CAA de MARSEILLE, 8eme chambre - formation a 3, 08/06/2021, 19MA05452, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... a demandé au tribunal des pensions de Nîmes d'annuler la décision du 25 octobre 2017 par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité pour cinq infirmités : 1) Cécité pratique. Aphakie bilatérale et trabéculectomie bilatérale pour glaucome ; 2) Séquelles d'ulcère du bulbe duodénal. Maladie ulcéreuse chronique du bulbe associée à une oesaphagite peptique et à une gastropathie antrale érythémateuse modérée, 3) Surdité de perception bilatérale en rapport avec l'âge ; 4) Acouphènes mal systématisés du fait de la surdité ; 5) Séquelles d'otites externes eczémateuses. Pavillons et conduits auditifs externes sans lésions particulières.
Par un jugement n° 18/00008 du 14 juin 2019, le tribunal des pensions de Nîmes a rejeté la requête de M. C....
Procédure devant la Cour :
La cour régionale des pensions militaires de Nîmes a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. C..., enregistrée à son greffe le 3 juillet 2019.
Par cette requête, et un mémoire enregistré le 24 novembre 2020, M. B... C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions de Nîmes du 14 juin 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 25 octobre 2017 de refus de sa demande de pension militaire d'invalidité ;
3°) d'enjoindre à la ministre des armées de réexaminer sa demande.
Il soutient qu'il a fait l'objet d'une proposition de réforme définitive avec un taux d'invalidité à 65% ; qu'il a souffert d'ulcères et d'otites durant son service ; que sa surdité et ses acouphènes constituent une gêne fonctionnelle avérée.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 29 juillet et 17 décembre 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens de M. C... sont infondés.
Par ordonnance du 17 décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 janvier 2021 à 12 heures.
M. C... bénéficie de l'aide juridictionnelle totale par décision du 9 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., né le 27 mai 1938, a été appelé à l'activité entre le 28 juillet 1958 et le 25 mars 1960, avec une interruption du service du 25 juillet 1958 jusqu'au 15 février 1959. Il relève appel du jugement du 14 juin 2019 par lequel le tribunal des pensions de Nîmes a rejeté sa requête contre la décision du 25 octobre 2017 par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité pour cinq infirmités : 1) Cécité pratique. Aphakie bilatérale et trabéculectomie bilatérale pour glaucome ; 2) Séquelles d'ulcère du bulbe duodénal. Maladie ulcéreuse chronique du bulbe associée à une oesaphagite peptique et à une gastropathie antrale érythémateuse modérée ; 3) Surdité de perception bilatérale en rapport avec l'âge ; 4) Acouphènes mal systématisés du fait de la surdité ; 5) Séquelles d'otites externes eczémateuses. Pavillons et conduits auditifs externes sans lésions particulières.
Sur le droit à pension de M. C... :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". D'autre part, en vertu de l'article L. 4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. /(...) ". Par ailleurs, en vertu de l'article L. 6 du même code, les juridictions de pensions doivent rechercher quel était le degré d'invalidité à la date de la demande et ne peuvent tenir compte d'aggravations survenues après cette date. Il résulte de ces dispositions qu'une demande de droit à pension ou d'aggravation d'une infirmité indemnisée, est examinée au regard des droits que l'intéressé tient à la date de sa demande d'indemnisation.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) ". Pour l'application de ces dispositions combinées à celles de l'article L.2 précitées, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. Dans le cas contraire, elle doit être regardée comme résultant d'une maladie.
4. Enfin, il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 citées ci-dessus que, lorsque le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il lui incombe d'apporter la preuve de cette imputabilité par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges.
5. Premièrement, s'agissant de l'infirmité " Cécité pratique. Aphakie bilatérale et trabéculectomie bilatérale pour glaucome ", il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du docteur Benazza du 6 janvier 2017 que M. C... présente une aphakie bilatérale et une trébéculectomie bilatérale (glaucome) avec une importante baisse de l'acuité visuelle évaluée à un taux d'invalidité de 100%. Cependant, il est constant qu'il n'existe aucun élément du dossier médical militaire de l'intéressé ou de son livret militaire faisant mention d'un fait de service à l'origine ou en lien avec cette infirmité. Dans ces conditions, M. C... n'apporte pas la preuve que l'infirmité qu'il présente soit rattachable à son activité militaire.
6. Deuxièmement, M. C... fait valoir qu'il a été hospitalisé sur une période de près de trois mois à raison d'un ulcère du duodénum durant son service, lequel fait de service justifie sa demande de pension au titre de l'infirmité " Séquelles d'ulcère du bulbe duodénal. Maladie ulcéreuse chronique du bulbe associée à une oesaphagite peptique et à une gastropathie antrale érythémateuse modérée ". L'existence de la maladie ulcéreuse chronique du bulbe duodénal de M. C... est confirmée par un rapport du 1er décembre 1961 de l'hôpital militaire de Laveran et l'expertise du 15 janvier 2017 du docteur Nouri-Boudri. Toutefois, il n'est pas contesté que M. C... a présenté des crises d'ulcère douloureuses et successives dès l'âge de 18 ans, soit plus de trois ans avant son incorporation dans l'armée. Dans ces conditions, dès lors que l'intéressé a présenté cet ulcère antérieurement à son entrée en service, et qu'il ne fait état d'aucune circonstance particulière qui l'aurait aggravé, il ne démontre pas un lien de causalité entre l'affection déclarée et l'activité militaire.
7. Troisièmement, M. C... fait valoir qu'il a été plusieurs fois hospitalisé en raison d'otites, notamment entre les 20 avril et 5 mai 1959 pour une otite bilatérale devenue une otite eczémateuse bilatérale. Selon lui, ces faits de service justifient sa demande de pension au titre des trois infirmités " Surdité de perception bilatérale en rapport avec l'âge ", " Acouphènes mal systématisés du fait de la surdité " et " Séquelles d'otites externes eczémateuses. Pavillons et conduits auditifs externes sans lésions particulières ". Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise du 15 janvier 2017 du docteur Nouri-Boudri, que l'intéressé présente une surdité de perception bilatérale qui est en rapport avec l'âge, et qu'il n'existe aucun stigmate d'otite permettant d'expliquer cette acuité auditive très réduite. Par ailleurs, aucun élément du dossier médical militaire de l'intéressé ne fait état d'une perte auditive. Par suite, il ne peut être considéré qu'il existe une séquelle liée aux otites présentées par M. C... durant son service, et dès lors, un lien de causalité entre les affections déclarées en 2016 et l'activité militaire.
8. Quatrièmement, pour démontrer le lien de cause à effet entre ses infirmités et le service, M. C... soutient qu'il n'a été détecté aucune maladie lors de son incorporation alors qu'il " a fait l'objet (à sa sortie du service) d'une proposition définitive avec un taux d'invalidité de 65% ". Il résulte de l'instruction, et notamment d'une feuille d'observations d'hôpital militaire, que M. C... a fait l'objet d'une proposition de réforme définitive au motif d'une " invalidité de 65%, non imputable, résultant d'une affection antérieure au service et non aggravée par lui ". Ce document mentionne également " ulcère du bulbe duodénal radiologiquement confirmé depuis l'âge de 18 ans, sous forme de crises douloureuses successives, de périodicité post-prandiales nettes ". M. C... ne conteste ni la réalité ni l'existence des mentions apposées sur ce document. Ainsi, les infirmités de M. C... ne présentent aucun lien avec l'activité militaire.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Le présent arrêt qui rejette les conclusions de M. C... n'appelle aucune mesure d'exécution.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Me D... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 25 mai 2021, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2021.
N° 19MA05452 5