CAA de LYON, , 30/09/2022, 22LY02046, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision30 septembre 2022
Num22LY02046
JuridictionLyon
AvocatsSELARL JEAN-PIERRE & WALGENWITZ

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure
Mme C... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, de désigner un expert chargé de donner son avis sur l'imputabilité ou non au service de la pathologie initiale dont elle souffre au genou gauche et d'évaluer les préjudices résultant, d'une part, de la maladie professionnelle dont elle souffre au genou droit, d'autre part, de la pathologie dont elle souffre au genou gauche et, enfin, de l'accident de service dont elle a été victime le 14 janvier 2022 .

Par une ordonnance n° 2203009 du 27 juin 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a désigné comme expert le docteur D... B..., et lui a confié pour missions de :
1° - prendre connaissance des dossiers médicaux et de tous documents concernant Mme A..., détenus ou produits par les Hospices civils de Lyon et par l'intéressée ; convoquer et entendre les parties et tout sachant ; procéder à l'examen sur pièces du dossier médical de Mme A..., ainsi qu'à son examen clinique ;
2° - décrire l'état de santé de Mme A... en lien avec sa maladie professionnelle et son accident de service du 14 janvier 2022, faire l'historique de son évolution, préciser les causes de cet état de santé et dire si une pathologie préexistait à la maladie professionnelle ou à l'accident survenu le 14 janvier 2022 ;
3° - reprendre le dossier de Mme A... et recenser l'ensemble de celles par lesquelles les Hospices civils de Lyon ont admis l'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre au genou droit et de l'accident dont elle a été victime ;

4° - tant pour la maladie professionnelle que pour l'accident de service, proposer une date de consolidation de l'état physique de Mme A..., et évaluer l'importance et la durée du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances physiques ou mentales endurées, du déficit fonctionnel permanent, du préjudice d'agrément et du préjudice sexuel, ou de tout autre préjudice extrapatrimonial dont celle-ci ferait état ;
5° - préciser le montant des dépenses de santé et des frais divers supportés jusqu'à la date de consolidation et évaluer la nature et le montant des dépenses de santé futures, le cas échéant, indiquer quels seront les besoins d'adaptation du logement et du véhicule de Mme A..., dire dans quelle mesure elle aura besoin de l'assistance d'une tierce personne ; indiquer dans quelle mesure ces soins sont imputables à sa maladie professionnelle ou à son accident de service du 14 janvier 2022 ; en cas de pluralité de causes, déterminer la part d'imputabilité de chacune ;
6° - évaluer chacun de ces préjudices, même en l'absence de lien de causalité, y compris partiel, avec la maladie professionnelle ou l'accident de service ; pour chacun d'entre eux, distinguer la part imputable à la maladie professionnelle ou l'accident de service de celle ayant pour origine toute autre cause ou pathologie, eu égard, notamment aux antécédents médicaux de l'intéressée ;
7° - de manière générale, donner toutes précisions et informations utiles permettant au tribunal de se prononcer sur l'importance du préjudice, ainsi que toute information utile à la solution du litige ;
8° - tenter de parvenir à un accord entre les parties, si possible.
Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 8 juillet 2022, les Hospices civils de Lyon, représentés par Me Walgenwitz (SELARL Jean-Pierre et Walgenwitz), demandent à la cour :
1°) de réformer cette ordonnance ;
2°) d'impartir à l'expert une nouvelle mission ;
3°) de suspendre l'exécution de cette ordonnance.

