CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 15/11/2022, 20BX03075, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 19 juin 2018 par lequel le président du conseil départemental de la Charente a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 18 décembre 2017.
Par un jugement du 8 juillet 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 septembre 2020 et le 23 août 2021, Mme C..., représentée par Me Renner, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 juillet 2020 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 juin 2018 du président du conseil départemental de la Charente ;
3°) d'enjoindre au président du conseil départemental de la Charente de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 18 décembre 2017, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge du département de la Charente une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont entaché leur décision d'une dénaturation des pièces du dossier et d'une erreur d'appréciation dès lors que l'accident dont elle a été victime alors qu'elle revenait sur son lieu de travail après sa pause méridienne constitue un accident de trajet ;
- la réalité de cet accident est établie par les pièces versées au dossier que le département de la Charente se borne à contester sans apporter aucune preuve.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 novembre 2020 et le 13 septembre 2021, le département de la Charente, représenté par Me Heymans, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 900 euros soit mise à la charge de Mme C... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... A...,
- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,
- et les observations de Me Platel pour le Département de la Charente.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C..., adjointe administrative principale de 2ème classe, exerce ses fonctions au sein du service " bâtiments " du département de la Charente à Angoulême. Le 18 décembre 2017, elle a été victime d'une chute à la suite de laquelle elle a été placée en congé de maladie. Par un arrêté du 19 juin 2018, le président du conseil départemental de la Charente a refusé de reconnaître l'imputabilité au service cet accident. Mme C... relève appel du jugement du 8 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. Dès lors, la situation de Mme C..., victime d'un accident survenu le 18 décembre 2017, est régie par les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 introduit par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 n'étant pas encore entré en vigueur à la date de l'accident, faute de décret d'application. Le décret d'application du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale n'est entré en vigueur que le 13 avril 2019.
3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 58. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales ".
4. Est réputé constituer un accident de trajet tout accident dont est victime un agent public qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s'accomplit son travail et sa résidence et pendant la durée normale pour l'effectuer, sauf si un fait personnel de cet agent ou toute autre circonstance particulière est de nature à détacher l'accident du service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.
5. Il ressort des pièces du dossier que, le 18 décembre 2017, Mme C... a renseigné une déclaration d'accident de service en y indiquant qu'elle avait été victime d'une chute sur le trottoir de la rue d'Austerlitz entre 13 h 15 et 13 h 20, lors de sa pause méridienne, alors qu'elle se trouvait sur le parcours entre son domicile et son lieu de travail situé rue de l'Arsenal. Le 4 avril 2018, Mme C... a adressé à la commission de réforme, appelée à émettre un avis sur l'imputabilité au service de son accident, un courrier relatant pour la première fois que, le 18 décembre 2017, elle avait pris son repas au restaurant inter-administratif, où il est d'ailleurs établi par les pièces versées au dossier qu'elle a été servie à 12 h 26, et avait ensuite effectué des tâches de la vie courante. Le 3 mai suivant, Mme C... a déclaré avoir été victime de l'accident en cause sur le trajet depuis son domicile ainsi que depuis son lieu de prise habituelle des repas et s'être déplacée non seulement en bus et à pied mais également en voiture pour retourner à son domicile y récupérer des médicaments. En outre, tandis que dans la déclaration de service établie le 18 décembre 2017, Mme C... avait uniquement renseigné les coordonnées d'un témoin indirect qui l'avait aidée à reprendre ses esprits après la chute, elle s'est nouvellement prévalue le 5 février 2018 de l'existence d'un témoin direct, au surplus présenté comme une inconnue alors qu'elle faisait partie de ses " amis " sur le réseau social Facebook. Ces éléments ont d'ailleurs justifié le prononcé d'un blâme par un arrêté du 9 juillet 2018, contre lequel a été formé un recours en annulation rejeté par un jugement du 10 juillet 2019 du tribunal administratif de Poitiers, confirmé par un arrêt du 11 octobre 2021 de la cour administrative d'appel de Bordeaux devenu définitif. Ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges qui n'ont pas inexactement analysé les pièces du dossier, les différentes déclarations de Mme C... sont ainsi à tout le moins entachées d'omissions et de contradictions. Dans ces conditions, et alors même que la commission de réforme avait émis un avis favorable le 5 avril 2018, l'accident dont Mme C... a été victime le 18 décembre 2017 ne peut être regardé comme revêtant le caractère d'un accident de trajet.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2018 du président du conseil départemental de la Charente. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, en revanche, faire droit aux conclusions présentées par le département de la Charente sur le fondement de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge Mme C... la somme de 900 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Mme C... versera au département de la Charente la somme de 900 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au département de la Charente.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
M. Anthony Duplan, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 novembre 2022.
L'assesseure la plus ancienne
dans l'ordre du tableau
Caroline Gaillard
La présidente-rapporteure,
Karine A...
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au préfet de la Charente en ce qui le concerne ou à tous commissaire de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 20BX03075