CAA de NANCY, 4ème chambre, 15/06/2021, 20NC01228, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal des pensions de Nancy d'annuler la décision du 15 janvier 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de ses infirmités pensionnées ainsi que la prise en compte de nouvelles infirmités.
Par un jugement n° 16/00004 du 23 mai 2017, le tribunal des pensions de Nancy a infirmé la décision du ministre de la défense, porté le taux d'invalidité pour les infirmités " subluxation acromio claviculaire épaule droite " et " séquelles d'acromioplastie de l'épaule gauche " à 30 %, dit que le taux de l'infirmité " lombalgie " devait être fixé à 15 % et rejeté le surplus des conclusions de M. B....
M. B... et la ministre des armées ont fait appel de ce jugement devant la cour régionale des pensions de Nancy.
Par une ordonnance du 24 juillet 2017, la cour régionale des pensions de Nancy a joint ces deux requêtes sous un numéro unique.
Par un arrêt n° 1495/18 du 21 juin 2018, la cour régionale des pensions de Nancy a annulé le jugement du tribunal des pensions de Nancy en tant qu'il a rejeté les demandes de M. B... relatives aux infirmités " acouphènes bilatéraux permanents " et " séquelles de fracture des os du nez ", fixé à 10 % le taux d'invalidité afférent à l'infirmité " acouphènes bilatéraux permanents ", jugé que l'infirmité " séquelles de fracture des os du nez " avait un lien avec le service et ordonné une expertise médicale afin que soit déterminé le taux d'invalidité afférent à cette infirmité, déclaré M. B... irrecevable en ses demandes tendant à voir fixer le taux d'invalidité des infirmités oculaire et relative à sa santé psychologique, renvoyé l'affaire à l'audience de la cour régionale des pensions militaires du jeudi 13 décembre 2018, après dépôt du rapport d'expertise et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Par une décision n° 423649 du 10 juin 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour régionale des pensions des Nancy et a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Nancy.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 15 juin et 4 août 2017, 26 octobre 2018, 13 août et 1er octobre 2020 et 17 mars 2021, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de réformer le jugement du 23 mai 2017 du tribunal des pensions de Nancy en ce qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses demandes ;
2°) avant dire-droit, d'ordonner une expertise médicale sur les infirmités de " séquelles de la fracture des os du nez ", " coude droit et rachis cervical ", " hypoacousie bilatérale ", " acouphènes bilatéraux permanents " et " gonalgie gauche " ;
3°) de fixer à 40 % le taux d'invalidité pour les infirmités de " subluxation acromio claviculaire épaule droite " et de " séquelles d'acromioplastie de l'épaule gauche " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les infirmités pour lesquelles il a obtenu un taux d'invalidité de 20 % se sont aggravées ;
- le 7 mai 2009, il a subi une blessure du dos occasionnant une lombalgie au niveau du dos ;
- il continue de souffrir de son genou gauche en lien avec un accident de service ;
- une nouvelle expertise doit être ordonnée si la cour estimait que celle de 2015 est trop ancienne ;
- ses autres infirmités et notamment la gonalgie du genou gauche et les acouphènes bilatéraux permanents sont en lien avec le service et lui donnent droit à pension ;
- le taux d'invalidité de 7 % retenu par l'expert en ce qui concerne son hypoacousie bilatérale est erroné ;
- le taux d'invalidité de 5 % retenu par l'expert en ce qui concerne tant le coude droit que la raideur du rachis cervical est erroné ;
- il a subi un traumatisme à l'oeil gauche en lien avec un accident de service ;
- il subit un préjudice psychologique qui doit être évalué, en lien avec ses différents traumatismes.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 juin 2017, 4 janvier et 12 mars 2018, 7 septembre 2020, 2 avril et 7 mai 2021, la ministre des armées conclut, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal :
- à ce que le jugement du 23 mai 2017 du tribunal des pensions de Nancy soit réformé en ce qu'il a porté de 20 à 30 % le taux d'invalidité pour les infirmités de " subluxation acromio claviculaire épaule droite " et de " séquelles d'acromioplastie de l'épaule gauche " ;
- au rejet des conclusions présentées par M. B... ;
2°) à titre subsidiaire :
- au rejet pour irrecevabilité des demandes de M. B... relatives aux infirmités " traumatisme oculaire gauche " et " préjudice psychologique " en l'absence de demande préalable ;
- au rejet des demandes d'expertise médicale de M. B... au titre des infirmités " séquelles de la fracture des os du nez ", " coude droit et rachis cervical ", " hypoacousie bilatérale ", " acouphènes bilatéraux permanents ", " gonalgie gauche ", " traumatisme oculaire gauche " et " préjudice psychologique ".
