CAA de MARSEILLE, 9ème chambre, 19/01/2021, 19MA01083, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision19 janvier 2021
Num19MA01083
JuridictionMarseille
Formation9ème chambre
PresidentM. CHAZAN
RapporteurMme Marie-Claude CARASSIC
CommissaireM. ROUX
AvocatsMUNOZ

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier avant dire droit d'ordonner une expertise, d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2016 par lequel le président du conseil départemental de l'Aude l'a mise à la retraite pour invalidité à compter du 16 juin 2016, ensemble la décision du 2 mai 2017 de rejet de son recours gracieux tendant au retrait de cette décision et d'enjoindre au département de l'Aude de reconstituer sa carrière et de réexaminer sa situation statutaire après l'expertise médicale ordonnée.

Par jugement n° 1703459 du 26 décembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a, par l'article 1er du jugement, annulé cet arrêté du 22 décembre 2016 en tant seulement qu'il admet Mme D... à la retraite pour invalidité à une date antérieure à sa notification et, par son article 2, a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 mars 2019, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) avant dire droit, d'ordonner une expertise afin notamment de déterminer si son état de santé lui permettait de poursuivre ses précédentes fonctions ou d'autres fonctions qu'elle aurait vocation à exercer ;

2°) à titre principal, d'annuler l'article 2 du jugement du 26 décembre 2018 du tribunal administratif de Montpellier, d'annuler dans sa totalité l'arrêté du 22 décembre 2016 du président du conseil départemental de l'Aude, ensemble sa décision du 2 mai 2017 et d'enjoindre au département de l'Aude de reconstituer sa carrière et de réétudier sa situation, après expertise médicale, pour qu'elle soit maintenue en activité sur un poste de reclassement, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de confirmer le jugement attaqué en tant qu'il a annulé partiellement l'arrêté du 22 décembre 2016 et d'enjoindre au département de l'Aude de reconstituer sa carrière, ses droits sociaux et sa pension de retraite ;

3°) de mettre à la charge du département de l'Aude la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les frais d'expertise.

Elle soutient que :
- la Cour ordonnera par avant dire droit, sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, une expertise qui sera utile compte-tenu de son aptitude résiduelle et des contradictions entre les différents avis médicaux sur cette aptitude ;
- la décision en litige du 22 décembre 2016 est insuffisamment motivée en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la composition de la commission de réforme est irrégulière au regard des exigences de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 en l'absence de la présence physique d'un médecin spécialiste de son affection, ce qui l'a privée d'une garantie ;
- il n'est pas établi que le secrétariat de la commission de réforme ait informé le médecin du service de prévention en application de l'article 15 de l'arrêté du 4 août 2004, ce qui l'a privée d'une garantie ;
- l'administration a failli à son obligation de reclassement, dès lors qu'elle n'était pas inapte à l'exercice de toute fonction administrative ;
- les premiers juges ont estimé à bon droit que l'arrêté litigieux était entaché d'une rétroactivité illégale.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 septembre 2019, le département de l'Aude, représenté par la SELARL d'avocats Jean-Pierre et Walgenwitz avocats et associés, conclut à l'annulation de l'article 1er du jugement, au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 relative au reclassement des fonctionnaires territoriaux reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, notamment son article 1er ;
- le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., adjoint technique titulaire de 2ème classe du département de l'Aude exerçant des fonctions d'agent d'entretien, a été victime le 6 décembre 2012 d'un accident domestique qui lui a occasionné une luxation du coude droit. Ses périodes successives de congé de maladie et d'exercice de ses fonctions à mi-temps thérapeutique ont donné lieu à un avis du 16 décembre 2015 du comité médical départemental, confirmé par le comité médical supérieur le 11 mai 2016. Après avis de la commission de réforme réunie le 15 juin 2016, qui a estimé que Mme D... était définitivement inapte à l'exercice de toutes fonctions, le conseil départemental de l'Aude, par l'arrêté en litige du 22 décembre 2016, a admis la requérante à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 16 juin 2016, date fixée par la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) pour sa radiation des cadres pour invalidité. Par courrier du 1er mars 2017, Mme D... a formé auprès de l'administration un recours gracieux tendant au retrait de cet arrêté, lequel a été rejeté par décision du 2 mai 2017 du président du conseil départemental de l'Aude. Saisi par Mme D..., le tribunal administratif de Montpellier, par le jugement attaqué, a, par l'article 1er du jugement, annulé cet arrêté du 22 décembre 2016 en tant seulement qu'il admet Mme D... à la retraite pour invalidité à une date antérieure à sa notification et, par son article 2, rejeté le surplus des conclusions des parties. Mme D... relève appel de l'article 2 de ce jugement. Le département de l'Aude, par la voie de l'appel incident, relève appel de l'article 1er de ce jugement.

