Conseil d'État, 7ème chambre, 29/12/2020, 434613, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision29 décembre 2020
Num434613
Juridiction
Formation7ème chambre
RapporteurM. Didier Ribes
CommissaireM. Marc Pichon de Vendeuil
AvocatsSCP ROUSSEAU, TAPIE

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat, d'une part, à lui verser la somme de 34 837,44 euros en réparation de ses préjudices matériel et moral résultant du refus du ministre de la défense de faire droit à sa demande tendant à ce que sa pension de retraite soit révisée afin d'être calculée sur la base de l'échelon exceptionnel du grade de major et, d'autre part, à lui rembourser la somme correspondant aux honoraires qu'il a d'ores et déjà versés à son conseil pour le représenter. Par un jugement n° 1603545 du 15 mai 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18NT02667 du 19 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 septembre et 16 décembre 2019 et le 23 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.





Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le décret n° 2011-1234 du 4 octobre 2011 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. B... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., titulaire du grade de major dans l'armée de terre, a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er décembre 2011. Sa pension de retraite a été liquidée à cette date sur la base des émoluments afférents au 5ème échelon du grade de major. Par décision du 13 février 2012, l'intéressé a été admis au bénéfice de l'échelon exceptionnel de ce grade avec effet rétroactif au 1er mars 2011. Par une décision du 9 mai 2012, le ministre de la défense a rejeté la demande de M. B... tendant à ce que sa pension de retraite soit révisée afin d'être calculée sur la base de l'échelon exceptionnel du grade de major. Par un jugement du 10 juin 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de cette décision. Par un second jugement, en date du 15 mai 2018, le même tribunal a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 34 837,44 euros en réparation des préjudices moral et financier qu'il estime avoir subis du fait des conséquences sur le montant de sa pension de retraite du retard avec lequel a été prise la décision lui attribuant l'échelon exceptionnel de son grade et à lui rembourser la somme correspondant aux honoraires qu'il a d'ores et déjà versés à son conseil pour le représenter. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 juillet 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel à l'encontre de ce jugement.

2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " (...) le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) / 7° Sur les litiges en matière de pensions ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les actions indemnitaires relevant d'un litige en matière de pensions, quel que soit le montant des indemnités demandées.

3. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. B... introduite devant la cour administrative d'appel de Nantes, tendant à l'annulation du jugement du 15 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande indemnitaire dans le cadre du litige l'opposant au ministère des armées à propos de la révision de sa pension de retraite, avait le caractère d'un pourvoi en cassation relevant de la compétence du Conseil d'Etat. Par suite, en statuant sur ce pourvoi, la cour administrative d'appel de Bordeaux a méconnu les règles régissant sa compétence. Dès lors et sans qu'il besoin d'examiner les moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé.

4. Il appartient au Conseil d'Etat de statuer, en tant que juge de cassation, sur le pourvoi formé par M. B... contre le jugement du 15 mai 2018 du tribunal administratif de Nantes, en examinant les moyens soulevés par le requérant dans le dernier état de ses écritures devant le Conseil d'Etat.

5. En premier lieu, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Nantes aurait entaché son jugement d'une insuffisance de motivation faute d'avoir répondu au moyen tiré de ce que l'administration aurait omis de rectifier d'elle-même sa situation manque en fait.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " (...) la pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de l'administration ou sur demande de l'intéressé que dans les conditions suivantes : / A tout moment en cas d'erreur matérielle ; / Dans un délai d'un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d'erreur de droit. / (...) ". Cette dernière disposition permet notamment, dans le délai d'un an, de redresser toute erreur de droit concernant la détermination de la situation administrative du fonctionnaire retraité au jour de son admission à la retraite et ayant eu une influence sur la liquidation de sa pension. Il appartient ainsi à l'autorité chargée de cette liquidation de vérifier, sous le contrôle du juge, l'existence et la portée des erreurs alléguées. Hors les cas prévus par ces dispositions de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les intéressés ne peuvent se prévaloir de droits acquis qu'ils tiendraient d'actes intervenus postérieurement à la date de leur admission à la retraite et modifiant rétroactivement leur situation administrative à cette date, sauf s'il s'agit d'actes pris en exécution d'une loi, d'un règlement ayant légalement un effet rétroactif ou d'une décision du juge de l'excès de pouvoir. Il en va de même lorsque l'intéressé a formé un recours pour excès de pouvoir, recevable, contre un acte illégal de l'administration régissant sa situation administrative et qu'avant qu'il n'y soit statué, l'administration procède légalement à son retrait en vue de corriger cette illégalité.

7. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le décret du 4 octobre 2011 modifiant plusieurs décrets fixant les indices de solde applicables à certains militaires non-officiers a rétroactivement augmenté le pourcentage de l'effectif de majors pouvant se voir attribuer l'échelon exceptionnel au titre d'une année donnée. Faisant usage de cette faculté qui lui était donnée, l'administration a décidé, le 13 février 2012, d'attribuer cet échelon exceptionnel à M. B... et d'accorder à celui-ci la revalorisation correspondante de sa solde avec effet rétroactif au 1er mars 2011. Toutefois, l'administration n'était pas légalement tenue de conférer au requérant cet avantage, dès lors qu'elle disposait d'un pouvoir discrétionnaire pour procéder à un tel avancement d'échelon. Dans ces conditions, l'attribution au choix de l'échelon exceptionnel au requérant, postérieurement à sa radiation des cadres, ne saurait être regardée comme résultant directement de l'exécution rétroactive d'un règlement. Par suite, le tribunal administratif de Nantes n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier en jugeant que M. B... ne pouvait pas bénéficier d'une révision de sa pension de retraite dès lors que la modification de l'indice de référence de l'intéressé résultant de son avancement d'échelon ne correspondait à aucun des cas de révision mentionnés au point 6 de la présente décision.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 19 juillet 2019 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : Le pourvoi de M. B... dirigé contre le jugement du 15 mai 2018 du tribunal administratif de Nantes est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la ministre des armées.

ECLI:FR:CECHS:2020:434613.20201229