CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 23/12/2021, 19BX03901, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... C... a demandé au tribunal des pensions militaires de Toulouse d'annuler la décision du 12 janvier 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité de " subluxation rotulienne, gonalgie récurrente gauche ".
Par un jugement du 16 avril 2019, le tribunal a annulé cette décision et a enjoint à la ministre de liquider la pension d'invalidité de M. A... C... au taux de 10 % avec effet à compter du 20 mai 2016.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 mai 2019, et un mémoire enregistré le 19 janvier 2021, la ministre des armées demande à la cour d'annuler ce jugement.
Elle soutient que :
- le jugement, qui se borne à décrire l'instruction de la demande, n'est pas motivé au sens de l'article L. 26 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le tribunal a retenu un taux imputable au service de 10 % en se fondant à tort sur une expertise réalisée le 18 décembre 2012 par le médecin chef du centre médical des armées de Montauban, laquelle a fait application, pour une transaction portant sur des préjudices distincts de ceux qui font l'objet de la demande de pension, du barème de droit commun des accidents du travail, et non de celui prévu par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la proposition d'un taux de 10 % par l'expertise réalisée le 28 septembre 2017 n'a pas été suivie car M. A... C... avait un antécédent déclaré de maladie d'Osgood Schlatter, souffrance de l'insertion basse du ligament rotulien au niveau de la tubérosité tibiale antérieure, et un antécédent non déclaré d'entorse grave du genou gauche ; il a présenté à l'occasion du service une gonalgie avec sensation de pseudo blocage lors d'une séance de " techniques d'interventions opérationnelles rapprochées " le 24 mars 2009 ; cette symptomatologie était progressive dès lors que l'intéressé n'a consulté que le lendemain ; l'examen clinique du 25 mars 2009 est concordant avec un phénomène inflammatoire chronique de la rotule en lien avec une dysplasie du bord médial de la rotule, confirmée à l'IRM du 11 avril 2009 ; l'imagerie a montré que la rupture du ligament croisé antérieur était ancienne de par l'aspect du tendon et l'absence d'épanchement intra-articulaire ; cette lésion, prédominante dans la symptomatologie fonctionnelle, est en lien avec l'antécédent d'entorse grave du genou ; ainsi, le taux global de 15 % doit être réparti à raison de 10 % en lien avec l'antécédent d'entorse grave du genou et 5 % en lien avec le service lors de la subluxation de rotule sur dysplasie médiale.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 février 2020, M. A... C..., représenté par la SCP Pujol-Gros, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- aucun autre accident n'étant susceptible d'avoir aggravé sa situation, le taux de 10 % imputable au service évalué par l'experte doit être retenu ;
- comme l'a relevé le jugement, ce taux est en cohérence avec une expertise réalisée le 18 décembre 2012 par le médecin chef du centre médical des armées de Montauban, et la ministre ne démontre pas l'existence alléguée d'une confusion entre les régimes applicables aux accidents du travail et aux pensions militaires d'invalidité.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., qui a servi en qualité de soldat de première classe au sein des forces d'action terrestre de la 11ème brigade parachutiste et a été rayé des contrôles le 26 octobre 2010, a présenté le 20 mai 2016 une demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité de " subluxation rotulienne, gonalgie récurrente gauche " attribuée à un traumatisme survenu lors d'un parcours d'obstacles le 24 mars 2009. L'expertise médicale réalisée le 28 septembre 2017 a retenu un taux global d'invalidité de 15 %, dont 5 % étranger au service et 10 % à retenir. Par une décision du 12 janvier 2018, la ministre des armées a rejeté la demande de M. A... C... au motif que les séquelles de l'accident du 24 mars 2009 entraînaient un degré d'invalidité inférieur au taux minimum requis de 10 %. La ministre relève appel du jugement du 16 avril 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires de Toulouse a annulé cette décision et lui a enjoint de liquider la pension d'invalidité de M. A... C... au taux de 10 % avec effet à compter du 20 mai 2016. La procédure a été transmise à la cour administrative d'appel de Bordeaux en application de la loi du 13 juillet 2018 susvisée.
Sur la régularité du jugement :
2. Contrairement à ce que soutient la ministre des armées, le jugement ne se borne pas à décrire l'instruction de la demande, mais cite les dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dont il fait application, et indique les motifs pour lesquels il retient un droit à une pension d'invalidité au taux de 10 %. Il est ainsi suffisamment motivé. Pour contester sa régularité, la ministre ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 26 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, abrogées à la date du jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / (...). "
4. En premier lieu, le moyen tiré de ce que le tribunal se serait à tort fondé sur une expertise du 18 décembre 2012 faisant application du barème de droit commun des accidents du travail ne peut qu'être écarté dès lors que le jugement ne mentionne cette expertise qu'en tant qu'elle corrobore le taux de 10 % imputable au service retenu par celle du 28 septembre 2017, laquelle fait application du barème prévu par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.
5. En second lieu, selon le rapport établi le 2 avril 2009 par le commandant de formation, M. A... C... a subi le 24 mars 2009 un traumatisme du genou gauche en percutant celui-ci sur un obstacle du parcours collectif. Si la fiche médicale de consultation du 25 mars 2009 mentionne des gonalgies gauches diffuses évoluant depuis quelques jours et une notion d'entorse grave avant l'engagement, elle fait état d'un " Lachman + " (signe d'une rupture du ligament croisé antérieur) en relation avec le choc rotulien et conclut que le syndrome rotulien a été décompensé sur une probable lésion du pivot central. Les constatations médicales contemporaines de l'accident concordent ainsi avec l'expertise réalisée le 28 septembre 2017, laquelle conclut à une rupture du ligament croisé antérieur post traumatique avec décompensation d'une dysplasie trochléenne amyotrophe. Dès lors que la blessure reçue en service le 24 mars 2009 a décompensé la pathologie congénitale, alors que le certificat d'aptitude avait fait état de gonalgies de croissance sans séquelle, la ministre n'est pas fondée à contester la répartition, retenue par l'experte et par le tribunal, du taux d'invalidité de 15 % entre 10 % imputable au service et 5 % résultant de l'état antérieur.
6. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de Toulouse a annulé sa décision du 12 janvier 2018 et lui a enjoint de liquider la pension d'invalidité de M. A... C... au taux de 10 % avec effet à compter du 20 mai 2016.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. A... C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. D... A... C....
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
M. Nicolas Normand, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2021.
La rapporteure,
Anne B...
La présidente,
Catherine GiraultLa greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX03901