CAA de PARIS, 8ème chambre, 31/01/2022, 20PA03455, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision31 janvier 2022
Num20PA03455
JuridictionParis
Formation8ème chambre
PresidentM. LE GOFF
RapporteurMme Aude COLLET
CommissaireMme BERNARD
AvocatsSTARK

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'annuler la décision de la ministre des armées du 4 mars 2019 en tant qu'elle a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour les trois infirmités " tendinopathie du supra-épineux associée à une omarthrose débutante de l'épaule gauche. Limitation de la mobilité articulaire " au taux de 30 %, " lombalgies chroniques, en rapport avec des discopathies lombaires étagées associées à des lésions d'arthrose postérieure " au taux de 25 % et " enthésopathie du tendon d'Achille droit associée à une épine calcanéenne. Limitation à la marche " au taux de 15 %.

Par un jugement n° 1923842/5-3 du 16 septembre 2020, le Tribunal administratif de Paris, auquel le recours a été transféré en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 novembre 2020 et 31 décembre 2021, M. A..., représenté par Me Stark, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1923842/5-3 du 16 septembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision de la ministre des armées du 4 mars 2019 en tant qu'elle a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour les trois infirmités " tendinopathie du supra-épineux associée à une omarthrose débutante de l'épaule gauche. Limitation de la mobilité articulaire " au taux de 30 %, " lombalgies chroniques, en rapport avec des discopathies lombaires étagées associées à des lésions d'arthrose postérieure " au taux de 25 % et " enthésopathie du tendon d'Achille droit associée à une épine calcanéenne. Limitation à la marche " au taux de 15 % ;

3°) de lui attribuer un droit à pension pour ces trois infirmités à compter du 7 novembre 2016, date de sa demande ;

4°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de l'infirmité " enthésopathie du tendon d'Achille droit associée à une épine calcanéenne. Limitation à la marche " :
- le jugement contesté et la décision de la ministre des armées du 4 mars 2019 sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation, d'une dénaturation des documents administratifs et militaires et d'une violation de la loi en considérant que cette infirmité devait être examinée sous le régime de la maladie au lieu de celui de la blessure par accident ;

S'agissant de l'infirmité " lombalgies chroniques, en rapport avec des discopathies lombaires étagées associées à des lésions d'arthrose postérieure " :
- celle-ci résulte d'un accident survenu le 31 août 1999, confirmée par une inscription au registre des constatations des blessures et des maladies de son unité ;

S'agissant de l'infirmité " tendinopathie du supra-épineux associée à une omarthrose débutante de l'épaule gauche. Limitation de la mobilité articulaire " :
- elle n'est pas la conséquence d'une maladie mais d'accidents et par conséquent de blessures imputables au service de sorte que le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, d'une dénaturation des pièces médicales et administratives et d'une violation des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 mars 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. A... et à la confirmation du jugement n° 1923842/5-3 du 16 septembre 2020 du Tribunal administratif de Paris et de sa décision du 4 mars 2019.

Elle soutient que :

- la requête n'est pas motivée ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant allemand, né le 2 novembre 1964, s'est engagé dans la Légion étrangère à compter du 23·février 1991 et a été rayé des contrôles le 26 février 2006 au grade de caporal-chef. Par une demande enregistrée le 7 novembre 2016, M. A... a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour les infirmités liées aux " douleurs invalidantes au niveau du rachis lombaire, de l'épaule gauche et des chevilles ". Par arrêté du 4 mars 2019, la ministre des armées lui a concédé une pension militaire d'invalidité temporaire du 7 novembre 2016 au 6 novembre 2019 au taux de 15 % pour l'infirmité " séquelles fonctionnelles de traumatisme de la malléole externe droite. Arthrose tibio-fibulo-talienne " et a rejeté les demandes concernant les infirmités " tendinopathie du supra-épineux associée à une omarthrose débutante de l'épaule gauche. Limitation de la mobilité articulaire ", " lombalgies chroniques, en rapport avec des discopathies lombaires étagées associées à des lésions d'arthrose postérieure " et " enthésopathie du tendon d'Achille droit associée à une épine calcanéenne. Limitation à la marche ". Par jugement n° 1923842/5-3 du 16 septembre 2020, dont M. A... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la ministre des armées du 4 mars 2019 en tant qu'elle a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour les trois infirmités précitées.

