CAA de NANTES, 6ème chambre, 27/09/2022, 21NT03104, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision27 septembre 2022
Num21NT03104
JuridictionNantes
Formation6ème chambre
PresidentM. GASPON
RapporteurM. Olivier COIFFET
CommissaireMme MALINGUE
AvocatsAARPI VIA AVOCATS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes, tout d'abord, d'annuler la décision du 4 février 2019 par laquelle le recteur de l'académie de Rennes l'a admis à la retraite d'office pour invalidité à compter du 24 mai 2017, ensuite, d'enjoindre à l'État de le réintégrer dans l'éducation nationale avec effet rétroactif et d'évaluer le " choc que constitue cette procédure " depuis plus de dix ans et la " violence que représente la remise en cause répétée de sa rationalité ", enfin, d'ordonner une nouvelle expertise psychiatrique.

Par un jugement n° 1902109 du 15 septembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 novembre 2021, M. A..., représenté par Me Collet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 septembre 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 4 février 2019 du recteur de l'académie de Rennes ;

3°) d'ordonner, à titre subsidiaire, une expertise ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- le jugement attaqué qui méconnait les dispositions de l'article R.741-7 du code de justice administrative est entaché d'irrégularité ;
- sur le fond, c'est à tort que le tribunal a estimé que le recteur n'avait commis aucune erreur d'appréciation sur son état de santé alors qu'il est parfaitement apte à reprendre ses fonctions de professeur des écoles ; son état de santé ne relève nullement d'une inaptitude totale et définitive ; un avis médical du 11 février 2015 a en effet estimé que son état permettait, après un congé de longue durée d'office, une reprise à temps plein ;
- l'arrêté contesté n'est pas motivé ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2022, le recteur de l'Académie de Rennes conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique.


Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 4 février 2019, le recteur de l'académie de Rennes a, après avoir recueilli, lors d'une séance du 22 novembre 2018, l'avis de la commission de réforme, admis d'office M. A..., professeur des écoles, à la retraite pour invalidité à compter du 24 mai 2017, en raison de son incapacité définitive et absolue à exercer ses fonctions. Le 7 mars 2019, il a formé un recours gracieux qui a été rejeté implicitement.

2. M. A..., le 29 avril 2019, a alors saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 4 février 2019 du recteur de l'académie de Rennes, à ce qu'il soit enjoint à l'État de le réintégrer dans l'éducation nationale avec effet rétroactif et d'évaluer le " choc que constitue la procédure " engagée depuis plus de dix ans et la " violence que représente la remise en cause répétée de sa rationalité ", enfin, à ce que soit ordonnée une nouvelle expertise psychiatrique. M. A... relève appel du jugement du 15 septembre 2021 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée

par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Contrairement à ce qui est allégué par M. A..., il ressort des pièces du dossier que la minute
du jugement attaqué est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier de l'audience. Le moyen tiré de l'irrégularité de ce jugement pour ce motif ne peut donc qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui : (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " En application de ces dispositions, la décision qui, comme l'arrêté contesté, met fin avant son terme normal à la carrière d'un fonctionnaire, est au nombre de celles qui doivent être motivées.

5. L'arrêté portant admission à la retraite pour invalidité de M. A... vise les textes législatifs et réglementaires applicables à sa situation, en particulier le code des pensions civiles et militaires, notamment ses articles L.27, L.29 et L.3, la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, notamment son article 24, la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ainsi que l'avis en date du 22 novembre 2018 de la commission de réforme départementale dont il rappelle qu'elle a estimé que " l'intéressé est dans l'impossibilité définitive et absolue d'exercer ses fonctions " et l'avis conforme du ministre du budget. Par ailleurs, le recteur de l'académie de Rennes s'est expressément fondé, à l'article unique de l'arrêté contesté, sur cet avis de la commission de réforme du 22 novembre 2018, dont il s'est approprié les motifs, pour décider que M. C... A..., professeur des écoles de classe normale " était admis à la retraite pour invalidité à compter du 24 mai 2017, en raison de son incapacité définitive et absolue à exercer ses fonctions ". La décision contestée comporte ainsi l'énoncé des motifs de droit et des considérations de fait qui en constituent le fondement et satisfait aux exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

6. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement, ou à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si celle-ci a été prononcée en application de l'article 36 (2°) de l'ordonnance du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application de l'article 36 (3°) de ladite ordonnance (...) ".

7. Aux termes, d'autre part, de l'article 47 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi (...), soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme (...) ".

8. M. A..., qui soutient à nouveau en appel qu'il est parfaitement apte à exercer ses fonctions de professeur des écoles, se prévaut exclusivement du rapport établi le 11 février 2015 par le docteur D..., expert désigné, qui avait alors estimé que " son état permettait, après un congé de longue durée d'office, une reprise à temps plein ". Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier qu'à cette date, la question posée n'était pas encore celle de " l'inaptitude de ce professeur à ses fonctions et à toutes fonctions " et que, d'ailleurs, après avis défavorable du 26 mars 2015 du comité médical départemental (CMD) qui avait été destinataire de ce rapport, le recteur de l'académie de Rennes a, par une décision définitive du 31 mars 2015 étrangère au présent litige, refusé de réintégrer l'intéressé et s'est prononcé pour une prolongation d'un an de son congé de longue durée à compter du 24 novembre 2014. L'invocation du rapport du 11 février 2015 demeure ainsi sans incidence sur l'appréciation de la situation de fait prise en compte par l'arrêté contesté. D'autre part, il est constant que postérieurement à cette décision, le CMD a, les 22 octobre 2015 et 25 août 2016, émis des avis favorables au renouvellement du congé de longue durée de l'agent, le comité en question émettant en dernier lieu un avis d'inaptitude totale à ses fonctions et à toutes fonctions à l'issue de ses droits à congé de longue durée, que le comité médical supérieur a, quant à lui, le 23 mai 2017, confirmé en tous points les conclusions de ces avis médicaux. Enfin, et surtout, ainsi qu'il a été rappelé au point 5, c'est en prenant en compte l'avis de la commission de réforme du 22 novembre 2018, intervenu plus de trois ans après l'avis dont se réclame M. A..., aux termes duquel " l'intéressé est dans l'impossibilité définitive et absolue d'exercer ses fonctions ", que l'arrêté contesté a été pris. Or, aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause le bien-fondé de la décision du recteur de l'académie de Rennes prise au vu de l'avis de la commission de réforme, confirmant les avis du comité médical départemental et du comité médical supérieur, tous convergents, quant à l'inaptitude définitive et absolue de l'intéressé à l'exercice de toute fonction. Le moyen tiré de l'erreur d'appréciation sera écarté.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 4 février 2019 du recteur de l'académie de Rennes.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au recteur de l'académie de Rennes.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, premier conseiller,
- Mme Gélard, première conseillère.



Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 septembre 2022.
Le rapporteur,
O. B...
Le président,
O. GASPON
La greffière,
S. PIERODE
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.



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