Sur l'appel principal de Mme D... :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) - retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". La décision qui, comme en l'espèce, constate l'inaptitude définitive et absolue d'un agent et indique qu'il sera mis à la retraite pour invalidité mettant ainsi fin avant son terme normal à sa carrière, est au nombre de celles qui doivent être motivées en application des dispositions précitées.

3. L'arrêté litigieux du 22 décembre 2016, qui admet l'intéressée à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité, vise les textes sur lesquels il se fonde ainsi que le procès-verbal de la commission de réforme en date du 15 juin 2016. Il est ainsi suffisamment motivé en droit, alors même qu'il ne vise ni l'article 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ni les avis du comité médical départemental, ni l'avis du comité médical supérieur rendus dans le cadre de la procédure distincte du prolongement des congés de maladie de la requérante avant son admission à la retraite pour invalidité. Cet arrêté indique également que Mme D... a épuisé ses droits à congé de maladie et qu'elle est reconnue définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions et fait ainsi état de sa situation particulière. Par suite, cet arrêté comporte aussi les considérations de fait sur lesquelles il se fonde et est donc suffisamment motivé, contrairement à ce que soutient la requérante.


4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ". En application des dispositions de l'article 3 du même arrêté, la commission de réforme comprend : " 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes (...) ". Il résulte de ces dispositions que, dans les cas où il est manifeste, au vu des éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par un agent est nécessaire pour éclairer l'examen de son cas, l'absence d'un tel spécialiste doit être regardée comme privant l'intéressé d'une garantie et comme entachant la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision attaquée.


5. Il est constant que la commission de réforme des agents de la fonction publique territoriale de l'Aude, réunie le 15 juin 2016 pour examiner l'admission de la requérante à la retraite pour invalidité, comprenait deux médecins généralistes mais pas de médecin spécialiste en rhumatologie, pathologie invoquée par la requérante. Toutefois, en se bornant à soutenir que seul le rapport médical établi le 30 juin 2015 par le docteur H. Sentenac-Mourou, médecin généraliste agréé saisi par la commission de réforme pour avis, aurait été soumis à l'avis de cette commission au motif qu'il est le seul à être visé dans le procès-verbal de cette séance, la requérante ne conteste pas utilement les affirmations du département selon lesquelles la commission de réforme disposait des six rapports médicaux successivement établis depuis septembre 2013 par différents médecins agréés sur l'état de santé de Mme D..., dont l'un établi le 21 juillet 2014 par un médecin rhumatologue. Dans ces conditions, il n'est pas manifeste que la présence d'un médecin spécialiste ait été nécessaire pour éclairer la commission de réforme sur le cas de Mme D.... Par suite, le moyen tiré de ce que l'absence d'un tel spécialiste aurait privé la requérante d'une garantie et aurait entaché la procédure suivie devant la commission d'une irrégularité doit être écarté.


6. En troisième lieu, aux termes de l'article 15 de l'arrêté du 4 août 2004 : " Le secrétariat de la commission informe le médecin du service de médecine professionnelle et préventive, pour la fonction publique territoriale, le médecin du travail, pour la fonction publique hospitalière, compétent à l'égard du service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis à la commission. (...). Ces médecins peuvent obtenir, s'ils le demandent, communication du dossier de l'intéressé. Ils peuvent présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion de la commission. Ils remettent obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus au premier alinéa des articles 21 et 23 ci-dessous. ".