Elle soutient que :
- s'agissant des infirmités " subluxation acromio claviculaire épaule droite " et " séquelles d'acromioplastie de l'épaule gauche ", la gêne fonctionnelle doit être prise en compte ;
- l'aggravation de ces deux infirmités s'élève à 27,75 % et le taux d'invalidité ne pouvait être arrondi à 30 % par le tribunal ;
- cette majoration atteint 7,75 % par rapport au taux antérieur, ce qui est inférieur au plancher de 10 % indemnisable ;
- l'infirmité " gonalgie gauche " est sans lien avec le service ;
- il n'existe aucun constat médical de traumatisme en service s'agissant de l'infirmité " acouphènes bilatéraux permanents " ;
- le taux d'invalidité de 7 % retenu pour l'hypoacousie bilatérale correspond à l'application du guide-barème et n'ouvre pas droit à une pension d'invalidité au titre de cette affection ;
- le taux de 5 % retenu par l'expert en ce qui concerne le coude droit et la raideur du rachis cervical, qui n'est pas erroné, n'ouvre pas droit à pension ;
- les demandes de M. B... relatives aux infirmités de l'oeil gauche et psychologique sont irrecevables en l'absence de demande préalable.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions présentées en défense par la ministre des armées tendant à ce que le jugement du 23 mai 2017 du tribunal des pensions de Nancy soit réformé en ce qu'il a fixé à 15 % le taux d'invalidité de l'infirmité de " lombalgie ", qui sont nouvelles en appel, sont irrecevables.
Par un mémoire, enregistré le 7 mai 2021, la ministre des armées fait valoir qu'elle entend retirer ses conclusions tendant à ce que le jugement du 23 mai 2017 du tribunal des pensions de Nancy soit réformé en ce qu'il a fixé à 15 % le taux d'invalidité de l'infirmité de " lombalgie ".
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le décret n° 59-327 du 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions ;
- le décret n° 93-126 du 28 janvier 1993 modifiant le décret n° 71-1129 du 3 décembre 1971 relatif au guide-barème des invalidités en matière de surdité pour l'attribution des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Grenier, présidente assesseure,
- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 29 juillet 1970, a été incorporé dans l'armée de terre, le 2 juin 1992. Il a été radié des cadres le 2 décembre 2009. Par un arrêté du 16 janvier 2012, une pension militaire d'invalidité lui a été concédée au taux de 10 % pour l'infirmité " subluxation acromioclaviculaire épaule droite ". Par un arrêté du 27 mai 2013, une pension militaire d'invalidité au taux de 20 % lui a été concédée au titre de deux infirmités, à savoir celle de " subluxation acromioclaviculaire épaule droite " au taux de 10 % et celle de " séquelles d'acromioplastie de l'épaule gauche ", également au taux de 10 %. Le 19 octobre 2012, M. B... a demandé la révision de sa pension en raison de l'aggravation des deux infirmités pensionnées et de l'apparition de nouvelles infirmités. Par une décision du 15 janvier 2016, le ministre de la défense a rejeté sa demande. Par un jugement du 23 mai 2017, le tribunal des pensions militaires de Nancy a porté le taux d'invalidité pour les infirmités de " subluxation acromioclaviculaire de son épaule droite " et de " séquelles d'acromioplastie de l'épaule gauche " à 30 %, dit que le taux de l'infirmité de " lombalgie " devait être fixé à 15 % et rejeté le surplus des demandes de M. B.... M. B... et la ministre des armées ont relevé appel de ce jugement. Par un arrêt du 21 juin 2018, la cour régionale des pensions militaires de Nancy, après jonction des deux requêtes d'appel, a confirmé le jugement du tribunal des pensions militaires de Nancy en tant qu'il a porté le taux d'invalidité pour les infirmités de " subluxation acromio claviculaire épaule droite " et de " séquelles d'acromioplastie de l'épaule gauche " à 30 %, au lieu de 20 %, infirmé ce jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de M. B... relatives aux infirmités " acouphènes bilatéraux permanents " et " séquelles de fracture des os du nez ", fixé à 10 % le taux d'invalidité afférent à l'infirmité " acouphènes bilatéraux permanents ", jugé que l'infirmité " séquelles de fracture des os du nez " avait un lien avec le service et ordonné une expertise médicale afin que soit déterminé le taux d'invalidité afférent à cette infirmité, jugé qu'était irrecevable la demande tendant à ce que soit fixé le taux d'invalidité des infirmités oculaire et relative à sa santé psychologique et renvoyé l'affaire à une audience ultérieure. Par une décision du 10 juin 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour régionale des pensions militaires de Nancy et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nancy.
