CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 01/02/2022, 19MA05035, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision01 février 2022
Num19MA05035
JuridictionMarseille
Formation4ème chambre
PresidentM. BADIE
RapporteurM. Alexandre BADIE
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsAIT-AMMI

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler la décision du 30 octobre 2017 par laquelle la ministre des armées a limité à 10 % le taux imputable au service de son infirmité " séquelles d'entorse du genou droit, rupture du ligament croisé antérieur. Dilacération du ligament croisé postérieur. Lésion du ménisque interne. Ligamentoplastie " au titre de laquelle elle lui a accordé, à ce taux une pension militaire d'invalidité temporaire, à compter du 8 février 2016 et de lui reconnaître un droit à pension militaire d'invalidité, au titre de cette même infirmité, au taux de 20 %.
Par un jugement n° 17/00146 du 14 mars 2019, le tribunal des pensions de Marseille a annulé la décision de la ministre des armées en tant qu'elle limitait le droit à pension militaire d'invalidité de M. A..., pour cette infirmité, à 10 % et lui en a accordé le bénéfice, à compter du 8 février 2016, au taux de 20 %, imputable en totalité à l'accident de service dont il avait été victime le 27 juin 1984.


Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 mai 2019 par la Cour régionale des pensions militaires d'Aix-en Provence, la ministre des armées relève appel du jugement du tribunal des pensions militaires de Marseille du 31 janvier 2019 dont elle demande l'annulation.


Elle soutient que, si l'infirmité globale de M. A... a été évaluée à juste titre à 20 %, seuls 10% de cette infirmité, résultant de la blessure survenue durant le service le 27 juin 1984, est imputable au service, les 10 % restant étant imputables à une blessure intervenue en 1987 en dehors du service et qui ne présente pas de lien avec la blessure subie en 1984.


Par deux mémoire en défense, enregistrés les 7 août 2019 et 12 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Ait-Ammi, conclut au rejet de la requête de la ministre des armées.

Il soutient, d'une part, que l'accident du 21 novembre 2017 est en lien avec le service et, d'autre part, que son infirmité est entièrement imputable à l'entorse grave dont il a alors été victime lors de l'accident du 27 juin 1984.


Par acte de transmission du dossier, enregistré le 1er novembre 2019, et en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Marseille est saisie de la présente affaire.


