CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 29/11/2021, 20MA03681, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision29 novembre 2021
Num20MA03681
JuridictionMarseille
Formation6ème chambre
PresidentM. TAORMINA
RapporteurM. François POINT
CommissaireM. THIELÉ
AvocatsBARTHELEMY RÉGINE

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser la somme de 755 945,60 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis.

Par jugement n° 1804192 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'Etat à lui verser la somme de 2 300 euros, a mis à la charge de l'Etat les frais d'expertise, et a rejeté le surplus de sa demande indemnitaire.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 24 septembre 2020 et 13 juillet 2021, Mme D..., représentée par Me Barthelemy, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il a limité le montant des condamnations mises à la charge de l'Etat à la somme de 2 300 euros.

2°) de mettre à la charge de l'Etat les sommes de 57 000 et 696 895,60 euros.

3°) de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme D... soutient que :
- sa requête est recevable, dès lors qu'elle n'a pas eu notification régulière de la décision du tribunal administratif de Montpellier ;
- la responsabilité pour faute de l'Etat est engagée ; elle est restée sans contact avec sa hiérarchie pendant la gestion des évènements, et seule à devoir assurer la sécurité de 15 élèves ;
- l'absence de soutien de sa hiérarchie a aggravé son stress post-traumatique ;
- le défaut de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie est fautif ; les congés pour la période du 22 mars 2016 au 31 août 2017 correspondent à des congés pour maladie imputables au service ;
- elle est inapte à exercer ses fonctions et a droit à une mesure de reclassement ;
- la responsabilité sans faute de l'Etat est engagée ;
- elle a subi une perte de ressources d'au moins 40 000 euros entre le 22 mars 2016 et le 31 août 2017, correspondant à la perte de son logement de fonction pour un montant de 12 000 euros, à la perte des indemnités de chef d'établissement pour un montant de 5 737,50 euros, au passage à demi-traitement pour un montant de 19 500 euros, aux intérêts d'emprunt souscrits pour palier ses pertes de revenus pour un montant de 648 euros et aux frais de déménagement pour un montant de 3 000 euros.
- elle a engagé des frais médicaux pour un montant de 1 100 euros ;
- son préjudice de douleur s'élève à la somme de 3 000 euros ;
- elle a subi un déficit fonctionnel temporaire de 10 %, consolidé au 1er septembre 2017 et a droit, à ce titre, au versement d'une indemnité de 3 000 euros ;
- elle a subi une perte de gains professionnels futurs ; elle a perdu 29 238 euros par an d'indemnités de chef d'établissement, et 32 653 euros par an sur les quatre dernières années de travail (2034-2038) ; les droits à formation GRETA perdus s'élèvent à la somme de 40 000 euros ; le montant total des pertes d'indemnités s'élève à la somme de 696 895,60 euros ;
- la période du 22 mars 2016 au 31 août 2017 doit être considérée comme une période de congés pour invalidité temporaire imputable au service et comme une période de service effectif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2021, la rectrice de l'académie de Montpellier conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :
- la requête est irrecevable en appel comme tardive ;
- la faute alléguée relative à l'absence de soutien hiérarchique n'est pas établie ;
- le refus de reconnaitre l'imputabilité au service de la pathologie de Mme D... n'est pas fautif ;
- Mme D... n'a pas été reconnue inapte à exercer ses fonctions et n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait eu droit à un reclassement ; ayant souhaité se réorienter vers l'enseignement et ayant été détachée dans le corps des professeurs agrégés à sa demande, elle a été intégrée dans ce corps le 1er septembre 2018, son ancienneté ayant été prise en compte dans son reclassement ;
- la requérante n'a pas constitué de dossier de frais de changement de résidence et ne pouvait pas prétendre au versement de ces frais, compte tenu du caractère provisoire de son affectation ;
- le bénéfice du logement de fonction ne lui a pas été retiré durant ses congés pour maladie, en ayant bénéficié jusqu'à son détachement dans le corps des agrégés ;

