CAA de NANTES, 6ème chambre, 23/11/2021, 20NT00850, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler l'arrêté n° 2019-01 du 7 janvier 2019 par lequel le maire de la commune du Gué-de-Longroi a refusé de reconnaître imputable au service un accident survenu le 17 septembre 2014, d'autre part, d'enjoindre au maire de cette commune de reconnaître imputable au service cet accident et d'en tirer les conséquences dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, enfin de mettre à la charge de cette collectivité le versement d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Par un jugement n° 1900791 du 7 janvier 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mars 2020 et 15 septembre 2021, Mme E..., représentée par Me Petit, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 7 janvier 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté n° 2019-01 du 7 janvier 2019 par lequel le maire de la commune du Gué-de-Longroi a refusé de reconnaître imputable au service un accident survenu le 17 septembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au maire de cette commune de reconnaître imputable au service cet accident et d'en tirer les conséquences dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune du Gué-de-Longroi la somme de 3500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête, qui critique de façon circonstanciée le jugement attaqué, est bien recevable ;
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation s'agissant du refus de reconnaître l'incident survenu le 17 septembre 2014 dans l'exécution du service comme un accident de service.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2021, et un mémoire complémentaire -non communiqué-, enregistré le 14 octobre 2021, la commune du Gué-de-Longroi, représentée par Me Ansquer, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme E... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête qui ne comporte pas de moyens d'appel est irrecevable ;
- les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet ;
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de Me Lucas, substituant Me Petit, représentant Mme E... et de Me Soularue, substituant Me Ansquer, représentant la commune du Gué-de-Longroi.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., fonctionnaire du ministère de la défense, a été recrutée par voie de détachement en 2007 par la commune du Gué-de-Longroi (Eure-et-Loir), qui compte un millier d'habitants, pour y exercer les fonctions de secrétaire de mairie, puis a été titularisée dans le grade de rédacteur territorial. Elle a été placée en congé de maladie ordinaire avant d'être placée en congé de longue maladie puis de reprendre son service à mi-temps thérapeutique et enfin à temps plein à compter du 9 janvier 2014. A la suite d'une altercation qui s'est produite le 17 septembre 2014, ayant donné lieu à dépôt de plainte de la part de cet agent à l'encontre du maire de la commune, Mme E... a été placée en congé de maladie ordinaire à plein traitement à compter du 17 septembre 2014 puis par arrêté en date du 7 janvier 2015, notifié le 9 février 2015, en congé de maladie ordinaire à demi-traitement. Mme E... a alors sollicité son placement en congé de longue maladie par lettres du 25 février 2015 puis du 25 mars 2015. Le comité médical départemental a estimé le 1er septembre 2015 que la requérante ne relevait pas des dispositions permettant l'octroi d'un congé de longue maladie et que son congé de maladie ordinaire était justifié au-delà de 6 mois. A la suite d'un second avis du 6 septembre 2016, par lequel le comité médical départemental a estimé que cet agent était inapte de manière totale et définitive à toute fonction, Mme E... a été placée, par un arrêté du 21 novembre 2016, en disponibilité d'office à compter du 17 septembre 2015 jusqu'au 16 septembre 2016. Cette position a été prolongée, à compter du 17 septembre 2016, par un arrêté du 25 avril 2017. Par lettres du 9 août 2017 puis du 20 août 2017, Mme E... a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'altercation du 17 septembre 2014. Après avis favorable de la commission de réforme, la commune a cependant, par un arrêté n° 2019-01 du 7 janvier 2019, rejeté la demande présentée par son agent.
2. Mme E... a, le 4 mars 2019, saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 7 janvier 2019 et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au maire de cette commune de reconnaître imputable au service l'accident survenu le 17 septembre 2014, et d'en tirer les conséquences. Par une requête, qui est suffisamment motivée, elle relève appel du jugement du 7 janvier 2020 par lequel cette juridiction a rejeté ses demandes.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que constitue un accident de service, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au regard des circonstances de l'espèce.
5. Mme E... soutient avoir été victime d'une agression commise par le maire de la commune le 17 septembre 2014 en faisant valoir que ce dernier, qui a alors saisi de force son ordinateur portable, l'a insultée et l'a " agrippée physiquement (cheveux) pendant l'exercice de ses missions ". Elle invoque également le bénéfice de l'avis favorable émis par la commission de réforme.
6. En l'espèce, toutefois, il ressort, tout d'abord, des pièces du dossier que le tribunal correctionnel de Chartres a, par un jugement du 11 février 2016, relaxé le maire de la commune non pas seulement comme l'avance la requérante, en " l'absence d'élément intentionnel dans la commission des faits " mais également " compte tenu des déclarations également divergentes effectuées par Catherine Berdal épouse B... auprès des différents intervenants et auprès des enquêteurs quant à la chronologie et au déroulement des faits et eu égard aux constatations médicales réalisées ". Le procès-verbal de synthèse rédigé le 23 décembre 2014 par la gendarmerie lors de l'enquête préliminaire sur la plainte déposée par Mme E... fait état, quant à lui, d'une absence de coup constaté lors de l'intervention des gendarmes, de ce que le maire a reconnu avoir tiré l'ordinateur que tenait la requérante afin de le lui enlever et que celle-ci a reconnu ne pas avoir reçu de coup direct. Dans ces conditions, seuls ces éléments de faits doivent être tenus pour établis matériellement. Ensuite, la commission de réforme, pour émettre un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 17 septembre 2014, s'est référée à l'expertise médicale réalisée par le docteur C... lors d'un examen qui s'est déroulé le 5 juillet 2018. Or, ce médecin commis par le comité médical du centre de gestion de la fonction publique territoriale d'Eure-et-Loir, s'il a conclu à l'existence d'un lien entre la situation de souffrance au travail et la mise en invalidité de la requérante, a cependant identifié l'existence d'une situation de stress psycho-social liée à un contexte de surmenage professionnel depuis l'année 2011 puis un climat professionnel délétère depuis le début de l'année 2014, relevant " l'aggravation de cette situation par l'agression physique que Mme E... dit avoir subi ". Il a ainsi précisément indiqué que cet agent " a présenté à compter de 2011 une symptologie dépressive évoluant dans la chronicité " ajoutant qu'elle avait une " personnalité anankastique ", ce qui, selon la littérature médicale évoquée dans les écritures, constitue un trouble de la personnalité caractérisé par " des sentiments d'inquiétude, voire d'anxiété, de doute, d'insuffisances, de culpabilité ". Le docteur A..., médecin psychiatre agréé, dans son rapport établi le 22 mai 2017, avait auparavant également daté l'apparition de la dépression de cet agent au début de l'année 2011. Enfin, il ressort des éléments du dossier que cet agent entretenait des relations conflictuelles avec les maires successifs de la commune avant même l'altercation du 17 septembre 2014. Dans ces circonstances, c'est sans erreur d'appréciation, que, par la décision contestée, le maire a pu refuser de reconnaître imputable au service l'incident survenu le 17 septembre 2014, dès lors que l'état de santé préexistant de Mme E... constitue une circonstance particulière détachant cet événement du service.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 janvier 2019 du maire de la commune du Gué-de-Longroi.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution particulière de sorte que les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme E... doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune du Gué-de-Longroi, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme E... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement à la commune du Gué-de-Longroi d'une somme de 1 000 euros au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Mme E... versera à la commune du Gué-de-Longroi la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... et à la commune du Gué-de-Longroi.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 novembre 2021.
Le rapporteur,
O. COIFFETLe président,
O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20NT00850 6