7. La requérante, en se bornant à soutenir qu'il n'est pas établi que le médecin de prévention aurait été informé du passage de Mme D... devant cette commission le 15 juin 2016, n'établit pas que ce médecin n'en aurait pas été informé, alors qu'il ressort d'une attestation du chef du service gestion administrative du département de l'Aude datée du 19 mars 2018 que ce médecin a été informé de l'examen, lors de cette séance de la commission de réforme, du dossier de mise à la retraite pour invalidité de Mme D..., qui n'apporte aucun élément de nature à prouver le contraire. Ce médecin de prévention pouvait ainsi obtenir communication de son dossier et présenter des observations ou assister à la réunion de cette commission. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière pour ce motif doit être écarté.

8. En quatrième lieu, l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale prévoit que les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi ou corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes et que le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. Aux termes de l'article 2 du décret du 30 septembre 1985 : " Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas d'exercer des fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'autorité territoriale ou le président du centre national de la fonction publique territoriale ou le président du centre de gestion, après avis du comité médical, invite l'intéressé soit à présenter une demande de détachement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois, soit à demander le bénéfice des modalités de reclassement prévues à l'article 82 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984. " . Aux termes de l'article 1er du décret du 30 septembre 1985: "Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial ne lui permet plus d'exercer normalement ses fonctions et que les nécessités du service ne permettent pas d'aménager ses conditions de travail, le fonctionnaire peut être affecté dans un autre emploi de son grade (...). ". Il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve, de manière définitive, atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il incombe à l'employeur public, avant de pouvoir prononcer son placement d'office en retraite pour invalidité, de chercher à reclasser l'intéressé dans un autre emploi. La mise en oeuvre de ce principe implique que, sauf si l'agent manifeste expressément sa volonté non équivoque de ne pas reprendre une activité professionnelle, l'employeur propose à ce dernier un emploi compatible avec son état de santé et aussi équivalent que possible avec l'emploi précédemment occupé ou, à défaut d'un tel emploi, tout autre emploi si l'intéressé l'accepte. Ce n'est que lorsque ce reclassement est impossible, soit qu'il n'existe aucun emploi vacant pouvant être proposé à l'intéressé, soit que l'intéressé est déclaré inapte à l'exercice de toutes fonctions ou soit que l'intéressé refuse la proposition d'emploi qui lui est faite, qu'il appartient à l'employeur de prononcer, dans les conditions applicables à l'intéressé, sa mise à la retraite d'office pour invalidité.

9. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la décision en litige du 2 mai 2017 de rejet du recours gracieux de Mme D... que le président du conseil départemental de l'Aude s'est fondé sur l'inaptitude définitive et absolue de Mme D... à l'exercice de ses fonctions d'agent d'entretien ainsi que " pour le reclassement d'agent administratif polyvalent ", en se fondant sur les trois avis concordants du comité médical dans sa séance du 16 septembre 2015, du comité médical supérieur du 11 mai 2016 et de la commission de réforme du 15 juin 2016, qui s'est prononcée pour ce motif en faveur de la retraite pour invalidité de la requérante. Si, pour contester la teneur de ces trois avis unanimes sur son inaptitude physique, la requérante soutient que le médecin du travail et de la prévention l'a estimée apte le 7 juillet 2016 dans le cadre de l'examen annuel de contrôle obligatoire, la seule mention sur la convocation à cette visite médicale " Présente au rdv. Apte " ne saurait contredire les trois avis circonstanciés mentionnés ci-dessus. En outre et contrairement à ce que soutient la requérante, ces trois avis se prononcent aussi sur son inaptitude générale et absolue à occuper toute fonction administrative, dès lors que le comité médical supérieur a envisagé, pour finalement l'écarter, son reclassement sur ce type de fonction en se prononçant contre son " reclassement d'agent administratif polyvalent ". Ces avis écartent ainsi nécessairement l'aptitude de la requérante à occuper tout emploi relevant notamment de la filière administrative ou de la filière technique en particulier ceux qui sont mentionnés à l'article 3 du décret n° 2006-1691 du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emploi des adjoints techniques territoriaux auquel appartient la requérante, ou par les dispositions du décret n° 2006-1690 du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emploi des adjoints administratifs territoriaux invoqué par la requérante. Dans ces conditions, dès lors que Mme D... est inapte physiquement de manière absolue et définitive à l'exercice de toutes fonctions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait failli à son obligation de la reclasser sur un poste adapté à son état de santé.

10. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel principal, que c'est à tort que par l'article 2 du jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 décembre 2016 par lequel le président du conseil départemental de l'Aude l'a mise à la retraite pour invalidité à compter du 16 juin 2016, ensemble la décision du 2 mai 2017 de rejet de son recours gracieux.

Sur l'appel incident du département de l'Aude :

11. D'une part, aux termes de l'article 17 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " Lorsque, à l'expiration de la première période de six mois consécutifs de congé de maladie, le fonctionnaire est inapte à reprendre son service, le comité médical est saisi pour avis de toute demande de prolongation de ce congé dans la limite des six mois restant à courir. Lorsque le fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical. En cas d'avis défavorable, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. Le fonctionnaire qui, à l'expiration de son congé de maladie, refuse sans motif valable lié à son état de santé le poste qui lui est assigné peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire. ". Aux termes de l'article 37 de ce décret : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, en application du décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 susvisé, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme prévue par le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. / Pendant toute la durée de la procédure requérant soit l'avis du comité médical, soit l'avis de la commission de réforme, soit l'avis de ces deux instances, le paiement du demi-traitement est maintenu jusqu'à la date de la décision de reprise de service ou de réintégration, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. ".


12. D'autre part, aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement (...) ". Aux termes de l'article de l'article R. 36 du même code : " La mise en paiement de la pension de retraite ou de la solde de réforme peut être antérieure à la date de la décision de radiation des cadres lorsque cette décision doit nécessairement avoir un effet rétroactif en vue soit d'appliquer des dispositions statutaires obligeant à placer l'intéressé dans une position administrative régulière, soit de tenir compte de la survenance de la limite d'âge, soit de redresser une illégalité ".


13. Les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. Par suite, en l'absence de disposition législative l'y autorisant, l'administration ne peut, même lorsqu'elle est saisie d'une demande de l'intéressé en ce sens, déroger à cette règle générale et conférer un effet rétroactif à une décision d'admission à la retraite, à moins qu'il ne soit nécessaire de prendre une mesure rétroactive pour tirer les conséquences de la survenance de la limite d'âge, pour placer l'agent dans une situation régulière ou pour remédier à une illégalité.


14. L'arrêté en litige, pris le 22 décembre 2016 et notifié à la requérante le 7 janvier 2017, place Mme D... en retraite pour invalidité à compter du 16 juin 2016. Il ressort des pièces du dossier que la commission de réforme s'est prononcée en faveur de la retraite pour invalidité de la requérante le 15 juin 2016. Par suite et en application des dispositions citées au point 12, l'administration était tenue de prendre une mesure rétroactive à la date du 16 juin 2016 pour placer Mme D... dans une situation régulière, dès lors qu'elle avait épuisé ses droits à congé de maladie ordinaire, qu'un congé de longue maladie lui a été refusé et qu'elle ne pouvait être placée en disponibilité d'office eu égard à son inaptitude absolue et définitive à toute fonction, conformément dispositions de l'article 17 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987. Dans ces conditions, le département de l'Aude est fondé à demander, par la voie de l'appel incident, l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué annulant son arrêté du 22 décembre 2016 en tant seulement qu'il admet Mme D... à la retraite pour invalidité à une date antérieure à sa notification.


Sur les frais liés au litige :


15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge d'une partie une somme à verser à l'autre sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative







D É C I D E :


Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 26 décembre 20158 est annulé.
Article 2 : Le surplus de la demande de Mme D... et des conclusions de sa requête est rejeté.
Article 3 : Les conclusions présentées par le département de l'Aude sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... et au département de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 6 janvier 2021, où siégeaient :

- M. Chazan, président de chambre,
- Mme B..., présidente assesseure,
- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2021.

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N° 1901083