CAA de LYON, 7ème chambre, 08/12/2022, 22LY00315, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 19 décembre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité.
Par un jugement n° 1902161 du 9 décembre 2021, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 31 janvier 2022, M. E... représenté par Me Greze-Paillon demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et la décision susmentionnée ;
2°) d'ordonner une mesure d'expertise afin que soit déterminé le taux d'invalidité dont relève son état de santé, et de mettre à la charge de l'État les provisions destinées au médecin expert ;
3°) à titre infiniment subsidiaire qu'il lui soit fait application du taux d'invalidité proposé par le docteur D... dans son rapport du 17 mai 2018 ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision est insuffisamment motivée en ce qui concerne le rejet de la demande d'expertise ;
- la décision méconnaît l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et est entaché d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 23 mai 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;
- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Engagé volontaire dans l'armée de terre le 3 février 2009, M. E..., né le 6 mars 1990, a été rayé des contrôles le 14 mars 2013 par voie de réforme. Un arrêté du 5 septembre 2016 lui a concédé une pension militaire d'invalidité au taux de 25 % pour une infirmité constituée par un syndrome de stress post-traumatique, caractérisé notamment par des cauchemars, à la suite d'une opération extérieure en Haïti. Par une décision du 19 décembre 2018, la ministre des armées a rejeté la demande de M. E..., formée le 8 mars 2017, tendant à la révision de sa pension pour aggravation de cette infirmité. M. E... demande à la cour l'annulation du jugement du 9 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Si M. E... soutient que le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne le rejet de la demande d'expertise, il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif a refusé d'ordonner une expertise, au vu de l'avis " ajourné " de la commission de réforme des pensions militaires d'invalidité, alors que le tribunal administratif était libre d'ordonner ou non cette mesure d'instruction. Dans ces conditions, le jugement est suffisamment motivé et n'est pas entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 p 100 au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ".
4. Il résulte de ces dispositions que, même si, pour l'exercice de son office, le juge du contentieux des pensions militaires d'invalidité statue en plein contentieux, lorsque le titulaire d'une pension militaire d'invalidité pour infirmité sollicite sa révision du fait de l'aggravation de ses infirmités, l'évolution du degré d'invalidité s'apprécie à la date du dépôt de la demande de révision de la pension, qui lie le contentieux ultérieur.
5. Il apparaît que lors de son expertise du 20 janvier 2016, le docteur C..., psychiatre agréé, a retenu un taux d'invalidité de 25 % en relevant une sensible aggravation d'un syndrome psychotraumatique, que les troubles psychologiques sont apparus à la suite d'une opération extérieure en Haïti au cours de laquelle il a été confronté, qu'il a des troubles du sommeil, de l'anxiété, fait des cauchemars, a une perte de l'élan vital, des flash-back, des manifestations phobiques et un tremblement des membres supérieurs, son traitement étant composé de Miansérine 90 mg/jour, Xeroquel et Tranxène. Si, lors de son expertise du 7 mai 2018, le docteur D..., psychiatre agréé, a proposé un taux d'invalidité de 35 % en constatant une légère aggravation après avoir relevé que, malgré son traitement, l'intéressé présentait toujours des troubles évidents et handicapants concernant son insertion socio-affective et professionnelle, avec des troubles du sommeil, des visions, des réminiscences et qu'il évoquait beaucoup d'angoisse, il n'en résulte pas pourtant une aggravation de l'infirmité de M. E... par rapport à son état antérieur, même si le traitement comporte deux nouveaux médicaments et qu'il est fait état d'aboulie et d'apragmatisme importants. L'aggravation du taux d'invalidité de l'infirmité retenu par la commission de réforme des pensions militaires d'invalidité lors de sa séance du 13 octobre 2018 n'apparaît pas justifiée, alors que dans sa séance du 18 décembre de la même année, elle a confirmé son précédent avis du 3 juillet 2018 qui concluait à une absence d'aggravation. Ni le certificat, non circonstancié, du 16 février 2017 du docteur A..., médecin psychiatre traitant le requérant, qui déclare le taux d'invalidité de ce dernier à 70 %, ni le taux d'invalidité retenu par sa société d'assurance, qui ne répond pas au même barème que les pensions militaires d'invalidité, ne sont de nature à remettre en cause la décision contestée. Aucune aggravation de l'invalidité dont souffre l'intéressé ne saurait donc être retenue.
6. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Il suit de là, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise, que sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2022.
La rapporteure,
C. DjebiriLe président,
V.-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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