- les indemnités de chef d'établissement sont conditionnées à l'exercice effectif des fonctions, et il n'y a aucun préjudice de manque à gagner à ce titre ;
- elle a été placée en congés pour maladie à plein temps à compter du 24 mars jusqu'au 23 décembre 2016 et sa situation financière a été régularisée en janvier 2017 ;
- la demande relative aux intérêts d'emprunt n'est pas justifiée ;
- les frais de déménagement exposés sont sans lien avec l'état de santé de Mme D... ;
- la demande relative aux frais médicaux n'est pas assortie de pièces justificatives ;
- son préjudice d'angoisse n'excède pas 1 300 euros ;
- le préjudice relatif au déficit fonctionnel n'excède pas 1 000 euros.


Par ordonnance en date du 13 juillet 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 août 2021.


Vu les autres pièces du dossier.


Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F... Point, rapporteur,
- et les conclusions de M. B... Thielé, rapporteur public,


Considérant ce qui suit :


1. Mme D..., alors personnel de direction de l'éducation nationale, a été affectée de 2012 à 2018 en qualité de principale du collège Marcelin Albert de Saint-Nazaire-d'Aude. Elle a été placée en détachement dans le corps des professeurs agrégés à compter du 1er septembre 2017, puis intégrée dans ce corps à compter du 1er septembre 2018. Elle a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 755 945,60 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite des évènements survenus à Bruxelles le 22 mars 2016. Mme D... relève appel du jugement n° 1804192 rendu le 15 juillet 2020 par le tribunal administratif de Montpellier, en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande et a limité le montant des condamnations prononcées à l'encontre de l'Etat à la somme de 2 300 euros.




Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4. ".

3. Il résulte de l'instruction que le jugement du tribunal administratif de Montpellier a été adressé par le greffe à Mme D... par courrier recommandé avec accusé de réception envoyé à l'adresse qu'elle avait mentionnée dans sa requête introductive d'instance. En l'absence de l'intéressée, le service postal a déposé, le 21 juillet 2020, un avis l'informant de ce que le pli pouvait être retiré au bureau de poste à compter du 22 juillet 2020. Le tribunal administratif de Montpellier a accusé réception de l'avis de passage le 22 juillet 2020, avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse ". Toutefois, il résulte de l'instruction que dans son mémoire complémentaire et sa note en délibéré enregistrés par le greffe du tribunal les 4 mars 2020 et 3 juillet 2020, Mme D... avait mentionné sa nouvelle adresse. Elle a ainsi fait connaître au greffe de la juridiction son changement d'adresse. L'avis de passage du 21 juillet 2020 ne lui étant pas opposable, la requérante est fondée à soutenir que le jugement du tribunal ne lui a pas été notifiée régulièrement, et que le courrier en cause n'a pas pu faire courir contre elle le délai d'appel. Dès lors, la requête de Mme D... enregistrée au greffe de la Cour le 24 septembre 2020 n'est pas tardive. Par suite, la fin de non-recevoir opposée sur ce point par la rectrice de l'académie de Montpellier doit être écartée.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne les préjudices résultant du refus d'imputabilité au service des arrêts de travail :

S'agissant de l'imputabilité au service de l'accident survenu le 22 mars 2016 :

4. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. /Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue maladie. /Le fonctionnaire qui a obtenu un congé de longue maladie ne peut bénéficier d'un autre congé de cette nature, s'il n'a pas auparavant repris l'exercice de ses fonctions pendant un an ;(...) ". Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du même article disposent que " si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ".





