CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 30/12/2022, 20TL04309, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 21 juin 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours administratif préalable contre la décision du 20 septembre 2017 rejetant sa demande d'indemnisation des préjudices résultant de son accident de service survenu le 2 novembre 1979 et d'enjoindre à la ministre des armées de donner une suite favorable à sa demande.
Par un jugement n° 1802298 du 22 septembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 novembre 2020, sous le n°20MA04309 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°20TL04309, M. B... A... représenté par Me Vincensini, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 22 septembre 2020 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler la décision du 25 avril 2018 de la commission de recours des militaires rejetant son recours préalable contre la décision du 20 septembre 2017 ;
3°) d'annuler la décision du 20 septembre 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande d'indemnisation de ses préjudices ;
4°) d'ordonner au ministre des armées de l'indemniser des préjudices résultant de son accident de service du 2 novembre 1979 ;
5°) de procéder avant dire droit à la désignation d'un expert ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- son droit à indemnisation n'est pas prescrit, la date de consolidation de son état de santé n'a jamais été fixée avant le certificat médical du 25 avril 2016 ;
- le délai de recours ne peut courir qu'à partir du moment où la date de consolidation retenue est notifiée à l'intéressé ainsi que le prévoient les dispositions de l'article R. 433-17 du code de la sécurité sociale ; or celle-ci ne lui a jamais été notifiée ;
- à titre subsidiaire, dans la mesure où la date de consolidation retenue par le jugement de première instance ne correspond pas aux prétentions des parties et ne résulte d'aucune constatation médicale, un expert pourra être désigné afin de permettre qu'il soit mis fin au litige.
Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. A....
Par un mémoire en défense enregistré le 8 juillet 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- l'administration a fixé au 2 septembre 1988 la date de consolidation des blessures de M. A... compte tenu des éléments contenus dans son dossier médical et notamment de la fiche descriptive des infirmités ayant donné lieu à l'attribution d'une pension militaire d'invalidité établie le 2 mai 2000 ;
- la créance de M. A... était prescrite lorsqu'il a formé, le 10 décembre 2014, sa demande d'indemnisation quelle que soit la date de consolidation retenue parmi les différentes dates de consolidation qui ont fait l'objet de discussion ;
- M. A... s'est vu concéder une pension militaire d'invalidité à titre définitif le 7 mai 2007, laquelle était accompagnée d'une évaluation de l'invalidité par un médecin expert qui a pu évaluer le déficit fonctionnel et l'atteinte à son état général causés par ses blessures, de sorte qu'il était en mesure de présenter une demande indemnitaire à l'administration avant que sa créance ne soit prescrite ;
- la date de consolidation est une constatation d'un état de fait ;
- les dispositions de l'article R.433-17 du code de la sécurité sociale, relatives au versement des indemnités journalières par la caisse primaire d'assurance maladie en matière d'indemnisation d'incapacité temporaire, ne sont pas applicables ;
- la réalisation d'une expertise n'est pas utile.
Par une ordonnance du 4 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 juillet 2022 à 12h.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Céline Arquié, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., adjudant de l'armée de l'air, relève appel du jugement du 22 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 juin 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours administratif préalable contre la décision du 20 septembre 2017 rejetant sa demande de versement d'une indemnité destinée à réparer les préjudices patrimoniaux, extrapatrimoniaux, d'agrément et sexuel résultant de son accident de service survenu le 2 novembre 1979.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. D'une part aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable au litige : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service. / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". Ces dispositions, qui déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un militaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, ne font pas obstacle à ce que le militaire, qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de l'Etat qui l'emploie, même en l'absence de faute de celui-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique. Elles ne font pas plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'Etat, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité.
3. D'autre part, l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisée dispose que : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ". L'article 2 de la même loi dispose : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...). Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance " ;et enfin aux termes de son article 3 : " " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance (...) ".
4. Pour l'application de ces dispositions s'agissant d'une créance indemnitaire détenue sur l'Etat au titre d'un dommage corporel engageant sa responsabilité, le point de départ du délai de la prescription quadriennale est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées à ce dommage ont été consolidées. L'expiration du délai de prescription est par ailleurs sans incidence sur la possibilité d'obtenir réparation des préjudices nouveaux résultant d'une aggravation directement liée au fait générateur du dommage et postérieure à la date de consolidation. Le délai de prescription de l'action tendant à la réparation d'une telle aggravation court à compter de la date à laquelle elle s'est elle-même trouvée consolidée.
5. S'il ne résulte pas de l'instruction qu'une date de consolidation ait été retenue par les médecins expert lors de l'attribution à M A..., le 2 mai 2000, de sa pension militaire d'invalidité, l'intéressé a bénéficié le 7 mai 2007 d'une majoration de celle-ci au titre de l'aggravation séquellaire de l'accident du 2 novembre 1979 à la suite des constats dressés par la fiche descriptive des infirmités établie le 16 avril 2007. Cette fiche retient un degré d'invalidité totale de 50 %, du fait de séquelles de traumatisme cervical, de fractures du cotyle gauche, persistance de douleurs de la hanche gauche, et de séquelles de fracture du nez. Ces séquelles correspondent à une aggravation de l'état de M. A... par rapport à celui consécutif à son accident de service. Elles sont identiques à celles mentionnées dans le certificat médical du 25 avril 2016 établi par le médecin généraliste de M. A... et il ne résulte pas de l'instruction qu'elles aient connu de nouvelles évolutions après que son état se soit aggravé et que sa pension ait fait l'objet d'une majoration au mois de mai 2007. L'état initial de M A... doit ainsi nécessairement être regardé comme ayant été consolidé antérieurement à la date du 7 mai 2007, et l'aggravation de son état de santé comme ayant été consolidée à cette date, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que différentes dates de consolidation ont été successivement retenues par l'administration ou que le service de santé des armées n'ait pas établi de certificat de consolidation de ses blessures. Le certificat médical du 25 avril 2016 qui indique que les blessures peuvent être regardées comme consolidées ce même jour, sans plus de précision et sans étayer ses dires par les historiques médicaux des séquelles, n'est pas de nature à remettre en cause les constatations qui précèdent. La créance de M A... était par conséquent prescrite à la date du 10 décembre 2014 à laquelle il a sollicité l'indemnisation de ses préjudices.
6. M. A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 433-17 du code de la sécurité sociale qui concernent le versement des indemnités journalières par la caisse primaire d'assurance maladie en matière d'indemnisation d'incapacité temporaire et ne sont pas applicables à l'espèce.
7. L'intéressé, qui a sollicité le 11 janvier 2007 la révision de sa pension en raison de l'aggravation de ses séquelles, a été destinataire et a pu prendre connaissance des éléments médicaux à l'origine de la majoration de sa pension tels que figurant sur la fiche descriptive des infirmités de 2007 et dont il ressortait que la date de consolidation des séquelles initiales est antérieure à celle du mois de mai 2007, de sorte qu'en tout état de cause, l'absence de notification de la date de consolidation de ses séquelles n'a pas été de nature à retarder le point de départ du délai de prescription de sa créance.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise laquelle ne revêtirait pas de caractère utile, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
Mme Arquié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.
La rapporteure,
C. Arquié
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20TL04309