CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 24/12/2021, 19MA04808, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille d'annuler la décision en date du 6 octobre 2017 par laquelle la ministre des armées lui a refusé le bénéfice d'une pension militaire d'orpheline majeure infirme, du chef de son père, et de lui accorder cette pension.
Par un jugement n° 18/00036 du 11 octobre 2018, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
La cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête et le mémoire présentés par Mme A..., enregistrés à son greffe les 9 janvier et 17 juin 2019.
Par cette requête et ce mémoire, Mme A..., représentée par Me Ettori, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille du 11 octobre 2018 ;
2°) avant dire droit, de désigner un expert médical pour l'examiner en Algérie et se prononcer sur l'impossibilité pour elle de gagner sa vie, liée à son infirmité permanente ;
3°) d'annuler la décision en date du 6 octobre 2017 par laquelle la ministre des armées lui a refusé le bénéfice de la pension militaire d'orpheline majeure infirme, du chef de son père ;
4°) de lui accorder cette pension, à compter du 23 mars 2011, date de sa demande, ainsi que les arrérages de la pension sur trois années ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de Me Ettori, la somme de 2 000 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la pathologie dont elle souffre est incurable et l'empêche d'occuper un emploi, ainsi que le montrent les certificats médicaux produits ;
- le médecin expert qui l'a examinée à l'ambassade de France à Alger n'est pas un spécialiste de cette pathologie ;
- son état de santé, justifiant un taux d'invalidité de 60%, confirmé par les certificats médicaux versés au dossier et faisant obstacle à l'exercice d'un métier, contredit les affirmations du compte rendu administratif sur lequel s'appuie la ministre en défense et qui invoque à tort le respect par elle de coutumes locales ;
- elle n'a d'ailleurs jamais travaillé et ne justifie d'aucune ressource propre, compte tenu notamment de son instance de divorce.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 mars et 12 juillet 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., de nationalité algérienne, fille d'un militaire de carrière décédé le
16 août 1990, a sollicité auprès du ministre de la défense, le 23 mars 2011, le bénéfice d'une pension d'orphelin majeur infirme. Cette demande a été rejetée par décision de la ministre des armées du 6 octobre 2017. Par jugement du 11 octobre 2018, dont Mme A... relève régulièrement appel, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à l'octroi de cette pension.
2. Aux termes de l'article L. 57 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur au jour du dépôt de la demande de pension de Mme A... : " Les orphelins, les enfants adoptifs et les enfants de conjoints survivants, bénéficiaires du présent code, atteints d'une infirmité incurable ne leur permettant pas de gagner un salaire dont le montant est fixé par décret, conservent, soit après l'âge de vingt et un ans, soit après l'âge de dix-huit ans, le bénéfice de la pension dont ils sont titulaires ou de la majoration à laquelle ils ont droit, sauf dans le cas où ils pourraient être hospitalisés aux frais de l'Etat ".
3. L'ouverture du droit à l'avantage que prévoient les dispositions législatives précitées est subordonnée à la condition que le demandeur, appartenant à l'une des catégories énumérées, soit atteint, à la date à laquelle, selon le cas, il est devenu majeur, ou à dix-huit ans révolus, d'une infirmité présentant le double caractère d'être incurable et de mettre l'intéressé dans l'impossibilité de gagner sa vie. Le taux d'invalidité ne constitue pas en lui-même un critère permettant d'apprécier l'ouverture de ce droit à pension.
4. Il résulte de l'instruction qu'au cours d'un entretien avec une conseillère administrative et sociale de l'ambassade de France d'Alger, tenu le 1er avril 2014 pour l'instruction de sa demande, dont les indications du compte rendu joint au dossier d'instance ne sont pas arguées de faux et font foi jusqu'à preuve du contraire, Mme A... a déclaré ne pas travailler au décès de son père, non pas en raison de son état de santé, mais du fait de l'opposition de son frère, également opposé à la poursuite de ses études. Si l'ensemble des certificats médicaux établis à compter du 23 avril 2013, ainsi d'ailleurs que l'avis de la commission consultative médicale du 24 novembre 2014, démontre que la polyarthrite rhumatoïde invalidante avec lombalgies chroniques dont souffre la requérante constitue, depuis 1975, une infirmité permanente et incurable, ni ces pièces ni aucune autre du dossier, qui ne sont pas contemporaines de l'acquisition de sa majorité, pas même les certificats d'un rhumatologue des 23 avril 2013 et 25 novembre 2018 et d'un médecin de rééducation du 17 décembre 2018, ne permettent de considérer que, du fait de cette infirmité, et malgré le taux d'invalidité de 60 % retenu de ce chef, elle se trouvait dans l'impossibilité de gagner sa vie à la date à laquelle elle est devenue majeure ou à ses dix-huit ans révolus. La circonstance que l'intéressée a été à la charge de son père jusqu'à son décès, que mariée en 1996, elle n'a jamais exercé de métier, ainsi que le montrent les attestations de non-affiliation aux caisses algériennes de sécurité sociale dont elle se prévaut, et qu'elle est en instance de divorce et ce faisant dépourvue de toute ressource, demeure, compte tenu des dispositions de l'article L. 57 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, sans incidence sur ses droits à pension. Ainsi, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions à fin de versement des arrérages de pension et ses prétentions relatives aux frais d'instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2: Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Ettori et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 21 décembre 2021, où siégeaient :
- M. Revert, président,
- Mme Marchessaux, première conseillère,
- Mme Renault, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 décembre 2021.
N° 19MA048084