CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 13/07/2021, 19BX04045, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision13 juillet 2021
Num19BX04045
JuridictionBordeaux
Formation2ème chambre
PresidentMme GIRAULT
RapporteurMme Kolia GALLIER
CommissaireMme BEUVE-DUPUY
AvocatsTUCOO-CHALA

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal des pensions militaires de Bordeaux d'annuler la décision du 3 juillet 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté la demande de révision de sa pension présentée au motif de l'aggravation de ses infirmités et de la prise en compte de trois nouvelles infirmités tenant à un reflux gastro-oesophagien, une névralgie et une impuissance érectile totale.

Par un jugement n° 17/00030 du 6 juin 2019, le tribunal des pensions militaires de Bordeaux a, tout d'abord, annulé la décision en cause en tant qu'elle refuse la révision de la pension de M. B... pour une " névralgie sciatique dans le territoire de L5 droit ", une " impuissance érectile totale " dont le taux d'invalidité est fixé à 20 %, un " reflux gastro-oesophagien " et une " névralgie cervico-brachiale sur hernie cervicale C6-C7 " dont le taux d'invalidité est fixé à 10 %, deuxièmement, reconnu le droit de l'intéressé à la majoration prévue au deuxième alinéa de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la demande.




Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée à la Cour régionale des pensions de Bordeaux le 16 juillet 2019 et à la cour administrative d'appel le 17 octobre 2019, et des mémoires, enregistrés le 4 février 2020, le 4 janvier 2021, le 22 janvier 2021, ainsi qu'un mémoire récapitulatif produit le 23 mars 2021 à la demande de la cour faite en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, la ministre des armées demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement en tant qu'il accorde à M. B... un droit à pension au taux de 20 % pour l'infirmité " impuissance érectile totale ", un droit à pension de 10 % pour l'infirmité " névralgie cervico-brachiale sur hernie cervicale C6-C7 " et le bénéfice des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidités et des victimes de guerre ;

2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer si M. B... remplit les conditions pour bénéficier de la majoration pour tierce personne prévue par les dispositions de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre pour une période temporaire de trois années à compter du 19 mars 2015 ;

3°) de rejeter les conclusions présentées par M. B... par la voie de l'appel incident.

Elle soutient que :
- contrairement à ce que soutient M. B..., ses demandes de révision de pension n'ont pas été perdues ;
- s'agissant de l'infirmité tenant à une impuissance érectile totale, c'est à tort que le tribunal a retenu son imputabilité à la blessure par balle de 1984 alors que l'atteinte du nerf pudendal aurait entraîné des conséquences immédiates, que M. B... n'a pas signalées ;
- s'agissant de l'infirmité tenant à une névralgie cervico-brachiale sur hernie cervicale C6-C7, le jugement est entaché d'un défaut de motivation faute de préciser en quoi cette infirmité justifiait un taux de 10 % et était en relation médicale directe, certaine et déterminante avec l'accident de service du 8 avril 1984 ; un tel lien, de même qu'un tel taux, ne sont, en outre, pas établis ;
- c'est à tort que le tribunal a retenu que M. B... remplissait les conditions pour lui accorder le bénéfice des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre alors qu'il n'est pas établi qu'il serait obligé de recourir de manière constante à l'assistance d'une tierce personne ; le jugement est insuffisamment motivé sur ce point ; la cour pourra ordonner une expertise médicale afin de déterminer si M. B... satisfait aux conditions fixées pour bénéficier de l'allocation spéciale prévue par l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- l'appel incident formé par M. B... relève d'un litige distinct de l'appel principal de sorte que, présenté après l'expiration du délai d'appel, il doit être rejeté comme irrecevable ;
- le bien-fondé de la demande de M. B... présentée sur le fondement du troisième alinéa de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre n'est justifié par la production d'aucun document médical.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 décembre 2019, le 17 décembre 2020, le 6 janvier 2021, le 5 février 2021, le 8 février 2021 ainsi qu'un mémoire récapitulatif produit le 17 février 2021 à la demande de la cour faite en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, M. B..., représenté par la SCP Tucoo-Chala, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la ministre des armées ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler la décision du 3 juillet 2017 en tant qu'elle refuse de réviser sa pension pour tenir compte des séquelles en aggravation de la fracture ouverte de son fémur droit, de la paralysie incomplète du nerf crural droit, de la paralysie incomplète du nerf sciatique droit portant essentiellement sur le sciatique poplité externe, de la paralysie du nerf sciatique droit, d'un syndrome névrotique post-traumatique et en tant qu'elle lui refuse le bénéfice du troisième alinéa de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