Par un mémoire, enregistré par la Cour le 10 février 2020, la ministre des armées maintient ses conclusions présentées devant la cour régionale des pensions militaires des pensions d'Aix-en-Provence, par les mêmes moyens.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Badie,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. M. E... A..., né le 20 novembre 1954, chef d'escadron de gendarmerie rayé des contrôles le 2 août 2007, a sollicité, le 8 février 2016, l'octroi d'une pension militaire d'invalidité pour des séquelles d'entorse du genou droit. Par décision du 30 octobre 2017, la ministre des armées a fixé le taux de son infirmité " séquelles d'entorse du genou droit, rupture du ligament croisé antérieur. Dilacération du ligament croisé postérieur. Lésion du ménisque interne. Ligamentoplastie " au taux de 20 %, dont 10% imputables au service, et lui a accordé en conséquence une pension militaire d'invalidité temporaire au taux de 10 %, à compter du
8 février 2016. Par jugement du 14 mars 2019 dont la ministre des armées relève appel, le tribunal des pensions de Marseille a annulé la décision de la ministre des armées en tant qu'elle limitait le droit à pension militaire d'invalidité de M. A..., pour cette infirmité, à 10 % et lui en a accordé le bénéfice, à compter du 8 février 2016, au taux de 20 %, imputable en totalité à l'accident de service dont il avait été victime le 27 juin 1984.
2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur à la date de la demande : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ", et aux termes de l'article L. 3 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) ".
3. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 citées ci-dessus que, lorsque le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il incombe à ce dernier d'apporter la preuve de cette imputabilité par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges
4. Il ressort des pièces du dossier que, le 24 juin 1984, M. A... a été victime d'une chute, lors d'un match de football disputé dans le cadre du service. A la suite d'un examen réalisé le 28 juin 1984 à l'hôpital d'instruction des armées (HIA) Bégin à Saint-Mandé (94), une hémartrose secondaire à une entorse grave du genou droit lui a été diagnostiquée. L'arthroscopie réalisée le 28 juin 1984 a mis en évidence les lésions suivantes " tendon du poplité éclaté, rupture complète du croisé, faisceau intérieur rompu au plafond rétracté, dilacéré à son extrémité, insuturable, faisceau postérieur complètement dilacéré sur toute son étendue et désinséré au plafond, insuturable ". Le 21 septembre 1987, une glissade au sortir de la douche lui a causé une vive douleur au genou qui l'a amené à consulter à nouveau à l'HIA Bégin. Une nouvelle arthroscopie alors réalisée a donné lieu aux constatations suivantes : " blocage méniscal et hémarthrose : destruction très avancée du ménisque interne, de grade III, à type méniscose (...) rupture ligament croisé antérieur, en nourrice sur le ligament croisé postérieur (...) ".
Le 2 juin 1988, une " laxité ligamentaire séquellaire de l'accident de juin 1984, avec instabilité articulaire nécessitant une intervention chirurgicale " était constatée par le docteur D..., médecin examinateur du service de santé de la légion de gendarmerie d'Ile-de-France qui indiquait en outre, dans un certificat médical établi à la même date que " en 1987 [M. A...] a subi une ménisectomie sous arthroscopie qui est la conséquence de l'accident de 1984 ". Enfin, M. A... a subi le 15 janvier 1991 une ligamentoplastie croisée antérieure. Il résulte des pièces médicales versées au dossier, et en particulier de l'expertise médicale réalisée par le
docteur B..., en date du 25 novembre 2016, que M. A... souffrait depuis l'accident de 1984 d'une instabilité chronique du genou droit, responsable de l'ensemble des lésions constatées, dont certaines ont été mises en évidence à l'occasion de l'accident de 1987, sans que ce dernier en constitue une cause distincte. Certes, le livret médical de l'intéressé indique, à la date du
22 septembre 1987, que depuis son immobilisation de 45 jours ayant suivi l'entorse du genou droit dont avait été victime M. A... en 1984, celui-ci présente un " genou stable, pas d'hydrarthrose, pas de douleur ", et le docteur C..., médecin chargé des pensions militaires d'invalidité à la sous-direction des pensions, qui n'a pas examiné l'intéressé, mentionne dans son avis que " conformément à l'avis du CCM du 28 février 1989 ", " l'entorse du genou droit décelée le 21 septembre 1987 ne peut en aucun cas être rattachée à un fait de service " et est " sans lien avec l'entorse éprouvée le 27 juin 1984 ", indications qui motivent la décision de la ministre des armées, qui ne conteste pas le taux d'infirmité global de 20% retenu par l'expert, d'imputer la moitié seulement de ce taux au service. Mais ces seules circonstances ne permettent pas de remettre en question les conclusions de l'expertise du docteur B..., précises, circonstanciées, et relevant l'ensemble des constatations médicales qui ont été faites postérieurement à la blessure dont M. A... a été victime en 1984.
5. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Marseille a annulé la décision de la ministre des armées en tant qu'elle limitait le droit à pension militaire d'invalidité de M. A..., pour l'infirmité " séquelles d'entorse du genou droit, rupture du ligament croisé antérieur. Dilacération du ligament croisé postérieur. Lésion du ménisque interne. Ligamentoplastie ", à 10 % et a accordé à ce titre à l'intéressé le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité, à compter du 8 février 2016, au taux de 20 %, imputable en totalité à l'accident de service dont il avait été victime le 27 juin 1984.
D É C I D E :


Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées, à Me Ait-Ammi et à M. E... A....
Copie en sera transmise à M. B..., expert.


Délibéré après l'audience du 18 janvier 2022, où siégeaient :

- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2022.


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N°19MA05035