5. Il résulte de l'instruction, que les arrêts de travail dont a bénéficié la requérante à compter du 24 mars 2016 ont été motivés par un " état de stress post-traumatique ", la mettant dans l'incapacité provisoire d'exercer ses fonctions. Par décision du 7 octobre 2016, le recteur de l'académie de Montpellier a refusé de retenir l'état de stress post-traumatique, sans toutefois remettre en cause les arrêts de travail présentés par Mme D.... Par la même décision, le recteur de l'académie de Montpellier a considéré que les arrêts de travail pour la période du 24 mars 2016 au 30 septembre 2016, n'étaient pas imputables au service. Par décision du 23 novembre 2016, le recteur de l'académie de Montpellier a placé Mme D... en situation de congé pour longue maladie " ordinaire " à compter du 24 mars 2016. Ces congés pour longue maladie, qui reconnaissent implicitement mais nécessairement le bien-fondé des certificats d'arrêts pour maladie présentés par Mme D... pour la période en cause, doivent être regardés comme accordés au titre de l'état de stress post-traumatique relevé dans ces certificats médicaux. Les congés pour longue maladie de Mme D... ont été prolongés par arrêtés successifs jusqu'au 3 juin 2017. Elle a ainsi bénéficié de son plein traitement jusqu'au 23 mars 2017.


6. Il ressort des conclusions du rapport d'expertise médicale établi le 18 avril 2017, que Mme D... présentait " indiscutablement un stress post-traumatique en relation avec les évènements de Bruxelles ". L'expert a relevé que le stress post-traumatique présentait un " lien de causalité direct, certain et exclusif avec les faits en cause et notamment avec l'attentat de l'aéroport de Bruxelles du 22 mars 2016, ainsi que l'attentat du métro à la station Maelbeek, en excluant la part des séquelles pouvant être en relation avec toute autre cause extérieure, et en particulier un état antérieur. ". Les conclusions de cette expertise médicale ordonnée par le tribunal administratif de Montpellier sont de nature à contredire utilement les conclusions de l'examen psychiatrique pratiqué le 7 juin 2016 qui avait conclu à l'absence d'état de stress post-traumatique, ainsi que celles du docteur E... du 22 juin 2016, lequel s'est borné à recommander un congé de longue maladie. Ce dernier rapport ne se prononce pas explicitement sur l'état post-traumatique dont souffre Mme D... et les conclusions par lesquelles le médecin se prononce sur la qualification d'accident de service, qui ont trait à la qualification juridique des faits, n'ont aucune valeur probante. Il résulte de l'ensemble de ces éléments, que Mme D... est fondée à soutenir que l'état de stress qui a justifié ses arrêts pour maladie, et par suite, le congé pour longue maladie qui lui a été accordé à compter du 24 mars 2016, sont directement liés à la situation qu'elle a vécue le 22 mars 2016 dans le cadre du voyage scolaire à Bruxelles, activité constituant le prolongement normal du service. De tels évènements ont eu un caractère soudain et violent, de nature à faire regarder le traumatisme psychologique subi par Mme D... comme un accident de service. Dans ces conditions, Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que le recteur de l'académie de Montpellier a refusé l'imputabilité au service de cet accident.


7. Il résulte de ce qui précède que Mme D... peut utilement se prévaloir, à l'appui de ses conclusions indemnitaires, de l'illégalité fautive de la décision du 7 octobre 2016 rejetant l'imputabilité au service de l'accident survenu le 23 mars 2016, et des arrêtés la plaçant en congés pour longue maladie, en tant qu'ils lui refusent le bénéfice des dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, dispositions qui n'ont pas un effet exclusivement pécuniaire.



