CAA de LYON, 7ème chambre, 15/04/2021, 19LY04228, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision15 avril 2021
Num19LY04228
JuridictionLyon
Formation7ème chambre
PresidentM. JOSSERAND-JAILLET
RapporteurM. Daniel JOSSERAND-JAILLET
CommissaireM. CHASSAGNE
AvocatsRIQUET-MICHEL

Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires de Dijon d'annuler la décision du 21 septembre 2017, par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision pour aggravation de sa pension militaire d'invalidité, et de faire droit à cette demande.

Par un jugement n° 19/0005 du 18 septembre 2019, le tribunal des pensions militaires a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2019, et un mémoire, enregistré le 10 novembre 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires du 18 septembre 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 21 septembre 2017 ;
3°) de lui octroyer une pension au taux correspondant à ses infirmités.



Il soutient que :
- il justifie, par la production de certificats médicaux, l'aggravation de son état ;
- l'arthrose dont il souffre n'est pas une infirmité nouvelle ; la chute dont il a été victime le 20 juin 2016 est imputable à l'infirmité pour laquelle il est pensionné ; les séquelles de cette chute constituent ainsi une aggravation de l'infirmité ;
- le jugement et la décision en litige sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les éléments médicaux au dossier, dont l'expertise, établissent l'aggravation de son état.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 16 décembre 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :
- l'expertise du 22 février 2019, comme les éléments médicaux au dossier, ne révèle pas d'aggravation de l'infirmité pensionnée ;
- l'aggravation de l'état de santé de M. A... résulte d'une affection distincte sans lien avec l'infirmité pensionnée ;
- seuls les éléments antérieurs et contemporains à la demande de révision peuvent être pris en compte.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 novembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ;
- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;


Considérant ce qui suit :


1 Né le 6 mars 1941, M. B... A... a servi dans la gendarmerie du 1er juillet 1976 au 17 mars 1995, date de sa radiation des contrôles au grade d'adjudant et son départ en retraite. En service, il a été victime de deux accidents traumatiques ayant lésé son genou gauche, le 16 mai 1986 et le 25 juillet 1993. Une pension militaire d'invalidité pour séquelles de traumatisme du genou gauche, arthrose fémoro-patellaire sévère, subluxation externe de la rotule avec flexion limitée, gonalgies, limitation du périmètre de marche et amyotrophie marquée lui a été concédée au taux de 40 % à compter du 26 août 2013, par un arrêté du 4 janvier 2016. Le 19 juillet 2016, M. A... a sollicité la révision de sa pension pour aggravation de son infirmité. Cette demande a été rejetée par une décision du ministre de la défense du 21 septembre 2017. Par un jugement du 18 septembre 2019, le tribunal des pensions militaires de Dijon, après une expertise, a rejeté son recours contre ce refus et sa demande de révision de sa pension. M. A... demande à la cour l'annulation de ce jugement, de la décision du 21 septembre 2017 et que le taux de sa pension soit fixé à un niveau correspondant à ses infirmités.
2 Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : /1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...). " Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Est présumée imputable au service : / (...) 2° Toute blessure constatée durant les services accomplis par un militaire en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, d'une opération extérieure mentionnée à l'article L. 4123-4 du code de la défense ou pendant la durée légale du service national et avant la date de retour sur le lieu d'affectation habituelle ou la date de renvoi dans ses foyers ; / 3° Toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1, L. 461-2 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le militaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ces tableaux ; / 4° Toute maladie constatée au cours d'une guerre, d'une expédition déclarée campagne de guerre, d'une opération extérieure mentionnée à l'article L. 4123-4 du code de la défense (...) ". L'article L. 121-2-3 dudit code précise que " La recherche d'imputabilité est effectuée au vu du dossier médical constitué pour chaque militaire lors de son examen de sélection et d'incorporation. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. " Aux termes de l'article L. 154-1 de ce code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Cette demande est recevable sans condition de délai. La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. "
3 Il résulte de ces dispositions que lorsque le titulaire d'une pension militaire d'invalidité pour infirmité sollicite sa révision du fait de l'aggravation de ses infirmités, l'évolution du degré d'invalidité s'apprécie à la date du dépôt de la demande de révision de la pension. Le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Au cas où une première infirmité reconnue imputable au service a concouru, avec une affection ou un fait étranger au service, à provoquer, après le service, une infirmité nouvelle, celle-ci n'ouvre droit à pension que s'il est établi que l'infirmité antécédente a été la cause directe et déterminante de l'infirmité nouvelle. Ainsi, l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée.
4 D'autre part, aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. " L'article L. 121-5 précise que " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : - a) 30 % en cas d'infirmité unique ; - b) 40 % en cas d'infirmités multiples. / Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. "
5 Il est, en premier lieu, constant que l'infirmité unique au titre de laquelle a été concédée à compter du 26 août 2013 la pension militaire d'invalidité dont l'intéressé demande la révision consiste en des séquelles post-traumatiques des accidents de service survenus les 16 mai 1986 et 25 juillet 1993 affectant son genou gauche et énumérées dans l'arrêté du 4 janvier 2016.
6 En second lieu, il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise du 22 février 2019 et des éléments médicaux produits au dossier, dont l'expertise du 16 mars 2017, qu'à la date de la demande de révision de la pension à laquelle il doit s'apprécier, l'état de santé de M. A... se caractérisait par la pathologie post-traumatique affectant son genou gauche consécutive aux accidents de service et une arthrose affectant, s'agissant d'ailleurs du tronc cervical à la date de la concession de pension, plusieurs des articulations de l'intéressé, dont la hanche gauche. Il ne ressort pas par ailleurs de l'ensemble des constatations médicales produites au dossier que, si la chute dont M. A... a été victime le 16 juin 2016 est consécutive à une dérobade de son genou gauche elle-même engendrée par la limitation fonctionnelle de l'articulation en lien avec les accidents de service, les conséquences de cette chute, résorbées, s'inscriraient dans une aggravation permanente de l'infirmité pensionnée. Enfin, si M. A... fait valoir une aggravation de l'intensité des gonalgies, le rapprochement entre les descriptions de l'infirmité pensionnée à la date de la concession de pension et à la date de la demande de révision ne révèlent pas une aggravation significative des atteintes fonctionnelles ou de l'état de santé objectif de l'intéressé au regard de cette infirmité.
7 Dans ces conditions, M. A... n'établit pas, à la date de sa demande de révision, d'aggravation de l'infirmité au titre de laquelle il est pensionné.
8 Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de Dijon a rejeté sa demande. Sa requête doit dès lors être rejetée.




DÉCIDE :


Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Josserand-Jaillet, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2021.

N° 19LY04228