CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 14/09/2023, 21TL23765, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision14 septembre 2023
Num21TL23765
JuridictionToulouse
Formation2ème chambre
PresidentMme GESLAN-DEMARET
RapporteurMme Anne BLIN
CommissaireMme TORELLI
AvocatsPETITGIRARD

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 2 septembre 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension militaire d'invalidité et d'ordonner une expertise médicale sur ses séquelles otologiques.

Par un jugement n° 1906408 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 septembre 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n°21BX03765, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL23765, et un mémoire enregistré le 31 août 2022, M. A... D..., représenté par Me Petitgirard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 2 septembre 2019 de la ministre des armées ;
3°) d'ordonner une expertise médicale afin d'apprécier ses séquelles otologiques ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- ses infirmités se sont aggravées ; en particulier, ses acouphènes se sont majorés depuis les expertises des docteurs C... et B... et il est établi que ceux-ci peuvent s'aggraver sans nouvelle exposition à un traumatisme sonore ;
- il convient de faire droit à sa demande d'expertise afin d'apprécier cette aggravation.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 avril et 7 octobre 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que l'infirmité " acouphènes " ne peut donner lieu à révision de la pension servie à M. D... et que dans l'éventualité où la cour devait accéder à la demande d'expertise, celle-ci devrait être circonscrite à l'examen de l'infirmité " acouphènes " et le taux d'invalidité évalué à la date du 19 mars 2018.

Par ordonnance du 7 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 7 novembre 2022.
Un mémoire présenté pour M. D... a été enregistré le 2 décembre 2022 et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Petitgirard, représentant M. D....


Considérant ce qui suit :

1. M. D..., né le 6 décembre 1984, qui s'est engagé dans la marine nationale le 2 novembre 2004, a été victime d'un traumatisme sonore aigu lié à des tirs de canon alors qu'il se trouvait à bord du navire " TCD Foudre " le 30 novembre 2008. Il a été radié des contrôles pour inaptitude physique le 31 janvier 2014 et a sollicité une pension militaire d'invalidité pour acouphènes et hypoacousie bilatérale, en raison de la persistance de ses symptômes auditifs. Une pension militaire d'invalidité au taux de 15% pour acouphènes lui a été octroyée à compter du 14 mars 2014, renouvelée le 14 mars 2017. Le 19 mars 2018, M. D... a demandé la révision de cette pension en raison de l'aggravation de ses acouphènes et de sa perte d'audition. Par une décision du 2 septembre 2019 prise après avis défavorable du médecin-expert, la ministre des armées a rejeté cette demande. Par jugement du 6 juillet 2021 dont M. D... relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / (...). " Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Lorsque la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ne peut être apportée, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée : a) Soit avant la date du renvoi du militaire dans ses foyers ; b) Soit, s'il a participé à une des opérations extérieures mentionnées à l'article L. 4123-4 du code de la défense, avant la date de son retour sur son lieu d'affectation habituelle ; (...) Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. " Selon l'article L. 121-5 : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / (...). " Enfin, l'article L. 154-1 du même code, alors en vigueur, dispose : " le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Cette demande est recevable sans condition de délai. La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". Il résulte de ces dispositions que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 154-1 font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée.

3. M. D..., dont l'infirmité résulte des conséquences d'un traumatisme sonore subi en service le 30 novembre 2008, soutient subir une aggravation des acouphènes et de l'hypoacousie justifiant la révision de sa pension d'invalidité. Il résulte toutefois de l'instruction que, selon l'expert qui l'a examiné dans le cadre de sa demande de pension militaire d'invalidité le 12 mai 2014, le requérant reste atteint, d'une part, d'une surdité de perception bilatérale légère sans altération de l'intelligibilité à droite et à gauche, sa perte auditive moyenne étant évaluée à 13,75 décibels à droite et 16,25 décibels à gauche ne justifiant aucune invalidité et, d'autre part, des acouphènes pour un taux d'invalidité à 15%. Le second expert désigné, lequel a remis son rapport le 26 avril 2017, a conclu à une stabilité de l'hypoacousie de M. D..., évaluée à 13,7 décibels à droite et à 10 décibels à gauche, et a maintenu un taux d'invalidité de 15% en raison d'acouphènes permanents évalués à une intensité de 5 décibels pour une fréquence de 6 000 - 8 000 hertz. Contrairement à ce que soutient M. D..., la circonstance que ce dernier expert ait indiqué qu'une prise en charge psychothérapique lui apparaissait nécessaire au motif que " l'acouphène semble être l'expression d'un mal-être " ne révèle par elle-même aucune aggravation de l'infirmité dont il souffre. Si le requérant se prévaut d'une aggravation de ses infirmités, il n'a pas davantage produit devant la cour de pièce médicale susceptible de remettre en cause le caractère non évolutif des séquelles liées à un traumatisme sonore, tel que retenu par le médecin expert lors de son avis défavorable du 16 juillet 2019. Il ressort en outre du rapport d'expertise précité établi en 2017 que les séquelles auditives du requérant sont stabilisées, plus de trois ans après la radiation des contrôles de l'intéressé. Ainsi, en l'absence de toute justification d'une quelconque aggravation de ses séquelles auditives au sens des dispositions prévues à l'article L. 154-1 du code précité, la ministre des armées a pu à bon droit, sans procéder à une nouvelle expertise, rejeter la demande présentée par M. D... tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise médicale qui ne présente pas de caractère d'utilité, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées.


D E C I D E :


Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 31 août 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023.

La rapporteure,





A. Blin



La présidente,





A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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