3°) d'ordonner une expertise médicale avant dire droit afin de se prononcer sur une éventuelle paralysie complète du nerf crural droit, de déterminer le taux d'invalidité entraîné par la paralysie du nerf sciatique droit, de déterminer les pathologies nouvelles évoquées par son médecin et d'apprécier si elles étaient déclarées à la date de la demande, de déterminer le taux d'invalidité et l'origine de son reflux gastro-oesophagien, de déterminer si les infirmités " paralysie incomplète du nerf crural droit - amyotrophie de 3 cm de la cuisse - déficit de la force de flexion de la cuisse sur le bassin - aréflexie achilléenne " et " paralysie incomplète du nerf sciatique droit portant essentiellement sur le sciatique poplité externe ", prises isolément, l'auraient obligé à recourir d'une manière constante aux soins d'une tierce personne ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à son conseil au titre des article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :
- il résulte du nouvel avis médical sollicité par l'administration elle-même qu'il peut prétendre à un taux d'infirmité global de 100 % et plus seulement de 95 %, de sorte que son recours est bien fondé ; il doit être ordonné une expertise afin qu'un médecin indépendant évalue ses infimités ;
- contrairement à ce que soutient la ministre des armées, son appel incident ne porte pas sur un litige distinct de l'appel principal et est recevable ;
- s'agissant de l'infirmité n° 1 " séquelles de fracture ouverte per et sous trochantérienne par balle du fémur droit - coxarthrose pensionnée au taux de 45 % ", c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elle n'était responsable que d'un taux d'invalidité de 5 % alors que son médecin a retenu une aggravation de l'infirmité à 40 + 25 % ;
- s'agissant de l'infimité n° 2 " paralysie incomplète du nerf crural droit - Amyotrophie de 3 cm de la cuisse - déficit de la force de flexion de la cuisse sur le bassin - aréflexie achilléenne ", c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande au motif de l'absence de constatation d'aggravation à la date du 19 mars 2015 au vu des constations médicales concluant à un taux d'invalidité de 40 + 15 % ; il doit être ordonné une expertise médicale afin de déterminer une éventuelle paralysie complète du nerf crural droit ;
- s'agissant de l'infirmité n° 4 " paralysie incomplète du nerf sciatique droit portant essentiellement sur le sciatique poplité externe, son médecin a conclu à un taux d'invalidité de 45 % ;
- s'agissant de l'infirmité n° 5 " syndrome névrotique post-traumatique ", son aggravation est établie contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges ; son médecin a retenu un taux d'invalidité de 30 % + 20 ; il doit être ordonné une expertise afin de déterminer les pathologies nouvelles dont fait état ce dernier et d'apprécier si elles étaient déclarées le 19 mars 2015 ;
- il doit être ordonné une expertise afin qu'un médecin se prononce sur l'imputabilité des " nouvelles infirmités " à l'évènement du 8 avril 1984 ainsi que sur le taux d'invalidité correspondant ;
- s'agissant de l'infirmité n° 7 " reflux gastro-oesophagien ", une expertise s'impose également compte tenu du caractère contradictoire des avis médicaux déjà émis ;
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu qu'il ne remplissait pas les conditions fixées au troisième alinéa de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; il doit être ordonné une expertise médicale sur ce point ;
- les moyens soulevés par la ministre des armées ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au maintien de plein droit du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 juin 2021 modifiant la décision initiale du 3 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... C...,
- les conclusions de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, rapporteure publique,
- et les observations de Mme E..., représentant la ministre des armées.


Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 5 février 1964, a été blessé par balle le 8 avril 1984 alors qu'il effectuait son service militaire. Il était titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive au taux global de 95 %, qui lui a été concédée par un arrêté du 4 novembre 2013 en raison de séquelles de fracture ouverte et de coxarthrose du fémur droit, d'une paralysie incomplète du nerf crural droit, d'une névralgie sciatique dans le territoire de L5 droit, d'une paralysie incomplète du nerf sciatique droit et d'un syndrome névrotique post-traumatique. Par une demande du 19 mars 2015, M. B... a sollicité la révision de sa pension pour aggravation des infirmités pensionnées, ainsi que la prise en considération de nouvelles infirmités tenant à un reflux gastro-oesophagien, une névralgie et une impuissance érectile totale. Il a également sollicité le bénéfice des dispositions de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. La ministre des armées a rejeté cette demande par une décision du 3 juillet 2017. Elle relève appel du jugement du tribunal des pensions militaires de Bordeaux du 6 juin 2019 en tant qu'il a partiellement annulé sa décision du 3 juillet 2017, et M. B... demande par la voie de l'appel incident l'annulation du surplus de ce jugement.


Sur la recevabilité de l'appel incident :

2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf dispositions contraires, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4-1 (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que le jugement du tribunal des pensions militaires de Bordeaux du 6 juin 2019 a été notifié à M. B... le jour même par courrier électronique, avec l'indication des voies et délais de recours. Ainsi que le soutient la ministre des armées, le mémoire de M. B..., enregistré au greffe de la cour le 24 décembre 2019, a ainsi été présenté après l'expiration du délai d'appel, que la demande d'aide juridictionnelle présentée par l'intéressé le 18 septembre 2019 n'a pas été susceptible de proroger. Par suite, M. B... n'est pas recevable à demander à la cour la réformation du jugement en ce qui concerne les infirmités " séquelles de fracture ouverte per et sous trochantérienne par balle du fémur. Coxarthrose droite ", " paralysie incomplète du nerf crural droit. Amyotrophie de 3 cm de de la cuisse. Déficit de la force de flexion de la cuisse sur le bassin. Aréflexie achilléenne ", " névralgie sciatique dans le territoire de L5 droit ", " paralysie incomplète du nerf sciatique droit portant essentiellement sur le sciatique poplité externe ", " syndrome névrotique post traumatique " et " reflux gastro-oesophagien ", lesquelles relèvent d'un litige distinct de l'appel formé par la ministre des armées sur les infirmités " impuissance érectile totale " et " névralgie cervico brachiale sur hernie cervicale C6-C7 ainsi que sur le droit de M. B... au bénéfice de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.


Sur la régularité du jugement :

4. La ministre des armées soutient que le jugement en cause est insuffisamment motivé en ce qu'il retient l'imputabilité à l'accident dont a été victime M. B... le 8 avril 1984 de l'infirmité " névralgie cervico-brachiale sur hernie cervicale C6-C7 ". Il ressort néanmoins des termes du jugement que le tribunal s'est approprié les conclusions de l'expertise réalisée à la demande de l'administration selon laquelle si cette infirmité est sans relation avec le traumatisme incriminé, " elle peut être majorée par l'utilisation de béquilles constituant un élément déstabilisateur de la statique rachidienne ". Le tribunal a également précisé que les pièces versées aux débats permettent d'établir notamment que M. B... se déplace avec deux cannes anglaises ou en fauteuil roulant, qu'il présente une boiterie importante ainsi que des douleurs à la marche et que la station debout lui est impossible sans béquilles. Dans ces conditions, le jugement est suffisamment motivé sur ce point.