Sur la demande de révision relative à l'aggravation des infirmités pensionnées :
2. Aux termes de l'article L. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle les droits à pension de l'intéressé doivent être appréciés, désormais repris par l'article L. 125-8 du même code : " Dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne l'invalidité absolue, le taux d'invalidité est considéré intégralement pour l'infirmité la plus grave et pour chacune des infirmités supplémentaires, proportionnellement à la validité restante. / A cet effet, les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité. / Toutefois, quand l'infirmité principale est considérée comme entraînant une invalidité d'au moins 20 %, les degrés d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires sont élevés d'une, de deux ou de trois catégories, soit de 5, 10, 15 %, et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité. Tous les calculs d'infirmités multiples prévus par le présent code, par les barèmes et textes d'application doivent être établis conformément aux dispositions de l'alinéa premier du présent article sauf dans les cas visés à l'article L. 15 ". Il résulte des dispositions de l'article L. 9 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige, dont les dispositions sont désormais reprises par l'article L. 125-3 du même code que : " (...) Quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur (...) ". L'article L. 29 du même code dans sa rédaction applicable au présent litige, dont les dispositions sont désormais reprises par l'article L. 154-1 du même code, énonce que : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ".
3. Quand le titulaire d'une pension militaire d'invalidité pour infirmité sollicite la révision de celle-ci du fait de l'apparition de nouvelles infirmités ou de l'aggravation de ses infirmités n'entraînant pas une invalidité absolue, le calcul de sa pension révisée doit s'effectuer sur la base du degré réel d'invalidité correspondant aux infirmités déjà pensionnées et du degré réel d'invalidité correspondant aux infirmités supplémentaires avec une exactitude arithmétique, sans qu'il soit possible d'arrondir à l'unité supérieure les chiffres fractionnaires intermédiaires. La règle de l'arrondi énoncée à l'article L. 9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable en l'espèce, ne s'applique, le cas échéant, qu'une fois obtenu le degré global d'invalidité pour déterminer le taux de pension correspondant.
4. Par un arrêté du 27 mai 2013, une pension militaire d'invalidité au taux global de 20 % a été concédée à M. B... pour les infirmités de " subluxation acromioclaviculaire épaule droite " et de " séquelles d'acromioplastie de l'épaule gauche " en lien avec un accident de service du 4 novembre 2004, avec un taux d'invalidité de 10 % pour chacune d'elle. L'expertise médicale réalisée le 29 juin 2015, constate que la raideur post-traumatique des deux épaules s'est aggravée depuis l'expertise précédentes de juillet 2010, à hauteur de 5 % pour chacune des épaules, sans que cette aggravation ne soit contestée par la ministre des armées.
5. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la validité restante après la première infirmité était, en vertu de l'arrêté du 27 mai 2013, de 90 %. Le taux d'invalidité en relation avec la seconde infirmité était, en conséquence, de 9 % (soit 90 * 0,1), avec une invalidité totale de 19 % après prise en compte de ces deux invalidités. Au vu du rapport d'expertise, l'infirmité de l'épaule droite, initialement évaluée à 10 %, a été portée au taux de 15 % et l'infirmité à l'épaule gauche, initialement évaluée à 10 %, a également été portée au taux de 15 %. La validité restante après la première infirmité était donc de 85 % et le taux d'invalidité en relation avec la seconde infirmité doit, en conséquence, être fixé à 12,75 %, soit le produit entre la validité restante de 85 % et le taux d'invalidité de 15 %. Au total, l'invalidité, après prise en compte de l'aggravation des deux infirmités, est de 27,75 %.
