Conseil d'État, 9ème chambre, 19/07/2021, 434578, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision19 juillet 2021
Num434578
Juridiction
Formation9ème chambre
RapporteurM. Olivier Guiard
CommissaireMme Emilie Bokdam-Tognetti
AvocatsSCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2017, révélé par un courrier du ministre de l'agriculture et de l'alimentation du 3 octobre 2017, lui octroyant une allocation temporaire d'invalidité, en tant que le taux pour la liquidation de cette allocation a été fixé à 13 %, et, d'autre part, d'ordonner une expertise médicale en vue de fixer ce taux. Par un jugement n° 1802391 du 10 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a réformé l'arrêté du 18 septembre 2017 en portant à 31 % le taux de l'allocation temporaire d'invalidité concédée à M. A... à compter du 26 avril 2016.

Par un pourvoi, enregistré le 12 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, notamment son article 65 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ;
- le code de justice administrative.


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Guiard, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de M. A... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., ancien technicien supérieur des services vétérinaires de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations de l'Ardèche, qui a été radié des cadres le 21 janvier 2013, est atteint aux deux épaules d'une pathologie tendineuse dégénérative de la coiffe des rotateurs, reconnue imputable au service par une décision du 20 décembre 2012. Par un arrêté du 18 septembre 2017, M. A... s'est vu concéder une allocation temporaire d'invalidité (ATI) sur la base d'un taux d'incapacité fixé à 13 %. Le ministre de l'action et des comptes publics demande l'annulation du jugement du 10 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a réformé cet arrêté en portant à 31 % le taux définitif de liquidation de l'ATI concédée à M. A... à compter du 26 avril 2016.

2. Aux termes de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité (...). / Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine également les maladies d'origine professionnelle ".

3. Aux termes de l'article 4 du décret du 6 octobre 1960 portant règlement d'administration publique pour l'application des dispositions de l'article 23 bis de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'entrée en jouissance de l'allocation temporaire d'invalidité est fixée à la date de reprise des fonctions après consolidation ou, dans les cas prévus au quatrième alinéa de l'article 1er, à la date de la constatation officielle de la consolidation de la blessure ou de l'état de santé de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article 6 de ce décret : " Après la radiation des cadres (...) l'allocation continue à être servie sur la base du dernier taux d'invalidité constaté durant l'activité. / (...) / En aucun cas le taux de l'invalidité indemnisée par l'allocation maintenue après la radiation des cadres ne peut faire l'objet d'une appréciation ultérieure en fonction de l'évolution de cette invalidité ".

4. Il appartient au juge administratif, dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction sur les points en litige.

5. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que, pour juger que le taux définitif de liquidation de l'ATI concédée à M. A... à compter du 26 avril 2016 devait être porté à 31 %, le tribunal, après avoir relevé l'absence de toute autre pièce médicale au dossier, s'est fondé sur le rapport d'examen médical établi à la demande du requérant le 9 novembre 2017, dont il ressortait que M. A... continuait de souffrir d'une raideur modérée des deux épaules suite à une tendinopathie accompagnée d'une rupture de la coiffe des rotateurs et que les taux d'incapacité permanente partielle pour l'épaule gauche dominante et pour l'épaule droite non dominante pouvaient être respectivement évalués à 18 et 13 % au regard du barème de référence du code des pensions civiles et militaires de retraite.

6. En se fondant sur ce seul rapport d'examen pour juger que le taux de 13 % retenu par l'arrêté du 18 septembre 2017 devait être porté à 31 %, alors que, d'une part, il relevait que cet arrêté avait été pris à la suite d'un avis de la commission départementale de réforme du 26 juillet 2017 dont il ressortait que le taux d'incapacité de M. A... avait été évalué à 12,5 % après un complément d'expertise, et que, d'autre part, les taux d'incapacité mentionnés dans le rapport du 9 novembre 2017 pouvaient avoir pris en compte l'évolution de la maladie professionnelle du requérant depuis sa radiation des cadres, contrairement à ce qu'exige l'article 6 précité du décret du 6 octobre 1960 cité au point 3, le tribunal qui n'a ni demandé à M. A... la production des éléments médicaux figurant dans son dossier de réforme ni ordonné la réalisation d'une nouvelle expertise médicale, a entaché son jugement d'une erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.

8. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 juillet 2019 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Lyon.
Articles 3 : Les conclusions de M. A... présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. B... A....


ECLI:FR:CECHS:2021:434578.20210719