CAA de MARSEILLE, 9ème chambre, 13/04/2021, 18MA04962, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler la décision du 23 avril 2012 par laquelle le directeur opérationnel territorial " courrier " de la Côte d'Azur de La Poste a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie lombaire et de condamner La Poste à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des fautes commises par son employeur, d'autre part, d'annuler la décision du 29 janvier 2018 rejetant sa demande tendant au versement de l'indemnité compensatrice des congés acquis mais non pris pendant la période du 12 mars 2008 au 11 mars 2011 et de condamner La Poste à lui verser la somme de 4 323,60 euros au titre de cette indemnité.
Par un jugement n° 1601273 du 8 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté les conclusions à fin d'annulation présentées par M. D... et a fait partiellement droit à ses conclusions indemnitaires en condamnant La Poste à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation des préjudices qu'il a subis.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 24 novembre 2018, le 16 mai 2019 et le 20 novembre 2019, M. D..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 8 octobre 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'aggravation de sa pathologie lombaire et de réformer ce jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions tendant à la condamnation de La Poste à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis ;
2°) de condamner La Poste à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de l'entier préjudice qu'il estime avoir subi ;
3°) d'enjoindre à La Poste de lui allouer une allocation temporaire d'invalidité ou une rente viagère d'invalidité ;
4°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de droit en considérant que l'aggravation de sa pathologie était sans incidence sur la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie ;
- il a commis une autre erreur de droit en ne faisant pas application de la présomption d'imputabilité au service prévue par l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 ;
- la circonstance que la décision du 23 avril 2012 soit devenue définitive ne rend pas irrecevables ses conclusions indemnitaires ;
- La Poste a commis une carence fautive en s'abstenant de mettre en oeuvre les préconisations de la médecine de prévention ;
- en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'aggravation de sa pathologie lombaire, La Poste a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- son entier préjudice, constitué notamment de souffrances physiques et psychiques endurées ainsi que par l'aggravation de son déficit fonctionnel permanent, devra être réparé à hauteur de 50 000 euros ;
- il est fondé à solliciter le bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité pendant la durée de son maintien en activité puis de la rente viagère d'invalidité à compter de sa mise à la retraite d'office.
Par un mémoire enregistré le 8 janvier 2019, la caisse primaire d'assurance maladie du Var demande à la cour de la mettre hors de cause.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 avril 2019, La Poste, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 23 avril 2012 étant devenue définitive, les demandes tendant à l'annulation de cette décision et à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie sont irrecevables ;
- les demandes, nouvelles en appel, tendant à l'octroi d'une allocation temporaire d'invalidité et d'une rente viagère d'invalidité sont irrecevables ;
- subsidiairement, la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de l'intéressé n'est pas fondée ;
- l'entier préjudice allégué ne présente pas un caractère direct et certain.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
la loi n° 83634 du 13 juillet 1983 ;
la loi n° 8416 du 11 janvier 1984 ;
- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ancien fonctionnaire de La Poste mis à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 12 mars 2011, doit être regardé comme relevant appel du jugement du tribunal administratif de Toulon du 8 octobre 2018 en tant uniquement qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions tendant à la condamnation de son ancien employeur à réparer les préjudices qu'il a subis.
Sur la régularité du jugement :
2. A supposer que M. D... ait entendu remettre en cause la régularité du jugement attaqué en soutenant que les premiers juges ont commis plusieurs erreurs de droit, de telles critiques se rattachent au bien-fondé de ce jugement et non à sa régularité.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la responsabilité de La Poste :
3. En premier lieu, il résulte en particulier du rapport d'expertise établi le 26 août 2016 par le docteur Loubignac que M. D... souffre d'une pathologie lombaire diagnostiquée le 20 septembre 1988, soit quelques semaines après sa titularisation, ainsi que d'une pathologie psoriasique diagnostiquée au cours de l'année 1992 et que ces deux pathologies sont à l'origine de ses douleurs lombaires. Il ne résulte pas de l'instruction, comme l'a jugé le tribunal, que la pathologie lombaire de l'intéressé présenterait un lien direct avec l'exercice de ses fonctions au sein des services de La Poste. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le directeur opérationnel territorial " courrier " de la Côte d'Azur de La Poste a, par une décision du 23 avril 2012, refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cette pathologie lombaire. Par ailleurs, si l'appelant se prévaut de la présomption d'imputabilité au service tant de sa pathologie lombaire que de l'aggravation de celle-ci au cours de sa carrière au sein de La Poste, il invoque inutilement à cet égard les dispositions du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dès lors que ces dispositions, issues de l'ordonnance du 19 janvier 2017 et entrées en vigueur le 21 janvier suivant, ne sont pas applicables à sa situation, juridiquement constituée avant cette dernière date, l'intéressé ayant été mis à la retraite pour invalidité à compter du 12 mars 2011 ainsi qu'il a été dit.
4. En second lieu, La Poste ne conteste pas le principe de sa responsabilité retenu au point 8 du jugement attaqué, et qu'il y a lieu de confirmer en appel, en raison de la faute qu'elle a commise en s'abstenant de mettre en oeuvre les recommandations émises par la médecine de prévention en vue de l'aménagement du poste de travail de M. D... afin de tenir compte des douleurs lombaires de l'intéressé et de limiter celles-ci. Cette faute, qui est à l'origine de l'aggravation des douleurs lombaires de l'intéressé au cours de sa carrière, est de nature à engager la responsabilité de La Poste.
En ce qui concerne les préjudices :
5. M. D... demande en appel, comme en première instance, la condamnation de La Poste à lui verser la somme totale de 50 000 euros en réparation des souffrances physiques et psychiques endurées, de l'aggravation de son déficit fonctionnel permanent ainsi que de son préjudice d'agrément. Le rapport d'expertise déjà évoqué du docteur Loubignac relève que les taux d'atteinte à l'intégrité physique ou psychique relatifs aux pathologies lombaire et psoriasique de M. D... ont été évalués, respectivement, à 7 % et à 40 % en 2010. Il ne résulte pas de l'instruction, alors d'ailleurs que l'expert désigné par le tribunal administratif de Toulon n'a pas remis en cause cette évaluation, en particulier en tant qu'elle concerne la pathologie lombaire de l'intéressé, que les premiers juges auraient procédé à une évaluation insuffisante des différents préjudices résultant de l'aggravation de ses douleurs lombaires au cours de sa carrière en limitant la condamnation de La Poste à la somme de 10 000 euros, tous préjudices confondus.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a condamné La Poste à lui verser la somme de 10 000 euros.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions présentées à titre principal par M. D..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, et en tout état de cause, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. D'une part, les premiers juges ont mis à la charge définitive de La Poste, sans que cela soit contesté en appel, les dépens, constitués des frais et honoraires de l'expert désigné par le tribunal administratif de Toulon. M. D... ne justifiant pas avoir exposé, au cours de la présente instance d'appel, de dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, ses conclusions présentées à ce titre doivent être rejetées.
9. D'autre part, les dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de La Poste, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par La Poste.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par La Poste au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et à La Poste.
Copie en sera adressée pour information à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Chazan, président,
- Mme Simon, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2021.
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N° 18MA04962