CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 23/03/2021, 19BX04087, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision23 mars 2021
Num19BX04087
JuridictionBordeaux
Formation2ème chambre
PresidentMme GIRAULT
RapporteurMme anne MEYER
CommissaireMme BEUVE-DUPUY
AvocatsFILET

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. K... G... a demandé au tribunal des pensions militaires de la Vienne d'annuler la décision du 19 octobre 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de révision pour aggravation de sa pension militaire d'invalidité et d'ordonner une expertise avant-dire droit.

Par un jugement du 24 septembre 2018, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure en appel :

Par un arrêt avant-dire droit du 10 juillet 2019, la cour régionale des pensions de Poitiers, a réformé ce jugement et ordonné une expertise.

Le rapport d'expertise a été enregistré le 19 septembre 2019.

Par des mémoires enregistrés les 25 novembre 2019, 21 février, 3 juillet et 31 août 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que : l'expert n'a constaté aucune augmentation de l'insuffisance respiratoire et n'a relevé aucune doléance de M. G... à ce sujet ; l'aggravation de 10 % retenue pour l'augmentation du nombre de plaques pleurales ne correspond pas à une aggravation de la gêne fonctionnelle ; le préjudice d'anxiété ne peut être pris en compte dès lors que la demande n'a pas été présentée à ce titre.

Par des mémoires enregistrés les 10 février, 28 février et 7 juillet 2020, M. G..., représenté par Me D..., doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions militaires de la Vienne du 24 septembre 2018 ;
2°) d'enjoindre à l'Etat de porter le taux de sa pension à 55 % à compter du 16 septembre 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :
- l'expert a constaté un nombre de plaques pleurales plus important en 2003 qu'en 1991, ainsi qu'une atteinte parenchymateuse plus marquée en 2013, ce qui justifie une majoration du taux d'invalidité ; il n'appartient pas à la ministre des armées de remettre en cause le taux initial de 45 % attribué initialement par le tribunal des pensions de la Charente-Maritime ;
- la ministre des armées n'apporte pas la preuve de l'absence d'aggravation de l'insuffisance respiratoire, laquelle n'avait pas été évaluée initialement ;
- il s'est toujours plaint d'une gêne fonctionnelle assimilable au port d'un corset ; l'expert indique que le principal symptôme fonctionnel est une douleur thoracique permanente dans l'hémichamp thoracique droit évoluant par poussées ; elle est liée à l'épaississement pleural qui a évolué et suffit à justifier un taux d'aggravation de 10 % ;
- il ne demande pas l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété mais la prise en compte, pour l'augmentation de son taux d'invalidité, de l'anxiété face au risque de développer un mésothéliome, caractérisant une atteinte à l'état général.

M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision modificative du 16 janvier 2020 annulant et remplaçant la décision du 8 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de Mme B... C..., rapporteure publique.



Considérant ce qui suit :

1. M. G..., né le 10 juillet 1937, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 45 % avec effet au 22 avril 1991 pour une asbestose en lien avec son exposition à l'amiante alors qu'il était affecté en Algérie en qualité de mécanicien d'escadrille militaire entre le 11 février 1957 et le 19 novembre 1958. Le 16 septembre 2013, il a sollicité la révision de cette pension pour aggravation. Par une décision du 19 octobre 2016, le ministre de la défense a rejeté sa demande au motif qu'après expertise médicale, aucune aggravation n'avait été constatée. Par un jugement du 24 septembre 2018, le tribunal des pensions militaires de la Vienne a rejeté la demande de M. G... tendant à l'annulation de cette décision et à l'organisation d'une expertise. Par un arrêt avant-dire droit du 10 juillet 2019, la cour régionale des pensions de Poitiers a réformé ce jugement et ordonné une expertise, dont le rapport a été enregistré au greffe de cette juridiction le 19 septembre 2019.

2. La loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense et le décret du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, pris pour l'application de l'article 51 de cette loi et portant diverses dispositions intéressant la défense, ont eu pour effet de transférer aux juridictions administratives de droit commun le contentieux des pensions militaires d'invalidité. Par suite, la cour administrative d'appel de Bordeaux est compétente pour statuer sur l'appel transmis en l'état par la cour régionale des pensions de Poitiers.

3. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la décision en litige : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. (...). " L'article L. 26 précisait : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué. "

4. Il résulte de l'instruction que des scanners réalisés en 2003 et 2013 ont mis en évidence une progression des épaississements pleuraux et une nette augmentation des plaques pleurales par rapport à la radiographie réalisée en 1991, ce qui caractérise une aggravation de l'infirmité depuis 1991. L'expert désigné par la cour des pensions, qui a retenu une " majoration d'environ 10 % ", a relevé le 29 août 2019 que M. G... présentait une dyspnée de grade II, c'est-à-dire pour la marche en côte ou la montée d'escaliers, ainsi qu'une toux et une expectoration non quotidiennes mais permanentes, et que le principal symptôme fonctionnel de l'asbestose était une douleur thoracique en hémi ceinture dans l'hémichamp thoracique droit évoluant par poussées, n'empêchant pas le sommeil, et traitée par du paracétamol lorsqu'elle est trop vive. Il a qualifié les signes fonctionnels de minimes, M. G... pratiquant encore la natation, le vélo et la marche. Alors que la gêne fonctionnelle résultant de la maladie demeure modérée, il ne résulte pas de l'instruction que la majoration des douleurs en lien avec la progression des plaques pleurales, ajoutée à l'anxiété en lien avec la possible survenue d'un mésothéliome invoquée par le requérant, laquelle ne donne lieu à aucune prise en charge médicale, justifieraient une majoration d'au moins 10 % du taux de 45 % attribué en 1991.

5. Il résulte de ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de la Vienne a rejeté sa demande d'annulation de la décision du ministre de la défense du 19 octobre 2016. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

6. M. G... étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, les frais de l'expertise ordonnée par la cour régionale des pensions de Poitiers, liquidés et taxés à la somme de 250 euros par une ordonnance de la présidente de cette cour régionale du 1er octobre 2019, doivent être mis à la charge définitive de l'Etat.


DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.
Article 2 : Les frais de l'expertise ordonnée par la cour régionale des pensions de Poitiers, liquidés et taxés à la somme de 250 euros par une ordonnance de la présidente de cette cour du 1er octobre 2019, sont mis à la charge définitive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. K... G... et à la ministre des armées. Une copie en sera adressée à M. L..., expert.
Délibéré après l'audience du 23 février 2021 à laquelle siégeaient :
Mme J... I..., président,
Mme A... F..., présidente-assesseure,
Mme E... H..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2021.

La rapporteure,
Anne F...
La présidente,
Catherine I...La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 19BX04087