CAA de NANCY, 4ème chambre, 21/09/2021, 19NC03453, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires de Nancy la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de ses infirmités.
Par un jugement n° 17/00009 du 10 juillet 2019, le tribunal des pensions militaires de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
La cour régionale des pensions de Nancy a transmis à la cour administrative d'appel de Nancy, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. A..., enregistrée à son greffe le 6 septembre 2019.
Par un mémoire complémentaire enregistré le 31 janvier 2020, M. A..., représenté par Me Boutonnet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions militaires de Nancy du 10 juillet 2019 ;
2°) d'annuler la décision de rejet du ministre de la défense du 10 avril 2017 ;
3°) de faire droit à sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour aggravation de ses deux infirmités ;
4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une contre-expertise médicale ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Il soutient qu'il apporte la preuve, par les certificats médicaux produits, de l'aggravation de ses deux infirmités ouvrant droit à révision de pension ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. A....
Elle fait valoir que :
- le moyen n'est pas fondé ;
- l'aggravation de 5% de la seconde infirmité est en tout état de cause inopérante au regard des prescriptions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- une nouvelle expertise médicale n'est pas justifiée.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 et notamment son article 51 ;
- le décret n° 2018-1291 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,
- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a été victime d'une blessure en service commandée le 8 novembre 1959 alors qu'il effectuait son service national en Algérie. Par arrêté du 19 décembre 1986, une pension militaire d'invalidité lui a été concédée au taux de 45% pour une seule infirmité. Par la suite, son infirmité a été scindée en deux infirmités distinctes et un second arrêté du 27 octobre 1989 lui a concédé une pension de 60% pour ces deux infirmités. Le 27 octobre 2014 et le 29 juin 2015, M. A... a demandé la révision de sa pension. Par une décision du 10 avril 2017, le ministre de la défense a rejeté sa demande. M. A... relève appel du jugement du 10 juillet 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 10 avril 2017 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 6, alors applicable du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, désormais codifié à l'article L. 151-2 du même code : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du même code, en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. A..., devenu l'article L. 154-1 du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ".
3. Il résulte de ces dispositions que le degré d'infirmité est déterminé au jour du dépôt de la demande de l'intéressé, sans qu'il soit possible de tenir compte d'éléments d'aggravation postérieurs à cette date. L'administration doit dès lors se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. Par ailleurs, une pension acquise à titre définitif ne peut être révisée que si le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10% au moins au pourcentage antérieur.
4. Il résulte également des dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi, l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions de l'article L. 29 font obstacle à cette révision, l'aggravation devant alors être regardée comme étant due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée.
5. En l'espèce, l'arrêté du 27 octobre 1989 du ministre des armées portant concession de la pension militaire d'invalidité de M. A... et pour lequel ce dernier sollicite une révision, indemnise la première infirmité résultant des " séquelles de blessure de la cuisse droite avec lésion artério-veineuse fémorale superficielle. Région lombaire. Important vaisseau sous-jacent à la cicatrice de sympathectomie. Membre inférieur pouls tibial postérieur droit très mal perçu. Pigmentation ocre. Œdème très important, dilatation variqueuse et extension permanente du gros orteil " au taux de 45% et la seconde infirmité " Séquelles de sympathectomie lombaire " au taux de 15% avec un correctif de 5.
En ce qui concerne la première infirmité :
6. Il résulte de l'instruction et des pièces médicales produites que le rapport d'expert médical de 1986, qui pouvait être pris en compte pour l'appréciation de sa demande de révision, avait constaté que M. A... souffrait d'une augmentation nette du volume de la jambe droite (3 cm au-dessus du tiers moyen à 2 cm dans la région sus malléolaire), d'un œdème et d'importantes dilatations variqueuses diffuses, des pouls distaux normalement perçus et d'une mobilité normale des articulations de la cheville. La nouvelle expertise médicale de 1989 à partir de laquelle il a été décidé de dissocier son infirmité en deux infirmités avait révélé que M. A... souffrait d'œdème et d'importantes dilatations variqueuses, d'extension permanente du gros orteil, que le pouls tibial postérieur droit était très mal perçu et qu'il existait une zone de pigmentation ocre au niveau de la partie externe du dos du pied. Lors de l'expertise du 2 février 2016 effectuée consécutivement aux demandes de révision de pension de M. A..., ce dernier a précisé souffrir d' " une boiterie à la marche et des douleurs de la cuisse droite avec présence de lésions vasculaires fémorales superficielles et de troubles circulatoires du membre inférieur droit avec dilatation veineuse des extrémités ". Le médecin expert a alors constaté une mobilité de la hanche normale à droite comme à gauche, une distance talon fesse de 10 cm à droite comme à gauche, un lasègue lombaire bilatéral à 80, un œdème de la cuisse droite à + 3 cm par rapport à la gauche et des signes cliniques en faveur d'une arthrose du genou droit. L'expert conclut, au regard de la description des lombalgies, qu'elles sont manifestement indépendantes de l'invalidité pensionnée et d'origine dégénérative.
7. Si M. A... se prévaut des certificats médicaux de deux autres médecins traitants, ces derniers attestent qu'il souffre d'une " gonarthrose stade 4, une lombarthrose, une probable arthrose tibia-talienne sans lien avec un accident ancien " et constatent des séquelles neuro vasculaires, des troubles psycho affectifs, des complications vasculaires et des douleurs somatiques mais sans pour autant faire un lien avec l'infirmité pensionnée.
8. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que l'aggravation constatée de la gêne fonctionnelle soit liée à l'infirmité relative à la blessure de la cuisse droite. Si M. A... souffre d'arthrose ou de lombalgies, ces infirmités sont distinctes de celle pensionnée et ne peuvent donc donner lieu par suite à une révision de pension.
En ce qui concerne la seconde infirmité :
9. Il résulte de l'instruction que le médecin expert dans son rapport du 2 février 2016, a constaté " la présence d'une cicatrice de sympathectomie en regard du flanc droit avec importante éventration confirmée par une échographie abdominale ". Il a alors estimé que la seconde infirmité, initialement évaluée à 15%, devait être portée au taux de 20%.
10. Si le requérant conteste également le taux de cette aggravation retenue, les certificats médicaux produits par M. A..., qui précisent " un tableau clinique complexe intriquant une part neurologique, dégénérative et aussi liée à son accident de guerre " et des "séquelles neuro-vasculaires de la sympathectomie ", une " majoration des troubles psycho-affectifs avec l'avancée en âge " et de " nombreuses complications vasculaires ", ne permettent pas de démontrer leur éventuelle relation médicale avec l'infirmité pensionnée et ne sont pas de nature à remettre en cause l'expertise médicale du 2 février 2016 qui a proposé une aggravation de cette seconde infirmité de 5%.
11. Dans la mesure où une aggravation de 5% par rapport au pourcentage antérieur ne peut, au regard des dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre qui requiert 10 points de plus, ouvrir droit à révision, le ministre de la défense a pu légalement refuser de réviser la pension.
12. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise médicale, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de révision de sa pension militaire d'invalidité.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
14. Enfin, l'article R. 761-1 du code de justice administrative fait également, en tout état de cause, obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat les dépens, lesquels sont au demeurant inexistants dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A... et à la ministre des armées.
5
N° 19NC03453