CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 13/06/2023, 22MA01569, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision13 juin 2023
Num22MA01569
JuridictionMarseille
Formation4ème chambre
PresidentM. MARCOVICI
RapporteurM. Stéphen MARTIN
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsPAOLANTONACCI

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 17 octobre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité, et d'enjoindre à la ministre des armées de fixer le taux d'invalidité de l'hypoacousie bilatérale à titre principal à 12 %, et à titre subsidiaire à 10 %, celui des acouphènes permanents à 10 %, et d'ouvrir ses droits à pension à compter du 3 mai 2016.

Par un jugement n° 2003847 du 10 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 juin 2022 et 23 février 2023, M. B..., représenté par Me Paolantonacci, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2003847 du 10 mai 2022 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler la décision du 17 octobre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité ;




3°) à titre principal, de dire et juger qu'il a droit, à compter du 3 mai 2016, à une pension à raison d'un taux d'invalidité de 12 % au titre de l'hypoacousie bilatérale et de 10 % au titre des acouphènes permanents, l'ensemble en application du barème de 1919 modifié, ou, à titre subsidiaire, de dire et juger qu'il a droit, à compter du 3 mai 2016, à une pension à raison d'un taux d'invalidité de 10 % au titre d'une dureté des deux oreilles en application du barème de 1915 et de 10 % au titre des acouphènes permanents en application du barème de 1919 modifié, ou, très subsidiairement et avant dire droit, d'ordonner une mesure d'expertise médicale et de surseoir à statuer sur le surplus des conclusions ;

4°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de l'Etat, outre les dépens, le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- en ce qui concerne l'infirmité " acouphènes permanents ", il est acquis qu'elle résulte d'un traumatisme sonore bien identifié et documenté de 1985 et non de conditions générales de service ;
- en ce qui concerne l'infirmité " hypoacousie bilatérale ", elle résulte du traumatisme sonore de 1985 rapidement classé " O2 " ; la perte de sélectivité existe dès 1994 et même dès 1992 et n'a pas changé en 22 ans ; aucune mesure d'exemption n'a été prise après le traumatisme de 1985, ce qui constitue en lui-même un second fait de service et une erreur d'appréciation du service de santé militaire ; il peut se prévaloir du barème le plus favorable de 1915 aux termes de l'article L. 125-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, justifiant l'application d'un taux minimum de 10 % voire de 15 %.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 février et 15 mars 2023, le ministère des armées conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Un courrier du 24 février 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.

Par une ordonnance du 28 mars 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martin,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :


1. M. B..., engagé dans la Légion Etrangère le 8 septembre 1982 et radié des contrôles le 1er novembre 2018, s'est vu concéder à titre définitif une pension militaire d'invalidité par un arrêté du 23 décembre 2002 pour l'infirmité " Hépatite virale B chronique avec persistance de l'antigène HBS à 7 ans du début de l'infection ". Le 3 mai 2016, M. B... a demandé la révision de sa pension militaire d'invalidité en se prévalant de deux infirmités nouvelles, à savoir une hypoacousie bilatérale et des acouphènes. Par une décision du 17 octobre 2018, la ministre des armées a refusé de réviser sa pension. M. B... relève appel du jugement du 10 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Et aux termes de l'article L. 3 de ce même code, également dans sa version applicable au litige : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / En cas d'interruption de service d'une durée supérieure à quatre-vingt-dix jours, la présomption ne joue qu'après le quatre-vingt-dixième jour suivant la reprise du service actif. / La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. ".

3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service prévue à l'article L. 3 du même code, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité et soumis, de ce fait, à des contraintes et des sujétions identiques.

4. En l'espèce, et d'une part, il est constant que M. B... ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service prévue à l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par suite, il lui appartient d'apporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque.




5. D'autre part, il résulte de l'instruction que la demande de revalorisation de pension présentée par M. B... au titre de deux nouvelles infirmités se fonde sur la circonstance que ces infirmités trouveraient leur origine dans une séance de tirs au fusil d'assaut de la manufacture d'armes de Saint-Etienne (FAMAS) auquel il a participé le 2 juin 1985 à Villemaury.

6. Toutefois, en qui concerne, tout d'abord, l'infirmité " acouphène permanent ", outre que ce n'est que par un rapport du 1er décembre 1986, établi un an et demi après les faits, que le médecin des armées a mentionné, pour la première fois, l'apparition de sifflements au niveau des deux oreilles, ce rapport, imprécis sur la date de l'évènement à l'origine des constatations effectuées, ne peut être regardé comme rapportant la preuve de l'existence d'un fait précis de service à l'origine de l'affection en cause. Une telle preuve ne résulte pas davantage du rapport du 12 mars 1987, qui évoque de manière laconique un traumatisme de septembre 1986, et pas d'avantage du compte rendu d'expertise médicale du 17 juillet 2018 qui évoque, sur la base des seules déclarations de l'intéressé consignées au registre des constatations le 17 avril 1987 seulement, la séance de tirs du 2 juin 1985. Dans ces conditions, la preuve de l'imputabilité de l'affection pour laquelle a été formée la demande de pension à un fait précis ou à des circonstances particulières de service, comme l'exige l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, n'est pas rapportée.

7. En ce qui concerne, ensuite, l'infirmité " hypoacousie bilatérale ", si l'expertise précitée du 17 juillet 2018 révèle que M. B... est atteint d'une perte auditive évaluée à
33,75 décibels (dB) à droite et 18,75 dB à gauche, correspondant à un taux d'invalidité de 12 %, et que l'expert indique que cette perte est liée à l'exposition sonores des tirs nourris et répétés quotidiennement, pendant plusieurs heures et plusieurs années, il résulte toutefois de l'instruction que ce n'est qu'à l'occasion d'une consultation à l'infirmerie régimentaire le 26 novembre 1986 qu'une surdité de perception bilatérale a été pour la première fois diagnostiquée. Ni ce rapport, pas plus qu'aucune autre des pièces médicales produites par l'appelant, ne permettent d'établir qu'il existerait un lien entre cette hypoacousie et le traumatisme sonore allégué du 2 juin 1985, l'avis rédigé le 2 août 2018 par le médecin en charge des pensions militaires d'invalidité mentionnant au demeurant la circonstance, non contredite, que l'intéressé présente des antécédents de nombreux épisodes d'otites bilatérales. Dans ces conditions, la seule exposition de M. B... à des nuisances sonores subies à l'occasion de séances d'entraînement au tir sans protection auditive, qui constituent des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires soumis, à cet égard, à des contraintes et sujétions identiques quelle que soit l'unité à laquelle ils appartiennent, ne suffit pas apporter la preuve de l'imputabilité à un fait précis de service de l'hypoacousie bilatérale qui a été diagnostiquée.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 17 octobre 2018 de la ministre des armées. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation, d'injonction, et tendant à la mise à la charge de l'Etat des frais d'instance doivent être rejetées.


D É C I D E :



Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juin 2023.
N° 22MA01569 2