Conseil d'État, 7ème chambre, 07/04/2023, 463726, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision07 avril 2023
Num463726
Juridiction
Formation7ème chambre
RapporteurM. Hervé Cassara
CommissaireM. Nicolas Labrune
AvocatsSCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prescrire avant-dire droit une expertise médicale à la charge de la commune de Nîmes, d'annuler la décision du 29 janvier 2020 par laquelle le maire de Nîmes a rejeté sa demande tendant au bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'enjoindre au maire de Nîmes de lui accorder le bénéfice de cette allocation et de mettre à la charge de la commune de Nîmes, au titre des dépens, les frais afférents à l'expertise réalisée le 19 décembre 2019 par un médecin agréé.

Par un jugement n° 2003175 du 4 mars 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 mai et 20 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Nîmes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 68-756 du 13 août 1968 ;
- le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hervé Cassara, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de M. A... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par une décision du 29 janvier 2020, le maire de Nîmes a refusé de reconnaître à M. A..., adjoint technique territorial principal, un droit à l'allocation temporaire d'invalidité au titre de l'accident de service dont il a été victime le 18 août 2014. Par un jugement du 4 mars 2022, contre lequel M. A... se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux.

2. Aux termes de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du traitement minimal de la grille mentionnée à l'article 15 du titre Ier du statut général, correspondant au pourcentage d'invalidité ". Le III de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 relative à la fonction publique territoriale dans sa rédaction alors en vigueur maintenait en vigueur et étendait à l'ensemble des agents concernés par cette loi les dispositions de l'article L. 417-8 du code des communes aux termes duquel : " Les communes et les établissements publics communaux et intercommunaux sont tenus d'allouer aux agents qui ont été atteints d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente au moins égale à un taux minimum déterminé par l'autorité supérieure ou d'une maladie professionnelle une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec le traitement, dans les mêmes conditions que pour les fonctionnaires de l'Etat ". Aux termes de l'article 2 du décret du 2 mai 2005 relatif à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " L'allocation est attribuée aux fonctionnaires maintenus en activité qui justifient d'une invalidité permanente résultant : / a) Soit d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'un taux au moins égal à 10 % ; (...) ". Aux termes de l'article 5 de ce décret : " Le taux d'invalidité est déterminé compte tenu du barème indicatif prévu à l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite. / Dans le cas d'aggravation d'infirmités préexistantes, le taux d'invalidité à prendre en considération est apprécié par rapport à la validité restante du fonctionnaire ". Aux termes de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " (...) Le taux d'invalidité est déterminé compte tenu d'un barème indicatif fixé par décret (...) ". Le barème visé par ces dispositions est annexé au décret du 13 août 1968 pris en application de l'article L. 28. Il précise, en son chapitre préliminaire I B, les conditions dans lesquelles il est tenu compte d'infirmités successives résultant d'événements différents imputables au service. Aux termes de l'article 10 du décret du 2 mai 2005 : " En cas de survenance d'un nouvel accident ouvrant droit à allocation et sous réserve qu'une demande ait été formulée dans les délais prescrits à l'article 3, il est procédé à un nouvel examen des droits du requérant compte tenu de l'ensemble des infirmités. Une nouvelle allocation est éventuellement accordée, en remplacement de la précédente, pour une durée de cinq ans (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que, dans l'hypothèse où un fonctionnaire territorial a subi successivement deux accidents de service qui, pris isolément, se traduisent chacun par un taux d'incapacité inférieur à 10 %, mais qui, cumulés, atteignent ce seuil, ce fonctionnaire peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité tenant compte de l'ensemble de ces infirmités.

4. D'une part, il résulte des énonciations du jugement attaqué que le tribunal administratif de Nîmes a relevé que le taux d'incapacité permanente partielle consécutif à l'accident de service dont a été victime le requérant le 18 août 2014 doit être évalué à 6 %. D'autre part, il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que la commission de réforme a retenu, aux termes de son avis du 29 mai 2018, un taux global d'incapacité permanente partielle de 5 % à la suite d'un autre accident de service dont M. A... a été victime le 24 mars 2016, ainsi qu'il le faisait valoir dans ses écritures. Dès lors, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que M. A... est fondé à soutenir qu'en relevant, pour juger qu'il ne remplit pas les conditions pour se voir accorder le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité, qu'il n'établit ni même n'allègue que le taux d'incapacité permanente partielle imputable à l'accident de service du 18 août 2014 est au moins égal à 10 % en application des dispositions citées au point 2, sans tenir compte du taux d'incapacité permanente partielle consécutif à l'accident de service du 24 mars 2016, le tribunal administratif de Nîmes a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, son jugement doit être annulé.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Nîmes la somme de 3 000 euros à verser à M. A..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 4 mars 2022 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Nîmes.
Article 3 : La commune de Nîmes versera à M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à la commune de Nîmes.


ECLI:FR:CECHS:2023:463726.20230407