Ils soutiennent que :
- il est nécessaire d'apprécier dans sa globalité la pathologie des deux genoux dont souffre Mme A... ; c'est à tort que le juge des référés a refusé de confier pour mission à l'expert de se prononcer sur l'imputabilité au service, ou non, de la pathologie au genou gauche, et l'évaluation des préjudices, au motif qu'il appartient le cas échéant au juge du fond de prononcer une mesure d'expertise avant-dire-droit ; la mesure d'expertise prononcée ne peut présenter un caractère d'utilité certaine pour les litiges en cours et à naître, et en particulier l'action indemnitaire en réparation des préjudices extrapatrimoniaux consécutifs à l'ensemble des pathologies, que si la mission de l'expert porte sur les pathologies des deux genoux ; ils risquent d'être condamnés au paiement d'une somme qu'ils ne doivent pas ;
- en confiant à l'expert, au point 5 de son ordonnance, la mission de fixer l'ensemble des préjudices patrimoniaux de Mme A..., le juge des référés a commis une erreur de droit ;
- compte tenu du risque de condamnation au paiement de sommes non dues, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article R. 533-2 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 septembre 2022, Mme C... A..., représentée par Me Bracq (SELARL Asterio), conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la condamnation des Hospices civils de Lyon à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- la demande est irrecevable concernant l'extension de la mission au genou gauche, qui a été rejetée par le juge des référés, conformément aux souhaits des Hospices civils de Lyon ; la pathologie au genou droit a été reconnue par l'administration comme maladie professionnelle, ainsi que l'accident de service du 14 janvier 2022 ; le juge des référés a fait droit à la demande des Hospices civils de Lyon concernant l'état antérieur, dont l'expert pourra tenir compte pour l'évaluation des préjudices ;
- la demande n'est pas fondée ; les Hospices civils de Lyon ne sauraient remettre en cause la reconnaissance en tant que maladie professionnelle de la pathologie au genou droit ; la mission confiée à l'expert est habituelle et régulière.
Vu l'ordonnance attaquée et les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.



Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions des Hospices civils de Lyon tendant à la réformation de l'ordonnance litigieuse :

1. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence d'une décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction (...) ".

2. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement des dispositions précitées doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher.

3. Il résulte de l'instruction que par décision du 1er février 2021, non contestée et devenue définitive, le directeur général des Hospices civils de Lyon a reconnu imputable au service la pathologie au genou droit dont est atteinte Mme A..., aide-soignante principale. Par décision du 14 décembre 2021, la même autorité a refusé de considérer que la pathologie au genou gauche dont est atteinte l'intéressée soit reconnue comme maladie professionnelle. Mme A... a formé un recours au fond devant le tribunal administratif de Lyon, toujours pendant, afin de contester le rejet de sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de cette seconde pathologie. Par décision du 17 février 2022, Mme A... a été placée en congé d'invalidité temporaire imputable au service suite à l'accident dont elle a été victime le 14 janvier 2022.
4. En premier lieu, s'agissant de la demande portant sur l'imputabilité ou non au service de la pathologie dont souffre Mme A... au genou gauche, et l'évaluation des préjudices en résultant, c'est à bon droit que le juge des référés a rejeté pour défaut d'utilité la demande sur ce point, après avoir considéré que, compte tenu des éléments d'ores et déjà en sa possession, et en particulier des certificats médicaux dont elle se prévaut, l'intéressée était en mesure de faire valoir ses prétentions devant le juge du fond et qu'aucune circonstance particulière ne conférerait à la mesure d'expertise sollicitée un caractère d'utilité différent de celui que le même juge pourra décider, le cas échéant, dans l'exercice de ses pouvoirs de direction et d'instruction. Si les Hospices civils de Lyon, qui s'étaient au demeurant opposés à cette demande devant le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, soutiennent désormais en appel qu'il faudrait que l'expert se prononce, dans le cadre de la mission qui lui a été confiée par l'ordonnance litigieuse, sur l'imputabilité au service de cette pathologie, les éléments qu'ils invoquent ne permettent pas d'établir l'utilité de l'extension de la mission ainsi sollicitée.
5. En deuxième lieu, c'est sans commettre d'erreur de droit que le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a fait droit à la demande de Mme A... concernant l'évaluation de l'ensemble des préjudices résultant de la maladie professionnelle et de l'accident de service dont elle a été victime, et défini les missions confiées à l'expert, à qui il appartient notamment de distinguer, pour chacun des préjudices en cause, la part imputable à la maladie professionnelle et à l'accident de service, de celle ayant d'autres origines, en particulier liées aux antécédents médicaux de l'intéressée.
6. Il résulte de ce qui précède que les Hospices civils de Lyon ne sont pas fondés à demander la réformation de l'ordonnance n° 2203009 du 27 juin 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Lyon. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à la suspension de l'exécution de cette ordonnance doivent également être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon, partie perdante à la présente instance, la somme de 1 500 euros, à verser à Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


ORDONNE :

Article 1er : La requête des Hospices civils de Lyon est rejetée.

Article 2 : Les Hospices civils de Lyon verseront à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée aux Hospices civils de Lyon et à Mme C... A.... Copie en sera adressée au docteur D... B....


Fait à Lyon, le 30 septembre 2022.


Le président, juge des référés,




Jean-Yves Tallec



La République mande et ordonne au préfet du Rhône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 22LY020462