5. Si la ministre des armées soutient que le jugement est également entaché d'un défaut de motivation en ce qui concerne le bénéfice de l'allocation prévue par l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, le jugement attaqué relève que l'intéressé marche avec deux cannes anglaises et se déplace en fauteuil roulant, qu'il ne peut se relever seul s'il tombe, que la station debout lui est impossible, que la gravité de ses blessures a entraîné des conséquences psychiatriques sévères avec notamment la présence d'idées suicidaires, et qu'il n'a plus d'autonomie et ne peut accomplir seul la plupart des activités essentielles de la vie quotidienne. Par suite, le jugement n'est pas entaché sur ce point du défaut de motivation que lui reproche la ministre des armées.


Sur les droits à pension de M. B... :

6. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires et des victimes de guerre, dans sa version applicable au litige : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". L'article L. 3 du même code dispose, dans sa version alors applicable : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / En cas d'interruption de service d'une durée supérieure à quatre-vingt-dix jours, la présomption ne joue qu'après le quatre-vingt-dixième jour suivant la reprise du service actif. / La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ".
7. S'agissant de l'infirmité n° 6 " impuissance érectile totale ", l'expert désigné par l'administration a indiqué qu'elle ne peut être totalement imputable à l'accident survenu le 3 avril 1984 compte tenu de l'absence de troubles sphinctériens, mais qu'un lien direct avec le service peut néanmoins être retenu au vu de l'atteinte du nerf sciatique dont le nerf pudendal interne est l'une des branches, ce dernier ayant pu être lésé par la balle ayant perforé la hanche de M.B.... Toutefois, ainsi que le soutient la ministre des armées, la seule probabilité statistique d'un lien entre l'accident dont M. B... a été victime et cette infirmité ne saurait suffire à établir médicalement cette filiation au sens de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre alors, d'une part, que l'antériorité d'une telle infirmité n'est justifiée par aucune pièce et, d'autre part, que l'intéressé n'établit pas non plus souffrir depuis son accident de l'incontinence qui aurait dû résulter de manière concomitante de l'atteinte du nerf pudendal. Cette infirmité n'ayant pas été constatée dans les délais prévus par les dispositions précitées de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, la présomption d'imputabilité au service qu'elles prévoient ne saurait être appliquée en l'espèce. Par suite, c'est à tort que le tribunal des pensions militaires de Bordeaux a retenu que cette infirmité présentait un lien direct avec le service.
8. Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; (...) ".
9. S'agissant de l'infirmité n° 8 " névralgie cervico-brachiale sur hernie cervicale C6-C7 ", la ministre des armées soutient que son imputabilité à l'accident survenu le 8 avril 1984 n'est pas établie, de même que le taux de 10 % retenu par le tribunal des pensions militaires de Bordeaux. M. B... soutient, quant à lui, que cette infirmité doit être évaluée à 15 % en se prévalant du certificat médical produit par l'un de ses médecins. Il résulte de l'instruction que le médecin expert désigné par l'administration, neurochirugien, a évalué cette infirmité à un taux de 5 %. Cette appréciation ne saurait être remise en cause par l'unique élément médical versé au dossier par M. B..., soit l'analyse d'un chirurgien orthopédiste qui retient un lien direct entre l'utilisation de béquilles et l'infirmité en cause et évalue en conséquence le taux d'infirmité à 15 %. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que cette infirmité entraînerait un taux d'invalidité atteignant ou dépassant un taux de 10 %, de sorte que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu que cette infirmité devait être prise en considération pour le calcul de la pension de M. B....
