CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 11/05/2021, 19MA05134, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision11 mai 2021
Num19MA05134
JuridictionMarseille
Formation8ème chambre
PresidentM. BADIE
RapporteurM. Didier URY
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsTHIBAUDEAU

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal des pensions militaires de Haute-Corse d'annuler la décision du 26 janvier 2017 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation des trois infirmités " séquelles de pleurésies séro-fibrineuse avec insuffisance respiratoire et distension emphysémateuse gauche, fibrose du poumon droit (65%) ", " retentissement cardiaque, en relation certaine, directe et déterminante avec l'infirmité n°1 (20%) ", et " laryngite catarrhale chronique, en relation certaine, directe et déterminante avec l'infirmité n°1 (10%)".

Par un jugement n° 17/00014 du 4 juin 2018, le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse a rejeté la requête la requête de M. B....

Procédure devant la Cour :

La cour régionale des pensions militaires de Bastia a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. B..., enregistrée à son greffe le 17 juillet 2018.


Par cette requête, et un mémoire enregistré le 7 juin 2019, M. C... B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions de Bastia du 4 juin 2018 ;

2°) d'ordonner une expertise.

Il soutient que sa requête est recevable, qu'il n'a pas bénéficié de l'assistance d'un conseil en première instance alors qu'il avait sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle, et que l'expertise réalisée par le docteur Colonna établit l'aggravation de son état de santé ; il y a lieu par suite pour la Cour d'ordonner une expertise médicale destinée à évaluer l'aggravation de son état de santé et à fixer le taux de son infirmité globale.


Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir à titre principal que la requête est irrecevable, et à titre subsidiaire que les moyens de M. B... ne sont pas fondés.


Par ordonnance du 1er décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2020 à 12 heures.


M. B... a bénéficié de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 octobre 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bastia.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret du 10 janvier 1992 déterminant les règles et barèmes pour la classification et l'évaluation des troubles psychiques de guerre ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.



Considérant ce qui suit :

1. M. B... né le 24 septembre 1946 a été incorporé le 4 novembre 1967 et rayé des contrôles le 11 octobre 1968. Il est titulaire d'une pension militaire d'invalidité concédée le 7 juin 2010 au taux global de 85% pour trois invalidités, à savoir une séquelle de pleurésie séro-fibrineuse avec insuffisance respiratoire et distension emphysémateuse gauche, fibrose du poumon droit (65%), un retentissement cardiaque (20% + 5) et une laryngite catarrhale chronique (10% + 10). Il fait appel du jugement du 4 juin 2018 par lequel le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse a rejeté sa requête contre la décision du 26 janvier 2017 du ministre de la défense qui a refusé faire droit à sa demande de révision de sa pension du 24 juin 2013 pour aggravation de ses deux premières infirmités.

Sur la régularité du jugement :

2. En vertu de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991, l'instance est interrompue par une demande d'aide juridictionnelle régulièrement formée. En cas d'admission à l'aide juridictionnelle, l'instance ne recommence à courir que le jour où l'auxiliaire de justice est désigné. Il ressort de pièces du dossier que, par lettre enregistrée le 26 avril 2017 au greffe du tribunal des pensions militaires de Haute-Corse, M. B... a contesté la décision de rejet du ministre de la défense du 26 janvier 2017. Le 22 février 2018, l'intéressé a déposé une demande d'aide juridictionnelle, qui a interrompu l'instance en cours. Sa demande d'aide juridictionnelle a été admise par une décision du 15 mars 2018, qui lui a été notifiée le 28 mars 2018. En conséquence, alors que sa requête a été appelée à l'audience le 19 mars 2018, M. B... a été irrégulièrement privé de l'assistance de l'avocat désigné par le bureau d'aide juridictionnelle. Dans ces conditions, M. B... qui n'a pas bénéficié du soutien d'un conseil devant le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse est fondé à soutenir que le jugement attaqué a été irrégulièrement rendu et doit être annulé.

3. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. B... dirigées contre la décision du 26 janvier 2017 du ministre de la défense qui a refusé faire droit à sa demande de révision de sa pension du 24 juin 2013 pour aggravation de ses deux premières infirmités.

Sur la révision de la pension :

4. Premièrement, aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. B..., devenu l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 p 100 au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". Par ailleurs, en vertu des dispositions de l'article L. 6 du même code, les juridictions de pensions doivent rechercher quel était le degré d'invalidité à la date de la demande et ne peuvent tenir compte d'aggravations survenues après cette date. Il résulte de ces dispositions qu'une demande de droit à pension ou d'aggravation d'une infirmité indemnisée, est examinée au regard des droits que l'intéressé tient à la date de sa demande d'indemnisation.

5. Deuxièmement, aux termes de l'article L. 9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre: " (...) / Le taux de la pension définitive ou temporaire est fixé, dans chaque grade, par référence au degré d'invalidité apprécié de 5 en 5 jusqu'à 100 %. / Quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur. / Pour l'application du présent article, un décret (...), détermine les règles et barèmes pour la classification des infirmités d'après leur gravité. / (...) ". L'article L. 10 du même code précise que " Les degrés de pourcentage d'invalidité figurant aux barèmes prévus par le quatrième alinéa de l'article L. 9 sont : / a) Impératifs, en ce qui concerne les amputations et les exérèses d'organe ; / b) Indicatifs dans les autres cas. / Ils correspondent à l'ensemble des troubles fonctionnels et tiennent compte, quand il y a lieu, de l'atteinte de l'état général. ".

6. D'une part, il résulte de l'instruction que, s'agissant de la première infirmité, l'expertise du 24 février 2014 du docteur Quilichini, pneumo-phtisiologue mandaté par l'administration, indique que l'intéressé présente un état stationnaire et a maintenu le taux initial de 65%. S'agissant de l'affection cardiaque, le docteur Paravasini, cardiologue désigné par l'administration, certifie le 27 février 2014 qu'il n'a pas relevé d'aggravation de l'état du patient. D'autre part, pour contester ces avis médicaux, M. B... produit les résultats des examens pratiqués le 29 janvier 2019 par le docteur Colonna, pneumologue, qui indique une " insuffisance respiratoire mixte avec baisse des volumes et de la capacité pulmonaire totale (67%), baisse marquée de tous les débits et du VEMS (67%), aggravation progressive du déficit respiratoire depuis 2011 ". Ce faisant, le docteur Colonna, qui a examiné M. B... en 2019, soit 5 ans après la demande de pension du 24 juin 2013 de l'intéressé, et dont les conclusions médicales sont manifestement différentes des constatations opérées en 2014, n'a pas déterminé précisément la réalité et le contenu d'une éventuelle aggravation ainsi que le degré d'invalidité de l'infirmité en cause sur la santé de M. B... à la date de sa demande. Enfin, le certificat du docteur Suvigny, généraliste, en date du 27 juin 2013, qui se borne à faire état d'une nette détérioration de l'état de l'intéressé tant au niveau respiratoire que cardiaque, n'est pas de nature à remettre en cause les conclusions des deux experts désignés par l'administration. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que la décision attaquée a retenu que ses deux premières infirmités ne s'étaient pas aggravées à hauteur d'au moins 10% au moins du pourcentage antérieur, comme exigé par l'article L. 29 précité.

7. Il résulte de ce qui ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'expertise demandée par le requérant et de statuer sur la fin de non recevoir opposée en défense, que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 26 janvier 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de révision de sa pension.



D É C I D E :


Article 1er: Le jugement n° 17/00014 du 4 juin 2018 du tribunal des pensions militaires de Haute-Corse est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. B... et sa demande devant le tribunal sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 20 avril 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.


Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mai 2021.


N° 19MA05134 2