CAA de NANTES, 6ème chambre, 29/06/2021, 19NT04077, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision29 juin 2021
Num19NT04077
JuridictionNantes
Formation6ème chambre
PresidentM. GASPON
RapporteurM. Olivier COIFFET
CommissaireM. LEMOINE
AvocatsCHAZAT-RATEAU

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Bourges d'annuler la décision du 8 juillet 2016 de la ministre des armées rejetant sa demande de revalorisation de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de ses infirmités et reconnaissance d'un taux d'invalidité de 20 % au titre des séquelles d'une entorse au genou droit.

Par un jugement n° 16/00003 du 28 mars 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Bourges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 juin 2019, M. B..., représenté par Me Chazat-Rateau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Bourges du 28 mars 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 8 juillet 2016 ;

3°) de fixer son taux d'invalidité à 20 % au titre des séquelles qu'il conserve à la suite de son accident de service du 11 avril 1975 ;

4°) subsidiairement, d'ordonner une expertise aux fins de déterminer ses taux d'invalidité et le lien de causalité entre l'affection dont il souffre et le service ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens.

Il soutient que :
- son taux d'invalidité a évolué dans le temps ; que pour maintenir son taux d'invalidité stationnaire à 10%, le docteur Duguet, en sa qualité d'expert judiciaire, s'est référé à tort à l'expertise de 2016 effectuée par le docteur Tauveron et non aux éléments médicaux correspondant à la date de sa demande d'aggravation ;
- les conclusions de l'expert judiciaire sont en contradiction avec les examens médicaux réalisés et notamment l'IRM pratiquée le 13 février 2014 qui fait apparaître une gonarthrore bicompartimentale plus marquée en interne avec lésion dégénérative méniscale interne, une arthrose fémoro-patellaire marquée et enfin un kyste poplité, kyste estimé à un peu plus de 30 millimètres de longueur pour 15 mm d'épaisseur selon l'échographie réalisée ;
- alors qu'il n'y avait aucune lésion méniscale en 1998, il avait été proposé à cette date de porter le taux d'invalidité à 20%.

Par un mémoire, enregistré le 8 octobre 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. D... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet,
- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 8 août 1954, a effectué son service militaire du 1er juin 1974 au 1er juin 1975, date à laquelle il a été rayé des contrôles. Il a servi en qualité de sapeur au sein du 34° régiment du génie. Il a été victime, le 11 avril 1975, d'une entorse du genou droit, en chutant alors qu'il descendait du train pour se rendre en permission. Par un arrêté du 1er janvier 1980, une pension militaire d'invalidité lui a été concédée au taux de 10% pour les séquelles d'une entorse du genou droit, caractérisées par " une limitation de la flexion 60°, une amyotrophie nette de la cuisse gauche (3cm), une gêne fonctionnelle modérée mais importante sur le plan professionnel ". Le 3 juin 1998, M. B... a présenté une demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de ses infirmités. Si le médecin expert, rhumatologue, a conclu à un nouveau taux d'invalidité de 20%, la demande de M. B... a été rejetée par une décision du préfet de région le 2 décembre 1998. Sur la base d'un certificat médical de son médecin traitant du 26 janvier 2014 qui concluait à l'aggravation de son état, l'intéressé a, le 17 février 2014, de nouveau sollicité la révision de sa pension. Après expertise médicale réalisée par le docteur Thauveron et avis de la commission de réforme des pensions, la ministre des armées a par une décision du 8 juillet 2016, rejeté sa demande.

