CAA de DOUAI, 3ème chambre, 11/03/2021, 19DA00960, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision n° 2017/192 du 31 janvier 2017 par laquelle le directeur des ressources humaines et des relations sociales du centre hospitalier de Laon a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de Laon de prendre en charge les frais médicaux découlant de sa pathologie.
Par un jugement n° 1700988 du 3 avril 2019 le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du directeur du centre hospitalier de Laon du 31 janvier 2017 et enjoint au centre hospitalier de Laon de prendre en charge les frais et honoraires médicaux relatifs à l'affection de Mme C... dans le délai de deux mois suivant la notification du présent jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 avril 2019, le centre hospitalier de Laon, représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre subsidiaire, de désigner un médecin agréé chargé, dans l'hypothèse de rattachement au service, de fixer en particulier, la part du taux éventuel approprié à l'état antérieur de la requérante.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur ;
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., infirmière en soins généraux et spécialisés de 1er grade en poste au centre hospitalier de Laon, a demandé au directeur du centre hospitalier la reconnaissance professionnelle de la maladie dont elle souffre. Par décision du 31 janvier 2017, confirmée sur recours gracieux le 8 mars 2017, le directeur du centre hospitalier a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cette affection. Par un jugement du 3 avril 2019 le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du directeur du centre hospitalier de Laon du 31 janvier 2017 et lui a enjoint de prendre en charge les frais et honoraires médicaux relatifs à l'affection de Mme C... dans le délai de deux mois suivant la notification du présent jugement. Le centre hospitalier de Laon relève appel de ce jugement.
2. D'une part, l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière dispose que : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...)2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales ". Au nombre des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite figurent notamment les maladies contractées ou aggravées en service. Aux termes de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable : " (...) Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime. / Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé. (...) " et aux termes de l'article L. 434-2 du code précité: " Le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité. / Lorsque l'incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, la victime a droit à une rente égale au salaire annuel multiplié par le taux d'incapacité qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle-ci (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de l'ordonnance du 19 janvier 2017 entrée en vigueur le 21 janvier 2017 : " (...) IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. /Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
4. Il résulte de l'instruction que le centre hospitalier de Laon a mandaté le docteur Duval, rhumatologue, médecin expert agréé, aux fins d'examiner l'intéressée. L'expert a conclu son rapport le 18 mai 2016 en ces termes : " l'examen de la patiente et la prise de connaissance du scanner et de I'IRM lombaire, ne permettent pas de reconnaître la symptomatologie en maladie professionnelle, car elle ne rentre pas dans les critères du tableau 98. ". A la suite de la commission de réforme qui s'est tenue le 26 juillet 2016 celle-ci a demandé une expertise complémentaire confiée au docteur Cazeneuve médecin spécialiste agréé qui a remis son rapport le 8 août 2016 et a relevé qu'il " n'existait aucune antériorité ou cause adjacente d'ordre médical ou chirurgical et que les sollicitations mécaniques nombreuses répétées et prolongées l'intéressée ayant été aide-soignante pendant sept ans en maison de retraite en contact avec des patients dépendants puis infirmière pendant treize ans dont dix en maison de retraite peuvent tout à fait expliquer la survenue des pathologies dégénératives en L4L5 et L5S1.... " pour conclure que les dégénérescences en question avaient été contractées en service ( hors critères du tableau n°98). La commission de réforme a rendu un avis favorable le 25 octobre 2016, à la reconnaissance de l'imputabilité au service des lombalgies dont souffre Mme C... en notant qu'il s'agit " d'une maladie contractée en service (hors tableau maladies professionnelle (....) ne répond pas à tous les critères du tableau n°98 des maladies professionnelles pour entrer dans ce cadre " en précisant ensuite que l'agent peut reprendre à temps partiel thérapeutique mois à 50% ". A la demande du centre hospitalier de Laon le docteur Deschamps, praticien de pathologie professionnelle, a été chargé d'examiner Mme C.... Il précise dans son rapport du 1er décembre 2016 que la pathologie en cause ne relève pas de la maladie professionnelle, et " qu'il existe un état antérieur, puisque cette dégénérescence discale est probablement progressive et évoluant depuis plusieurs années, sans que le nombre d'années ne puisse être authentifié... " avant de relever toutefois " ...l'état antérieur concerne l'évolution progressive de cette discopathie, qui peut être à la fois liée à une dégénérescence intrinsèque propre à la personne, sans oublier le fait qu'elle fut aide-soignante et infirmière durant la première partie de sa carrière professionnelle et à ce titre a pu être amenée à soulever des charges lourdes.... ". Le directeur des ressources humaines et des relations sociales du centre hospitalier de Laon par décision n° 2017/192 du 31 janvier 2017 après avoir notamment visé l'avis de la commission précitée et les deux rapports des experts précités qu'il avait mandatés a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie aux motifs que la maladie n'entrait pas dans le cadre des maladies professionnelles, qu'il existait un état antérieur et qu'aucun lien de causalité direct et certain ne pouvait être établi entre la pathologie dont souffre Mme C... et ses fonctions.
5. En premier lieu, les dispositions précitées du IV de l'article 21 bis de la loi modifiée du 13 juillet 1983 précitées sont d'application immédiate, en l'absence de dispositions contraires. Elles ont donc vocation à s'appliquer aux situations en cours, sous réserve des exigences attachées au principe de non-rétroactivité, qui exclut que les nouvelles dispositions s'appliquent à des situations juridiquement constituées avant leur entrée en vigueur. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée.
6. Comme il a été dit au point 4, la pathologie dont souffre Mme C..., a été diagnostiquée dès 2016. Les nouvelles dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, bien qu'en vigueur à compter du 21 janvier 2017, soit avant la décision contestée du 31 janvier 2017, ne peuvent s'appliquer, la situation juridique de Mme C... étant constituée avant cette entrée en vigueur. Le directeur du centre hospitalier de Laon, qui doit être regardé comme ayant appliqué ces dispositions, a commis une erreur de droit en méconnaissant le champ d'application de la loi.
7. Ainsi que l'ont considéré les premiers juges par des motifs pertinents et après avoir tenu compte des différents rapports d'expertise, aucune disposition, à la date de la décision attaquée ne rendait applicables aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière, qui demandent le bénéfice des dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau et qu'il convenait d'exclure l'origine professionnelle de la pathologie de l'appelante au seul motif qu'il ne répond pas aux critères posés par le tableau n° 98 annexé à l'article R.461-3 du code de la sécurité sociale.
8. En deuxième lieu, l'état antérieur de Mme C..., avant son entrée en fonction professionnelle, n'est pas établi par les documents médicaux versés au dossier et dont la teneur est rappelée au point 4 alors que les fonctions d'aide-soignante et d'infirmière, ont participé à l'apparition puis à la dégénérescence progressive des discopathies. Ainsi l'affection dont souffre Mme C... présente un lien direct avec l'exercice de ses fonctions ou avec ses conditions de travail et doit être regardée comme imputable au service. Par suite, les moyens tirés de ce que le tribunal a inversé la charge de la preuve et entaché sa décision d'une erreur de fait et d'appréciation doivent être rejetés.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit nécessaire de désigner un expert, que le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du directeur du centre hospitalier de Laon du 31 janvier 2017 et lui a enjoint de prendre en charge les frais et honoraires médicaux relatifs à l'affection de Mme C....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du centre hospitalier de Laon est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... pour le centre hospitalier de Laon et à Mme A... C....
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N° 19DA00960