6. En second lieu, M. B... soutient, dans le dernier état de ses écritures, que ses infirmités aux épaules se sont aggravées et que le taux d'invalidité pour chacune d'elle s'établit désormais à 20 %, soit un taux global d'invalidité de 40 %. Le rapport d'expertise du 13 janvier 2021, réalisé à sa demande, confirme toutefois la première expertise qui a évalué l'invalidité résultant de chacune des deux infirmités pensionnées au taux de 15 %. La réalité de l'aggravation de ces infirmités depuis la précédente expertise de juin 2015 n'est, en conséquence, pas établie, alors, en tout état de cause, qu'une telle aggravation doit être appréciée entre la date d'octroi de la pension et la date du dépôt de la demande de révision de la pension.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le degré réel d'invalidité correspondant aux infirmités de " subluxation acromioclaviculaire de l'épaule droite " et de " séquelles d'acromioplastie de l'épaule gauche " est passé de 19 % à 27,75 %. L'aggravation de chacune de ces infirmités et l'aggravation globale ne sont donc pas supérieures à 10 % au moins par rapport au taux antérieur de 19 % en application de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre cité au point 2. Pour les motifs exposés au point 3 du présent arrêt et ainsi que le soutient la ministre des armées, la demande de M. B... tendant à ce que le taux de sa pension soit porté de 20 % à 30 % par arrondi de 27,75 % à 30 % ne peut, en conséquence, qu'être rejetée. Sa demande tendant à ce que ce taux soit porté de 20 à 40 % doit également être rejetée pour les motifs exposés au point précédent.
8. Il suit de là que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 23 mai 2017, le tribunal des pensions militaires de Nancy a porté à 30 % le taux d'invalidité de la pension concédée à M. B... pour les infirmités de " subluxation acromioclaviculaire épaule droite " et de " séquelles d'acromioplastie de l'épaule gauche ".
Sur les autres conclusions d'appel présentées par M. B... :
En ce qui concerne les demandes relatives aux infirmités de l'oeil gauche et psychologique :
9. Aux termes de l'article 5 du décret du 20 février 1959 modifié relatif aux juridictions des pensions, en vigueur à la date d'introduction du recours de M. B... devant le tribunal des pensions militaires de Nancy : " Les décisions prises par le ministre de la défense ou le ministre chargé du budget en application des dispositions des articles L. 115, L. 128 et R. 19 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre sont susceptibles, dans le délai de six mois à compter de leur notification, de recours devant le tribunal des pensions ". Il résulte de ces dispositions que la juridiction des pensions ne peut être saisie que d'une décision administrative rejetant une demande de pension.
10. Il résulte de l'instruction que la demande de révision de M. B..., présentée le 19 octobre 1992, portait sur l'aggravation des deux infirmités déjà pensionnées et de nouvelles infirmités au nombre desquelles ne figuraient ni l'infirmité pour " traumatisme oculaire gauche ", ni un " préjudice psychologique ". En l'absence de demande préalable, les conclusions de M. B... tendant à ce qu'une expertise médicale soit ordonnée avant-dire droit en ce qui concerne ces deux infirmités sont en conséquence irrecevables et ne peuvent ainsi qu'être rejetées.
En ce qui concerne l'imputabilité au service de la gonalgie du genou gauche et des acouphènes bilatéraux permanents :
11. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle les droits à pension de l'intéressé doivent être appréciés, désormais repris par l'article L. 121-2 du même code : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". Selon l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable aux blessures à la date desquelles les droits à pension de l'intéressé doivent être appréciés, désormais repris par l'article L. 121-2 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée (...) ".
12. Il résulte des dispositions citées au point précédent que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité aussi forte soit-elle.
S'agissant de la gonalgie du genou gauche :
13. Dans son rapport d'expertise du 2 avril 2015, le médecin expert propose de retenir un taux d'invalidité de 10 % pour l'infirmité de gonalgie du genou gauche se caractérisant par une " flexion limitée à 90° et signe de rabot rotulien sans hydarthrose ni laxité ligamentaire ". Cependant, alors même que M. B... soutient que ces douleurs sont imputables à un accident de service du 31 août 2004, à savoir une chute sur les genoux sur une pente rocailleuse instable à l'occasion d'une course programmée de 25 kilomètres, il résulte du rapport circonstancié relatif à cet accident de service, établi le 8 septembre 2005 après examen clinique de M. B... le 21 mars précédent, qu'il a ressenti de vives douleurs au genou droit et subi une entorse au genou droit et non gauche. Il résulte également de l'instruction et notamment de son livret médical que les mentions de gonalgie au genou gauche, notamment à la suite d'un accident de moto sur la voie publique en mai 1995, sont dépourvues de lien avec un accident de service.
14. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de lien entre la gonalgie du genou gauche et un accident de service, la demande de M. B... tendant à la révision de sa pension au titre de cette blessure doit être rejetée, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise médicale.
S'agissant des acouphènes bilatéraux permanents :
15. D'une part, il résulte de l'instruction que M. B... souffre d'acouphènes bilatéraux. Un rapport circonstancié précise qu'il a subi ce traumatisme lors de manoeuvres en 1995, M. B... ayant été surpris par un départ de tir sans avoir eu le temps de se protéger. L'attestation du chef de pièces confirme cet incident de tir et précise que M. B... a alors été pris en charge " par le service médical sur le terrain ", un compte-rendu oral étant effectué à l'officier de tir. Cette attestation, alors même qu'elle n'a été établie qu'en juin 2013, est suffisamment précise quant aux circonstances de cet accident. Ces pièces ne permettent cependant pas d'établir que les acouphènes de M. B... seraient imputables à cet accident de service.
16. D'autre part, un audiogramme réalisé en 1999 fait état d'un sifflement intermittent à l'oreille droite. Ce n'est cependant que huit ans après l'accident de 1995, qu'un examen spécialisé du 4 mars 2003 fait état de surdité avec acouphènes. Le médecin, qui a examiné M. B... à sa demande, estime, dans son rapport du 10 février 2018, que le requérant présente " une surdité post-traumatique certaine " en faisant notamment état, outre du rapport circonstancié et de l'attestation du chef de pièces, de plusieurs audiogrammes qui ne laissent, selon lui, aucun doute quant à l'origine traumatique de son affection. De plus, un certificat médical du 25 novembre 2015 précise que M. B... a été " exposé au bruit pendant toute sa carrière professionnelle " et qu'il est " tout à fait probable " que son affection soit liée à son passé militaire. L'expertise médicale d'avril 2015 fait également état, de manière générale, des traumatismes sonores subis par M. B... en raison de son activité militaire. Ces pièces médicales qui énoncent une simple hypothèse quant au lien entre les acouphènes de M. B... et les conditions générales de service liées à son activité militaire et établissent la filiation médicale entre cette affection et un traumatisme sonore, ne permettent pas cependant pas d'imputer de manière certaine les acouphènes dont souffre M. B... à l'accident de service de 1995.
17. Il résulte de ce qui précède que la filiation médicale entre les acouphènes bilatéraux permanents dont souffre M. B... et le service n'est pas suffisamment établie pour que M. B... bénéficie de la présomption d'invalidité résultant de l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre alors en vigueur cité au point 11 du présent arrêt. De plus, M. B..., en se bornant à faire état d'une probabilité forte liée aux conditions générales de service, n'apporte pas davantage la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service directement à l'origine de l'affection qu'il invoque. Sa demande au titre des acouphènes bilatéraux permanents doit, par suite, être rejetée.
En ce qui concerne les infirmités entraînant une invalidité inférieure ou égale à 10 % :
18. Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle les droits à pension de l'intéressé doivent être appréciés, repris par les article L. 121-4 et L. 121-5 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % (...) ".
S'agissant de l'hypoacousie bilatérale :
19. Il résulte de l'instruction et plus particulièrement de l'expertise d'avril 2015, que le taux de l'hypoacousie bilatérale dont souffre M. B... a été évalué à 7 %. En invoquant un certificat médical du 25 novembre 2015 faisant état d'une aggravation de l'hypoacousie côté droit, M. B... n'établit pas que le taux d'invalidité de 7 %, qui correspond à l'application du guide-barème résultant du décret du 28 janvier 1993 modifiant le décret n° 71-1129 du 3 décembre 1971 relatif au guide-barème des invalidités en matière de surdité pour l'attribution des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre serait erroné, alors, au surplus, qu'il appartenait au ministre d'apprécier ce taux à la date du dépôt de la demande de révision présentée par M. B..., le 19 octobre 2012. En outre, l'avis médical du 10 février 2018, en tout état de cause postérieur à la demande de révision de M. B..., tout en relevant qu'il a des résultats similaires, propose un taux d'invalidité de 10 %, sans être suffisamment circonstancié pour établir que le taux d'invalidité de 7 % serait erroné.