Sur la régularité du jugement :

2. Si M. A... soutient que le jugement attaqué a dénaturé les documents administratifs et militaires du dossier s'agissant de l'infirmité " enthésopathie du tendon d'Achille droit associée à une épine calcanéenne. Limitation à la marche " et les pièces médicales et administratives du dossier s'agissant de l'infirmité " tendinopathie du supra-épineux associée à une omarthrose débutante de l'épaule gauche. Limitation de la mobilité articulaire ", le moyen tiré de la dénaturation des pièces n'est pas susceptible d'être utilement soulevé devant le juge d'appel mais seulement devant le juge de cassation. Par suite, le moyen, qui est inopérant, doit être écarté.

Sur le droit à pension de M. A... :

3. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur à la date de la demande de bénéfice de la pension : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". Selon l'article L. 3 du même code alors en vigueur : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code alors en vigueur : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples. / En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. / Toutefois, si le pourcentage total de l'infirmité aggravée est égal ou supérieur à 60 %, la pension est établie sur ce pourcentage ". Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2, L. 3 et L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que lorsque la présomption légale d'imputabilité ne peut être invoquée, l'intéressé doit apporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'infirmité et un fait précis ou des circonstances particulières de service. Cette relation de causalité est requise aussi bien en cas d'infirmité trouvant sa cause exclusive dans le service qu'en cas d'aggravation par le service d'une infirmité préexistante ou concomitante au service et vaut pour toutes les affections y compris celles de nature psychologique. Enfin, l'existence d'une telle relation ne peut résulter de la seule circonstance que l'infirmité ou l'aggravation ait été révélée durant le service, ni d'une vraisemblance ou d'une hypothèse, ni des conditions générales du service.

S'agissant de l'infirmité " enthésopathie du tendon d'Achille droit associée à une épine calcanéenne. Limitation à la marche " :

4. M. A... soutient qu'au moment de son incorporation, aucune maladie n'a été diagnostiquée et qu'ensuite, il est établi par son livret médical militaire et des rapports circonstanciés et inscriptions au registre des constatations qu'il souffre d'une infirmité siégeant à la cheville droite liée à des accidents survenus en service. Il se prévaut ainsi de deux rapports circonstanciés rédigés les 9 novembre 1999 et 30 mai 2000 constatant la survenance d'une blessure au pied droit lors d'une séance de saut en parachute qualifiée pour la première par le médecin des armées comme étant une " talonnade, pied droit " ainsi que de celui rédigé le 2 août 2001 mentionnant que suite à une séance de saut en parachute, il a atterri brutalement et a ressenti une vive douleur à la cheville droite, blessure reçue par le fait du service qui a entraîné selon la fiche descriptive des infirmités du 4 mars 2019 des séquelles fonctionnelles de " traumatisme de la malléole externe droite. Arthrose tibiofibulo-talienne ".

5. Toutefois, si M. A... soutient que ces trois faits de service permettent d'établir que son tendon d'Achille droit a été traumatisé, au moins à trois reprises, et qu'il n'y a pas de maladie étrangère au service mais uniquement des accidents survenus en service, il résulte toutefois de l'instruction que la scintigraphie osseuse réalisée le 24 septembre 2002 dans le cadre d'une " douleur traînante de l'arrière pied droit dans les suites d'une entorse " a permis seulement de constater la présence d'une souffrance articulaire modérée prédominant au niveau du compartiment postérieur de la cheville droite sans signe d'algodystrophie et les différents examens réalisés après le dernier accident du 2 août 2001 et qui sont mentionnés dans son livret médical n'ont pas davantage permis de déceler de lésion traumatique du talon d'Achille ou la présence d'une épine calcanéenne. Ces pathologies n'ont été décelées que dans le compte rendu radiographique du 2 octobre 2015 du docteur C... qui mentionne avoir retrouvé " un point douloureux sous la plante du pied évocateur d'une épine calcanéenne et des douleurs d'enthésopathie sur le tendon d'Achille ".

