CAA de VERSAILLES, 3ème chambre, 24/06/2021, 19VE01836, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par trois requêtes, enregistrées respectivement sous les nos 1702949, 1801184 et 1801186, M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Versailles, en premier lieu, d'annuler l'arrêté du 28 mars 2017 par lequel le préfet des Yvelines l'a placé en congé de longue maladie du 12 octobre 2016 au 11 octobre 2017, en deuxième lieu, d'annuler l'arrêté du
12 janvier 2018 par lequel le directeur départemental des territoires des Yvelines a prononcé son maintien en congé longue maladie avec passage à demitraitement du 12 octobre 2017 au
27 mars 2018 et d'enjoindre à la même autorité de le placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service avec effet rétroactif au 12 octobre 2016 et jusqu'à la date de consolidation de son état de santé ou, à défaut, de le placer en congé de longue durée pour maladie avec effet rétroactif au 12 octobre 2016 et jusqu'à la date de la consolidation de son état de santé ou jusqu'à l'épuisement de ses droits à congé de longue durée pour maladie, en troisième lieu, d'annuler la décision du 22 décembre 2017 par laquelle le directeur départemental des territoires des Yvelines a rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle et prononcé son maintien en congé longue maladie et d'enjoindre à cette même autorité de reconnaître l'origine professionnelle de la maladie en raison de laquelle il est en arrêt de travail depuis le
12 octobre 2016 et de le placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service avec effet rétroactif au 12 octobre 2016 et jusqu'à la date de consolidation de son état de santé, ou à défaut, de le placer en congé de longue durée pour maladie avec effet rétroactif au
12 octobre 2016 et jusqu'à la date de consolidation de son état de santé ou jusqu'à l'épuisement de ses droits à congé de longue durée pour maladie.
Par un jugement nos 1702949, 1801184 et 1801186 du 18 mars 2019, le tribunal administratif de Versailles, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 janvier 2018 et sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 22 décembre 2017 du préfet des Yvelines en tant qu'elle maintient M. D... en position de congé de longue maladie, a rejeté le surplus des autres demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces, enregistrées les 17 mai 2019 et 20 octobre 2020, M. D..., représenté par le cabinet d'avocats Athon-Perez, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en tant qu'il rejette la demande d'annulation de la décision du 22 décembre 2017 ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) d'enjoindre au directeur départemental des Yvelines de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours et sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, le versement d'une somme de 2 550 euros au titre des frais liés à la première instance et d'une somme de 2 000 euros au titre des frais liés à la présente instance.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'est pas signé en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- la décision du 22 décembre 2017 a été prise au terme d'une procédure irrégulière dans la mesure où il n'a pas été informé de son droit à être entendu par la commission de réforme, en violation du 9° de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, le lien de causalité direct et certain entre sa maladie et ses conditions de travail étant établi par la surcharge de travail qui a pesé sur lui entre 2012 et 2016 ;
- son employeur était informé de la dégradation de son état de santé et a méconnu l'obligation de visite médicale annuelle prévue par les articles 22 et 24 du décret du 28 mai 1982, alors même que la démonstration d'une faute commise par ce dernier n'est pas nécessaire.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., avocate, en présence de M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., secrétaire d'administration et de contrôle du développement durable depuis le 16 mai 1995, affecté en qualité de gestionnaire de la fiscalité et d'administrateur à l'unité de coordination " droits des sols et fiscalité " du service de l'urbanisme et de la réglementation de la direction départementale des territoires des Yvelines depuis le
19 juillet 1999, a été placé en arrêt de travail à compter du 28 septembre 2016. Par courrier du
13 janvier 2017, il a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service du trouble dépressif dont il était affecté. Le directeur départemental des territoires des Yvelines a, par une décision du 28 mars 2017, placé M. D... en congé de longue maladie du 12 octobre 2016 au
11 octobre 2017, avec maintien de sa rémunération à plein traitement, avant de rejeter, par une décision du 22 décembre 2017, les demandes de placement en congé de longue durée pour maladie imputable au service puis, le 12 janvier 2018, de placer M. D... en congé de longue maladie avec passage à demi-traitement du 12 octobre 2017 au 27 mars 2018. Par un arrêté du
15 mai 2018, M. D... a été placé en congé de longue durée à plein traitement pour la période du 12 octobre 2017 au 11 octobre 2018. Par la requête susvisée, M. D... fait appel du jugement du 18 mars 2019, en tant que le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 décembre 2017 et à ce qu'il soit enjoint au directeur départemental des territoires des Yvelines de reconnaitre l'imputabilité au service de sa maladie.
