CAA de DOUAI, 2ème chambre, 16/02/2021, 19DA02440, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille l'annulation de la décision du 27 août 2015 du ministre de la défense rejetant sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de son infirmité.
Par un jugement n° 15/11 du 3 juin 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a rejeté sa demande.
Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2019, M. B..., représenté par Me C... D..., a demandé à la cour régionale des pensions militaires d'invalidité de Douai :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'enjoindre à la ministre des armées d'établir un nouveau titre de pension au taux d'invalidité de 30 % à compter du 6 janvier 2014, date d'enregistrement de sa demande de révision de pension ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir l'aide juridictionnelle.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91- 647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre2020 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., né le 13 décembre 1954, engagé volontaire pour une période de cinq ans depuis le 3 janvier 1972, a été victime d'un accident le 1er février 1972 en franchissant un obstacle pendant le parcours du combattant. Il s'est vu accorder le 15 juin 1998 une pension militaire d'invalidité au taux de 20 % pour des " séquelles de traumatisme L4 avec pincement L4-L5 dégénératif ". Le 6 janvier 2014, l'intéressé a demandé la révision de sa pension pour l'aggravation de cette infirmité. Par une décision du 27 août 2015, la ministre des armées a rejeté sa demande au motif que le taux d'aggravation de l'infirmité était inférieur au minimum de 10 % requis. M. B... relève appel du jugement du 3 juin 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a rejeté sa demande de révision de pension.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. B..., devenu l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 p 100 au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. " L'évolution de l'infirmité pensionnée s'apprécie sur une période comprise entre l'octroi de la pension et la date de dépôt de la demande de révision, soit, en l'espèce, entre le 15 juin 1998 et le 6 janvier 2014.
3. M. B... s'est vu concéder une pension militaire d'invalidité en raison d'une infirmité résultant de " séquelles de traumatisme L4 avec pincement L4-L5 dégénératif " avec un taux d'invalidité de 20 %. Il soutient que cette infirmité présente une aggravation du fait d'une " lombosciatique L5 droite avec discarthrose sévère " et que celle-ci est, selon les dires de l'expert, la conséquence directe de l'accident survenu le 1er février 1972 pour laquelle il est pensionné.
4. Il ressort de la décision ministérielle du 27 août 2015 attaquée que la demande de révision de pension du 6 janvier 2014 de l'intéressé a été rejetée au seul motif que l'aggravation de l'infirmité initiale n'atteignait pas le minimum de 10 % exigé pour être prise en compte, sans que l'absence d'imputabilité au service de cette aggravation ne soit retenue, ni même alléguée. Dans son mémoire en défense du 27 août 2020, la ministre des armées doit être regardée comme demandant de substituer à ce motif, celui tiré de ce que la " sciatalgie droite associée à une discopathie L5-S1 " n'est pas en lien avec l'accident de service du 1er février 1972 et que l'aggravation invoquée n'est pas imputable au service, comme l'a jugé le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille dans un jugement du 10 septembre 2012, devenu définitif.
5. Il ressort toutefois du dernier rapport d'expertise judiciaire du 9 juin 2018 du docteur Pruvost qu'après avoir pris en compte l'ensemble des éléments médicaux relatifs à la pathologie de M. B..., cet expert a considéré que l'intéressé " est atteint d'une infirmité, en l'occurrence une lombosciatique L5 droite avec discarthrose sévère, pouvant être la conséquence de l'accident survenu le 1er février 1972 à savoir une fracture tassement du plateau supérieur de la 4ème vertèbre lombaire ", qu'" il est décrit une douleur à forme névralgique irradiée le long du membre inférieur droit de trajet L5, ceci correspond selon le guide barème applicable en matière de pensions militaires dans la rubrique " lésion traumatique du rachis " à un taux de 30 % au 6 janvier 2014 " et " Cette invalidité est imputable en totalité au service ". Il résulte ainsi du rapport d'expertise que l'aggravation de l'infirmité initiale de M. B... ne peut être regardée comme constituant de simples sciatalgies et qu'elle est en relation directe et déterminante avec les séquelles de l'accident de service dont il a été victime, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges et contrairement à la demande de substitution de motifs demandée par la ministre. Il y a donc lieu de prononcer l'annulation du jugement n° 15/11 du 3 juin 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille.
6. Par ailleurs, en retenant un taux global de 30 % d'invalidité, l'expert a admis une augmentation de 10 % du taux d'invalidité antérieur, ouvrant droit à une révision de la pension de M. B... en application de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par suite, M. B... est fondé à demander l'annulation de la décision du 27 août 2015 du ministre de la défense rejetant sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité en raison d'une aggravation insuffisante de son infirmité.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Il résulte de ce qui vient d'être dit qu'il y a lieu d'enjoindre à la ministre des armées de procéder à la liquidation des droits à pension de M. B... en tenant compte de l'aggravation de son infirmité de 10 % à la date du 6 janvier 2014, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D... de la somme de 1 500 euros, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 15/11 du 3 juin 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille est annulé.
Article 2 : La décision du 27 août 2015 du ministre de la défense et annulée.
Article 3 : Il est enjoint à la ministre des armées de procéder à la liquidation des droits à pension de M. B... en tenant compte de l'augmentation de 10 % du taux d'invalidité antérieur à compter du 6 février 2014, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me D... en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me D... renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la ministre des armées et à Me C... D....
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N°19DA02440