S'agissant des pertes de ressource pour la période du 22 mars 2016 au 31 août 2017 :

8. Il résulte de ce qui précède, que l'accident de service dont a été victime Mme D... est imputable au service et qu'elle avait droit au versement de son plein traitement pour l'ensemble de ses congés de longue maladie et à la prise en charge de ses frais médicaux. Il résulte de l'instruction que Mme D... a bénéficié de son plein traitement pour la période du 14 mars 2016 au 14 mars 2017, et d'un demi-traitement pour la période du 15 mars 2017 au 30 juin 2017, date de sa reprise de service. La rectrice de l'académie de Montpellier fait valoir, sans être utilement contredite sur ce point par Mme D..., que la régularisation financière relative au versement du plein traitement, pour la période du 24 mars 2016 au 23 décembre 2016, est intervenue sur la paye du mois de janvier 2017 et qu'elle a perçu son plein traitement pour la période allant de janvier à mars 2017. Par suite, la requérante ne justifie de la réalité de son préjudice que pour la période allant du 1er avril 2017 au 1er septembre 2017, date de son détachement dans le corps des agrégés. Il résulte de l'instruction que le montant du traitement de Mme D... était, au cours de la période en cause, de 3 727,72 euros. Par suite elle a droit au versement de la somme de 9 319,30 euros, correspondant à la moitié de son traitement, non versé pour les mois d'avril à août 2017.

9. Si Mme D... soutient qu'elle a engagé des frais médicaux liés à sa prise en charge psychologique, pour un montant de 1 100 euros, elle ne verse aucune pièce justificative et n'établit pas la réalité de son préjudice sur ce point. Ses conclusions formulées à ce titre doivent, par suite, être rejetées.

En ce qui concerne les autres préjudices :

10. Aux termes de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du traitement minimal de la grille mentionnée à l'article 15 du titre Ier du statut général, correspondant au pourcentage d'invalidité. / Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine également les maladies d'origine professionnelle. ".

11. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font, en revanche, obstacle, ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.

S'agissant des fautes invoquées par Mme D... :

12. Il résulte de l'instruction, que Mme D... se trouvait à Bruxelles pour accompagner un groupe de quinze élèves en voyage scolaire, quand ont eu lieu les attaques terroristes du 22 mars 2016. Mme D... devait, ce jour-là, accompagner les élèves pour une visite du siège du Parlement européen situé à proximité de la station de métro Maalbeek où se sont produites des attaques terroristes. Au cours de la matinée du 22 mars 2016, Mme D... et le groupe d'élèves, évacués du siège du Parlement européen, ont gagné le consulat général de France à Bruxelles, puis ont été transférés par les services consulaires à l'auberge de jeunesse où ils étaient hébergés. Si Mme D... fait valoir que sa hiérarchie a tardé à prendre contact avec elle et ne lui a pas apporté l'assistance nécessaire, alors même qu'elle avait sollicité l'aide des services du rectorat, il lui appartenait, en sa qualité de chef d'établissement et au regard de sa présence sur place, de prendre les décisions utiles à la sécurité des élèves. Elle n'établit pas quel type de mesures le recteur ou la directrice d'académie auraient été en mesure de prendre pour l'assister, afin de faire face aux évènements qui ont affecté le voyage scolaire. Par suite, elle n'établit pas la faute qu'elle allègue, qui aurait résulté d'un défaut d'assistance ou d'un manquement du rectorat à son pouvoir d'instruction hiérarchique. Si Mme D... fait valoir, par ailleurs, qu'elle n'a pas bénéficié d'un soutien psychologique et administratif suffisant après les évènements et que le rectorat a mis en doute la régularité de l'organisation du voyage, elle ne précise pas quelles obligations auraient été méconnues par sa hiérarchie. Ainsi, Mme D... n'établit pas l'existence d'un comportement fautif de l'administration après les évènements, à l'origine d'une aggravation de son traumatisme psychologique.

13. Aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / (...) ".

14. Il résulte de l'instruction que par courrier du 8 février 2018, Mme D... a présenté une demande d'intégration dans le corps des agrégés. Ainsi, la mesure par laquelle Mme D... a été intégrée dans le corps des agrégés lui a été accordée à sa demande. A supposer même que Mme D... puisse être regardée comme définitivement inapte à exercer les fonctions de chef d'établissement, elle ne démontre pas l'existence d'une faute de l'administration à l'origine de cette inaptitude. Par ailleurs, la requérante n'établit pas, par les moyens qu'elle invoque, que la mesure d'intégration dont elle a bénéficiée et qu'elle a elle-même sollicitée, à supposer même qu'elle puisse être regardée comme une mesure de reclassement, serait entachée d'illégalité.