6. Il suit de là, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise s'agissant de cette infirmité, que, dès lors que l'infirmité " enthésopathie du tendon d'Achille droit associée à une épine calcanéenne. Limitation à la marche " dont souffre M. A... n'est apparue que postérieurement à sa radiation des contrôles sans que l'existence d'une relation directe et certaine entre cette infirmité et un fait précis ou des circonstances particulières de service puisse être établie, alors, par ailleurs, que la présomption d'imputabilité ne peut davantage s'appliquer en l'espèce, les premiers juges et la ministre des armées ont pu, sans entacher le jugement et la décision d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une violation de la loi, rejeter sa demande de bénéfice de pension militaire d'invalidité au titre de cette infirmité.

S'agissant de l'infirmité " lombalgies chroniques, en rapport avec des discopathies lombaires étagées associées à des lésions d'arthrose postérieure " :

7. M. A... soutient qu'au moment de son incorporation, aucune maladie n'a été diagnostiquée et qu'il a été victime selon les mentions figurant sur le registre des constatations des blessures et des maladies de son unité d'un accident survenu le 31 août 1999 lors d'un saut en parachute " suite à une rafale de vent heurte violemment le sol à l'atterrissage. Il ressent une vive douleur au dos et au niveau de la hanche " de sorte que l'infirmité pour laquelle il sollicite le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité est, selon lui, liée à un accident survenu en service et donc d'une blessure.

8. Il résulte, toutefois, de l'instruction que dans le rapport circonstancié relatif à l'accident précité, le médecin chef du 2ème régiment étranger de parachutistes mentionne seulement la présence d'une contusion simple du rachis cervical et la radiographie réalisée le 4 septembre 1999 notée dans son livret médical n'a rien décelé. Par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise s'agissant de cette infirmité, M. A..., en se bornant à se prévaloir de l'existence de l'accident précité, n'établit pas que l'infirmité " lombalgies chroniques (...) " dont il souffre soit en relation directe et certaine avec un fait précis ou des circonstances particulières de service alors, par ailleurs, que la présomption d'imputabilité ne peut s'appliquer en l'espèce. C'est ainsi à bon droit que les premiers juges et la ministre des armées ont pu rejeter sa demande de bénéfice de pension militaire d'invalidité au titre de cette infirmité.

S'agissant de l'infirmité " tendinopathie du supra-épineux associée à une omarthrose débutante de l'épaule gauche. Limitation de la mobilité articulaire " :

9. M. A... soutient qu'au moment de son incorporation, aucune maladie n'a été diagnostiquée et que son infirmité est la conséquence de l'accident dont il a été victime le 1er octobre 1992.

10. S'il résulte de l'instruction, et notamment du livret médical de M. A..., qu'il a effectivement été victime le 1er octobre 1992, lors d'un atterrissage, d'une chute sur le moignon de l'épaule gauche lui causant une luxation antéro-interne réduite sur le terrain, cette circonstance ne suffit pas à elle seule à établir le lien de causalité direct entre cet accident et l'infirmité dont il souffre. En se bornant à contester l'appréciation faite par la ministre des armées s'agissant de cette infirmité et à faire valoir que l'administration, sans justifier par une démonstration médicale son allégation, cherche à limiter l'accès au droit à pension, M. A..., à qui il appartient d'apporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'infirmité dont il se prévaut et un fait précis ou des circonstances particulières de service, n'établit pas que le jugement attaqué serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une violation des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise s'agissant de cette infirmité, cette dernière infirmité ne peut davantage lui ouvrir droit à une pension militaire d'invalidité.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre des armées, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la ministre des armées du 4 mars 2019 en tant qu'elle a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour les trois infirmités " tendinopathie du supra-épineux associée à une omarthrose débutante de l'épaule gauche. Limitation de la mobilité articulaire " au taux d'invalidité de 30 %, " lombalgies chroniques, en rapport avec des discopathies lombaires étagées associées à des lésions d'arthrose postérieure " au taux de 25 % et " enthésopathie du tendon d'Achille droit associée à une épine calcanéenne. Limitation à la marche " au taux d'invalidité de 15 %. Par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2022.


La rapporteure,




A. COLLET Le président,




R. LE GOFF
La greffière,




E. VERGNOL
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA03455