Sur le bien-fondé de la décision en litige :
2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa version applicable à la date de la décision en litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue maladie. (...) ; 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) ".
3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
4. M. D... soutient que la pathologie d'épuisement et dépression dont il a souffert, et qui est à l'origine de sa mise en congé de longue durée, est la conséquence directe de la charge de travail qu'il a supportée entre les années 2012 et 2015. Il ressort des pièces du dossier que le requérant a souffert d'un syndrome d'épuisement ou " burn-out " qui a justifié un premier arrêt de travail par son médecin traitant le 28 septembre 2016, lequel a été renouvelé jusqu'en février 2019. Après examen médical de l'intéressé les 3 mars et 15 septembre 2017 par un médecin qui concluait à l'absence d'antécédents et à un état dépressif " contracté pendant l'exercice de ses fonctions ", la commission de réforme, saisie de la demande de prise en charge au titre de la maladie professionnelle des arrêts de travail du requérant, a émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie. Il est également établi par les comptes rendus d'évaluation professionnelle de M. D... que ce dernier a fait face à " une forte charge de travail, accrue en 2012 ", laquelle a encore augmenté l'année suivante, dans un contexte de réforme de la fiscalité de l'urbanisme et de déploiement d'un nouveau logiciel servant à l'instruction des dossiers de droit des sols. Si, ainsi que l'admet d'ailleurs le requérant, les difficultés tenant aux évolutions de son poste s'inscrivaient dans un contexte national, et qu'ainsi que le fait valoir le ministre en défense, l'intéressé a pu bénéficier des formations professionnelles adaptées aux changements auxquels, au demeurant, il a parfaitement su faire face sans signaler de difficulté à sa hiérarchie et en atteignant les objectifs assignés au point d'être promu en classe supérieure le 1er janvier 2016, le flux de son activité n'est redevenu raisonnable qu'en 2015. Dans ces conditions, et dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état dépressif de M. D... résulterait d'une cause étrangère au service, cet état doit être regardé comme directement en lien avec l'exercice des fonctions. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, la décision du 22 décembre 2017 par laquelle le directeur départemental des territoires des Yvelines a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail de l'intéressé depuis le 28 septembre 2016 doit être annulée.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". L'annulation de la décision attaquée implique nécessairement que le directeur départemental des territoires des Yvelines reconnaisse l'imputabilité au service de l'état dépressif ayant justifié les arrêts de travail de M. D... à compter du 28 septembre 2016. Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au directeur départemental des territoires des Yvelines de procéder à cette reconnaissance dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il n'y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais d'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 3 000 euros à verser à M. D... au titre des frais exposés par lui tant dans le cadre de la présente instance que dans celui de la première instance, et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 22 décembre 2017 est annulée en tant qu'elle porte décision de refus d'imputabilité au service de l'état de santé de M. D....
Article 2 : Il est enjoint au directeur départemental des territoires des Yvelines de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'état dépressif ayant justifié les arrêts de travail de M. D... depuis le 26 septembre 2016, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. D... la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par M. D... est rejeté.
Article 5 : Le jugement nos 1702949, 1801184 et 1801186 du tribunal administratif de Versailles du 18 mars 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
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N° 19VE01836