20. Par suite, le taux d'invalidité de l'hypoacousie bilatérale de M. B... étant inférieur à 10 %, il ne pouvait, en application de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre alors en vigueur, ouvrir le droit à pension, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise médicale à ce titre.
S'agissant du coude droit et du rachis cervical :
21. En premier lieu, en se bornant à faire état de tendinites à répétition, M. B... n'établit pas que le taux d'invalidité de 5 % retenu pour son affection au coude droit serait erroné.
22. En second lieu, le rapport médical d'avril 2015 fait état d'un rachis cervical très raide et douloureux sans signe d'irritation radiculaire, ni de déficit neurologique périphérique. Il retient un taux d'invalidité de 5 %. Dans son rapport du 10 février 2018, le médecin expert estime que le taux d'invalidité résultant de la raideur au rachis cervical dont souffre M. B... est de 10 %. Cependant, le taux d'invalidité résultant de cette affection doit être apprécié à la date du dépôt de la demande de révision présentée par M. B... le 19 octobre 2012. Ainsi, les constatations médicales résultant de l'examen pratiqué en février 2018 ne sont pas de nature à remettre en cause celles retenues par le rapport évaluant le taux d'invalidité à 5 %.
23. Par suite, le taux d'invalidité de l'affection au coude droit et au rachis cervical étant inférieur à 10 %, ces affections ne pouvaient ouvrir le droit à pension, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise médicale à ce titre.
S'agissant des séquelles de la fracture des os du nez :
24. Il résulte des dispositions de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre cité au point 11 du présent arrêt que l'aggravation, par le fait ou à l'occasion du service, d'une infirmité étrangère à celui-ci ne peut donner lieu à pension que si le taux d'aggravation atteint le minimum indemnisable, fixé par l'article L. 4 du même code cité au point 18 du présent arrêt, soit 10 % pour les infirmités résultant de blessures.
25. D'une part, il résulte de l'instruction que, le 30 avril 1994, alors qu'il tentait de s'interposer entre deux autres militaires qui se bagarraient, M. B... a reçu un coup de poing sur le nez et subi une fracture des os propres du nez. Il résulte également de l'instruction et notamment du rapport médical du 13 janvier 2021, qu'il souffre d'obstructions nasales chroniques et a subi, le 28 septembre 2017, une turbinoplastie inférieure bilatérale par dissection sur muqueuse.
26. D'autre part, alors même que le médecin a estimé, le 13 janvier 2021, que l'accident du 30 avril 1994 a entraîné " de manière certaine ", une déviation septale, l'expert, qui a examiné M. B... en avril 2015 pour la même affection relève, pour sa part, que la " cloison navale présente des déformations mineures avec un éperon de pied de cloison du côté gauche. Il existe un ressaut en haut et en arrière du côté droit, en regard du cornet moyen. Le cavum est sans particularité (en fait, il est surtout gêné par le cycle nasal physiologique) ". Il en conclut que " les déformations mentionnées semblent être plutôt d'origine constitutionnelle que consécutives à l'accident " et propose un taux d'invalidité de 0 %.
27. Par suite, alors même que les séquelles de la fracture des os du nez résultant de l'accident de service du 30 avril 1994, seraient imputables, au moins partiellement, au service, il ne résulte pas de l'instruction que l'affection en résultant pour M. B..., à savoir des obstructions nasales chroniques avec quelques surinfections, atteindrait le taux d'invalidité de 10 % au moins de nature à ouvrir le droit à une pension à ce titre. Elle ne pouvait ouvrir droit à pension, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise.
28. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête de M. B... doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 23 mai 2017 du tribunal des pensions militaires de Nancy est annulé en tant qu'il porte à 30 % le taux d'invalidité de la pension concédée à M. B... pour les infirmités de " subluxation acromioclaviculaire épaule droite " et de " séquelles d'acromioplastie de l'épaule gauche ".
Article 2 : Les conclusions de la requête de M. B..., y compris celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des armées.
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N° 20NC01228