15. En l'absence de toute faute à l'origine des pertes de rémunérations liées à son détachement et à son intégration dans le corps des professeurs agrégés, Mme D... n'est pas fondée à engager sur ce point la responsabilité pour faute de l'administration.

16. Il résulte de l'instruction, que les préjudices professionnels invoqués par Mme D... sont sans lien direct avec l'illégalité fautive des décisions refusant l'imputabilité au service de son accident.




17. Si la requérante invoque, par ailleurs, un préjudice relatif aux intérêts de l'emprunt qu'elle a souscrit pour palier la perte de revenus subie entre le mois d'octobre 2016 et le mois de septembre 2020, il résulte de l'instruction que l'administration a régularisé la situation de Mme D... quant à son droit au plein traitement pour la période du 24 mars 2016 au 23 décembre 2016 en janvier 2017. Pour la période de janvier 2017 à avril 2017 et pour la période postérieure au 1er septembre 2017, Mme D... a perçu son plein traitement. Les pertes de revenus liées à l'illégalité fautive des décisions de l'administration sont ainsi limitées à la période du 1er avril au 1er septembre 2017. Dès lors, Mme D... n'établit pas un lien de causalité direct entre la nécessité de souscrire un emprunt et ces pertes de revenus. Par suite, ses conclusions indemnitaires formulées à ce titre doivent être rejetées.

S'agissant des préjudices professionnels invoqués par Mme D... :

18. Mme D... invoque des préjudices professionnels résultant de sa maladie professionnelle. Elle fait état d'une perte de ressources liée à la perte du logement de fonction pour un montant de 12 000 euros, à la perte des indemnités de chef d'établissement pendant un an et demi, pour un montant de 5 737,50 euros, ainsi que des frais de déménagement et la perte des gains professionnels futurs. Il résulte de ce qui a été exposé au point 11 que ces préjudices professionnels, en l'absence de faute de la collectivité publique, ne peuvent être pris en charge que dans le cadre de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984.

S'agissant des préjudices personnels :

19. Mme D..., victime d'un accident de service, peut prétendre à la réparation de l'ensemble des préjudices personnels et patrimoniaux, non compris dans le forfait, qui ont résulté de cet accident. Elle soutient que son préjudice d'angoisse et son préjudice lié à un déficit fonctionnel temporaire, dont la réalité n'est pas contestée en appel, s'élèvent à la somme de 3 000 euros chacun. Dans son rapport d'expertise du 18 avril 2017, le Dr C... a retenu une date de consolidation au 1er septembre 2017, un déficit fonctionnel temporaire de 10 % pour la période du 22 mars 2016 au 31 août 2017, une souffrance endurée de 1 sur une échelle de 7 degrés, une absence d'incapacité permanente partielle et une absence de troubles dans la vie courante. Il y a lieu, par suite, de fixer le montant du préjudice subi par Mme D... à hauteur de de 1 000 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire et de 1 300 euros au titre de la souffrance endurée.

20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... est seulement fondée à demander à ce que le montant de l'indemnité que l'Etat est condamné à lui verser en réparation de ses préjudices soit porté à la somme de 11 619,30 euros. Par suite, le surplus de ses conclusions indemnitaires doit être rejeté.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Mme D... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.



D É C I D E :

Article 1er : Le montant de l'indemnité que l'Etat est condamné à verser à Mme D... est porté à la somme de 11 619,30 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : l'Etat versera à Mme D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par Mme D... est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Montpellier.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gilles Taormina, président assesseur,
- M. F... Point, premier conseiller,
- M. Olivier Guillaumont, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2021.


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N° 20MA03681