Conseil d'État, 6ème chambre, 11/08/2023, 451212, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision11 août 2023
Num451212
Juridiction
Formation6ème chambre
RapporteurM. Bruno Bachini
CommissaireM. Nicolas Agnoux

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler l'arrêté interministériel du 3 décembre 2018 réduisant le montant de sa pension militaire d'invalidité à un taux global de 85 %. Par un jugement n° 18/00163 du 30 août 2019, le tribunal des pensions a annulé cet arrêté et enjoint à l'administration de procéder à la liquidation de la pension de M. B... au taux global de 90 %.

Par un arrêt n° 19MA04751 du 26 janvier 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la ministre des armées, réformé ce jugement en ce qu'il a porté le taux de l'infirmité " hypoacousie bilatérale " à 40 %, dont 22 % imputables au service.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mars et 29 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre des armées demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en ce qu'il ne fait que partiellement droit à son appel ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a statué sur le bénéfice de la majoration de 10 % au titre d'une perte de sélectivité.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;




Considérant ce qui suit :

1. En exécution d'un jugement du tribunal des pensions de Marseille du 13 avril 2017, confirmé par un arrêt de la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence du 14 mai 2018, M. B..., né le 22 juillet 1948, militaire de carrière radié des cadres le 30 octobre 1991, alors titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux global de 40 %, s'est vu reconnaître, par arrêté interministériel du 16 juillet 2018, le droit à la révision de cette pension, dont le taux global a été porté à 90 %, du fait de deux infirmités nouvelles, dont une hypoacousie bilatérale. Le taux de cette infirmité, arrêté à titre temporaire pour la période du 29 octobre 2014 au 28 octobre 2017, était alors évalué à 30 %, dont 12 % imputables au service, avec majoration de 10 % pour perte de sélectivité, soit un taux indemnisable de 22 %. Par un arrêté interministériel du 3 décembre 2018 statuant sur le droit au renouvellement de la pension versée au titre de ces infirmités nouvelles à compter du 29 octobre 2017, le taux global de la pension attribuée à M. B... a été ramené à 85 %, par suite de l'amélioration constatée de l'hypoacousie bilatérale, dont le taux d'invalidité a été limité à 12 % sans droit à la majoration de 10 % pour perte de sélectivité, tandis qu'une nouvelle baisse auditive bilatérale non imputable au service a été identifiée, dont le taux a été évalué à 28 %. Par un jugement du 30 août 2019, le tribunal des pensions de Marseille a jugé que M. B... avait droit au renouvellement à titre définitif de la pension versée au titre de l'infirmité " hypoacousie bilatérale ", dont il a fixé le taux à 40 %, dont 22 % imputable au service, avec majoration de 10 % pour perte de sélectivité. Sur appel de la ministre des armées, la cour administrative d'appel de Marseille a, dans un arrêt du 26 janvier 2021, réformé ce jugement en ce qu'il a porté le taux de l'infirmité " hypoacousie bilatérale " à 40 % dont 22 % imputable au service, en jugeant que M. B... ne pouvait prétendre qu'à un taux de 12 % imputable au service, avec une majoration de 10 % pour perte de sélectivité. Le pourvoi de la ministre des armées, qui se borne à contester le bien-fondé de cette majoration, doit être regardé comme tendant à l'annulation de cet arrêt en tant seulement qu'il statue sur la majoration de 10 % pour perte de sélectivité.

2. Aux termes de l'article L. 8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 121-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension temporaire est concédée pour trois années. Elle est renouvelable par périodes triennales après examens médicaux. / Au cas où la ou les infirmités résultent uniquement de blessures, la situation du pensionné doit, dans un délai de trois ans, à compter du point de départ légal défini à l'article L. 6, être définitivement fixée soit par la conversion à un taux supérieur, égal ou inférieur au taux primitif, de la pension temporaire en pension définitive, sous réserve toutefois de l'application de l'article 29, soit, si l'invalidité a disparu ou est devenue inférieure au degré indemnisable par la suppression de toute pension. (...) ".

3. Par ailleurs, le guide barème des invalidités, qui constitue l'annexe 2 au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre applicable au présent litige, précise, en ce qui concerne les diminutions d'acuité auditive : " Pour tenir compte des pertes de sélectivité importantes qui peuvent être la conséquence d'une atteinte post-traumatique ou toxique, ces taux seront majorés de 10 lorsque, pour la meilleure oreille (celle dont la PA est la moins accentuée), la différence des seuils d'audition sur les fréquences 4 000 et 1 000 Hz (4 000 - 1 000) est égale ou supérieure à 50 dB, à la condition toutefois que la perte auditive moyenne en dB (PA) de la meilleure oreille soit inférieure à 60 dB, car la gêne fonctionnelle qui résulte d'une perte de sensibilité supérieure n'est que fort peu aggravée par la perte de sélectivité ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque les conditions qu'elles prévoient sont réunies, la perte de sélectivité ne peut être retenue que sous la forme d'une majoration du taux de l'hypoacousie, et non d'une infirmité distincte.

4. Il résulte des énonciations mêmes de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel a constaté qu'il résultait du compte-rendu audiométrique que les nouveaux seuils d'audition sur la meilleure oreille avaient été mesurés à 80 dB sur la fréquence 4 000 Hz et à 40 dB sur la fréquence 1 000 Hz, soit une différence inférieure à 50 dB, de sorte que les conditions, énoncées au point 3, nécessaires à la reconnaissance d'une perte de sélectivité, n'étaient pas réunies. Dès lors, en jugeant que M. B... avait droit au maintien du bénéfice de la majoration pour perte de sélectivité, la cour administrative d'appel de Marseille a entaché son arrêt d'une erreur de droit et la ministre des armées est fondée à en demander, dans cette mesure, l'annulation.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Les conclusions présentées sur ce fondement par M. B... ne peuvent donc qu'être rejetées.




D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 26 janvier 2021 est annulé en tant qu'il statue sur la majoration de 10 % pour perte de sélectivité.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre des armées et à M. A... B....
Délibéré à l'issue de la séance du 6 juillet 2023 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 11 août 2023.



La présidente :
Signé : Mme Isabelle de Silva
Le rapporteur :
Signé : M. Bruno Bachini
La secrétaire :
Signé : Mme Laïla Kouas


ECLI:FR:CECHS:2023:451212.20230811