2. L'intéressé a, le 13 octobre 2016, saisi le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Bourges qui, au vu des éléments apportés par les parties, a estimé nécessaire d'ordonner une expertise confiée au docteur Duguet aux fins " essentiellement, en se plaçant autant que possible à la date de la demande de révision pour aggravation, soit le 19 février 2014, de proposer en application du guide barème relatif aux pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, une évaluation du degré d'invalidité propre à l'infirmité suivante : séquelles d'entorse du genou droit ". Le rapport d'expertise établi le 2 août 2018 par le docteur Duguet a été déposé le 7 août 2018 au greffe de la juridiction. Par un jugement du 28 mars 2019, ce tribunal a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 8 juillet 2016 et à la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité. Le 4 juin 2019, M. B... a relevé appel de ce jugement devant la cour régionale des pensions de Bourges, laquelle a transféré ce dossier à la présente cour, devenue compétente pour statuer sur ce type de litige à compter du 1er novembre 2019 en vertu de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.
3. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la décision en litige : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. " L'article L. 26 précisait : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué. ".
4. Il résulte de l'instruction, et notamment des mentions du rapport d'expertise du 2 août 2018, que le docteur Duget, après avoir rappelé sous la rubrique " Commémoratifs " l'origine de l'accident et des démarches et examens médicaux réalisés par M. B..., a, d'une part, pris connaissance de l'expertise du docteur Tauveron du 15 février 2016 ainsi que du rapport du docteur Gaurier du 2 mai 2018, médecin traitant de l'intéressé demandant de retenir une aggravation de l'état de son patient. Il a, d'autre part, également consulté plusieurs documents radiologiques, à savoir les IRM du genou droit réalisées les 29 novembre 2002 et 13 février 2014 et les radiographies standards du 10 août 2004 montrant, comme il le rappelle, " une gonarthrose modérée au versant interne, une séquelle d'entorse du ligament bilatéral externe et une probable chondropathie fémoro patellaire externe ". Il a enfin examiné le patient en station debout, allongé et sur le plan de la stabilité des genoux. Il a ainsi relevé, s'agissant de la position allongée, que " la pression au niveau des interlignes articulaires interne et externe regard des ménisques ne déclenchait pas de douleurs. " et noté que la flexion du genou était limitée à 90° à droite pour 130° à gauche, l'extension des deux genoux étant normale à 0°. L'instruction révèle ainsi que, comparée au résultat de l'expertise médicale effectuée par le docteur Norais le 11 septembre 1979, qui notait une flexion du genou droit à 60°, doit être retenue une légère amélioration de la gêne fonctionnelle objectivée par l'expert.

5. En premier lieu, l'expert conscient de la nécessité, ainsi qu'il l'a expressément rappelé et comme le commandait sa mission d'expertise, de se placer " autant que possible à la date de la demande de révision pour aggravation, soit le 19 février 2014 ", a conclu, sur la base de l'ensemble des documents médicaux, d'imagerie et radiographiques consultés et de l'examen clinique de M. B..., au maintien du taux d'incapacité de 10% " compte tenu des séquelles déjà présentes sur le rapport d'expertise de 2016 ". Pour aboutir à cette conclusion et répondre à la question du constat éventuel d'une aggravation à la date de la demande de révision, il a pu ainsi sans se méprendre sur la nature de l'analyse à conduire, et contrairement à ce que soutient le requérant, se référer parmi d'autres éléments à ce rapport d'expertise de 2016, le plus contemporain de la demande de révision. L'expert, qui ne s'est pas seulement appuyé sur cette expertise, a ainsi considéré " qu'on ne retrouvait pas à la date de son expertise de nouvelles séquelles autres que celles déjà décrites antérieurement puisqu'au contraire, on note une légère amélioration de la flexion du genou et de l'amyotrophie quadricipitale par rapport à ce qui était noté lors des examens précédents ".

6. En second lieu, si M. B... se réfère à l'IRM pratiquée le 13 février 2014 qui retenait une gonarthrore bicompartimentale plus marquée en interne avec lésion dégénérative méniscale interne, une arthrose fémoro-patellaire marquée et enfin un kyste poplité, l'expert judiciaire qui a consulté cet examen d'imagerie produit par le requérant, comme il a été dit au point 4, a exclu l'épanchement intra-articulaire et n'a pas relevé la présence d'un kyste poplité ou d'une lésion dégénérative méniscale interne. Aucun élément ne permet de remettre en cause l'appréciation de l'expert judiciaire sur ce point. Il en résulte également que la circonstance invoquée par M. B... qu'il avait été proposé en 1998 de porter son taux d'invalidité à 20% alors qu'à cette date il n'avait aucune lésion méniscale, demeure sans incidence.

7. Il résulte de l'ensemble des constatations médicales qui viennent d'être rappelées qu'il n'est pas rapporté la preuve d'une aggravation permettant de reconnaître le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité en cause supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise médicale, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Bourges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 juillet 2016.

Sur les dépens :

9. Les dépens sont maintenus, dans les circonstances de l'espèce, à la charge définitive de l'Etat.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les dépens sont maintenus à la charge définitive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et à la ministre des armées.


Délibéré après l'audience du 11 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.


Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 juin 2021.
Le rapporteur,
O. CoiffetLe président,
O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX


La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.



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