmité nouvelle troubles psychiques avec anxiété notable au taux de 15 %.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

18. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocat de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me B... de la somme de 2 000 euros.

D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. C... à fin de rectification pour erreur matérielle.
Article 2 : Le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 8 août 2019 est annulé.
Article 3 : La décision de la ministre des armées du 29 octobre 2012 est annulée en tant qu'elle refuse d'accorder à M. C... un droit à pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " troubles psychiques avec anxiété notable ".
Article 4 : M. C... a droit, à compter du 23 août 2006, à une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " troubles psychiques avec anxiété notable ", au taux de 15 %.
Article 5 : L'Etat versera à Me B... une somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 6 : Le surplus des conclusions du recours de la ministre des armées et de la demande de M. C... devant le tribunal des pensions de Marseille est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me B... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020, où siégeaient :

- M. Badie, président,
- M. D..., président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.
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