10. Aux termes de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa version applicable au litige : " Les invalides que leurs infirmités rendent incapables de se mouvoir, de se conduire ou d'accomplir les actes essentiels de la vie ont droit à l'hospitalisation, s'ils la réclament. En ce cas, les frais de cette hospitalisation sont prélevés sur la pension qui leur est concédée. / S'ils ne reçoivent pas ou s'ils cessent de recevoir cette hospitalisation et si, vivant chez eux, ils sont obligés de recourir d'une manière constante aux soins d'une tierce personne, ils ont droit, à titre d'allocation spéciale, à une majoration égale au quart de la pension. / Toutefois, à dater du 1er janvier 1950, cette majoration est élevée au montant de la pension pour les invalides atteints d'infirmités multiples dont deux au moins leur auraient assuré, chacune prise isolément, le bénéfice de l'allocation visée au précédent alinéa. / En aucun cas, il ne saurait être fait état de cette majoration pour augmenter les frais actuels d'hospitalisation qui sont à la charge des bénéficiaires de la mesure prise en leur faveur. " Cette disposition ne peut être interprétée comme exigeant que l'aide d'un tiers soit nécessaire à l'accomplissement de la totalité des actes nécessaires à la vie. Elle impose toutefois que l'aide d'une tierce personne soit indispensable ou bien pour l'accomplissement d'actes nombreux se répartissant tout au long de la journée, ou bien pour faire face soit à des manifestations imprévisibles des infirmités dont le pensionné est atteint, soit à des soins dont l'accomplissement ne peut être subordonné à un horaire préétabli, et dont l'absence mettrait sérieusement en danger l'intégrité physique ou la vie de l'intéressé.
11. La ministre des armées conteste le besoin permanent d'assistance d'une tierce personne qui a conduit le tribunal à accorder à M. B... une majoration de la pension de 25 %, tandis que l'intéressé soutient que les deux infirmités répondant aux conditions précitées pour un doublement de la pension sont les infirmités n° 2 " Paralysie incomplète du nerf crural droit-Amyotrophie de 3 cm de la cuisse-déficit de la force de flexion de la cuisse sur le bassin. Aréflexie achilléenne " et n° 4 " Paralysie incomplète du nerf sciatique droit portant essentiellement sur le sciatique poplité externe ". Il résulte de l'instruction, notamment du certificat médical produit au dossier et de l'attestation de l'infirmière lui apportant une assistance quotidienne au Maroc où il réside, que M. B... a besoin de l'aide d'une tierce personne pour se lever, se coucher, se laver, s'habiller ainsi que pour se déplacer et préparer ses repas. Dans ces conditions, il doit être regardé comme étant obligé de recourir d'une manière constante aux soins d'une tierce personne au sens des dispositions précitées et c'est à juste titre que le tribunal des pensions militaires de Bordeaux a retenu que M. B... était fondé à demander, à titre d'allocation spéciale, une majoration du quart de sa pension. En revanche, l'intéressé ne produit aucun élément susceptible de permettre d'envisager que deux au moins de ses infirmités, prises isolément, lui auraient assuré le bénéfice de l'allocation visée au deuxième alinéa de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit utile d'ordonner une nouvelle expertise médicale, d'une part, que la ministre des armées est seulement fondée à demander l'annulation du jugement du 6 juin 2019 du tribunal des pensions militaires de Bordeaux en tant qu'il reconnaît comme indemnisables les infirmités " impuissance érectile totale " et " névralgie cervico-brachiale sur hernie cervicale C6-C7 " et, d'autre part, que les conclusions présentées par M. B... doivent être rejetées, y compris celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.




DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement du 6 juin 2019 du tribunal des pensions militaires de Bordeaux est annulé en tant qu'il reconnaît comme indemnisables les infirmités " impuissance érectile totale " et " névralgie cervico-brachiale sur hernie cervicale C6-C7 ".
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal des pensions militaires de Bordeaux en ce qu'elle concerne ces infirmités est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. D... B....
Délibéré après l'audience du 29 juin 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme A... C..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juillet 2021.
La rapporteure,
Kolia C...
La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 19BX04045